
« C’est la mer le pire, dans les montagnes on mourrait de faim, mais on était en bonne santé. Moi, sur la plage j’y ai jamais mis les pieds, que maudit soit le jour où on s’est laissés emmener du vieux village. » (P. 307)
Ils ont tous été contraints de quitter leur village de montagne calabraise menacé de destruction par les eaux et les éboulements. Maintenant, ils sont près de la mer. Le village est desservi par la voie ferrée, mais le train ne s’y arrête pas…pour le prendre et le quitter, il faut courir et sauter et profiter de sa vitesse réduite…
Les hommes travaillent en Allemagne dans des usines automobile et quant ils rentrent au pays – pas tous les ans – il apportent l’argent qui permet d’effacer les deux années de dettes accumulates auprès de l’épicier …ces pères qui manquent terriblement aux enfants. D’autres dans la famille on émigré au Canada.
La terre et les vergers appartiennent à des familles riches, les autres se cassent le dos à travailler ou n’hésitent pas à voler ou à profiter de toutes occasions qui leur sont offertes , comme garder des sacs suspects de billets et d’armes..
La mafia calabraise n’est jamais bien loin.
Avant ils vivaient dans des maisons de village, mais pour eux, pour ces réfugiés on a construit les rughe » faites de deux bâtiments dessinant deux fers à cheval carrés pour seize familles, qu’elles soient d’une personne ou de dix – chaque logement avait deux pièces, une petite cuisine et une toilette » …des villages sans âme. Mais au moins maintenant, on ne se lave plus dans la bassine familiale au milieu de la cuisine.
Les femmes quant à elles cueillent les fleurs de jasmin qui seront transformées par les parfumeries…les cueillent et les comptent afin de ne pas être volées par ces grossistes, qui les achètent. Elles sont courageuses et sont les seules âmes de ces familles. Elles ont fait grève afin de ne plus être transportées comme du bétail dans les fourgons . Depuis elles sont transportées dans les champs de cueillette dans des vrais autocars, sur de vrais sièges…
Des jeunes sans aucun avenir…à moins de partir travailler ailleurs…..
L’auteur prend plaisir à décrire cette atmosphère, ces traditions locales mêlant religion, politique locale, mafia, ces habitants pauvres mais toujours solidaires…
Un peu long toutefois…..une impression due sans doute à mes états d’âme du moment
Éditeur : Métailié – Traduction par Serge Quadruppani – 2022 – 382 pages
Lien vers la présentation de Gioacchino Criaco
Quelques lignes
- « Et de nouveau je pensai à papa, à son visage qui toutes les fois qu’il revenait me paraissait celui d’un étranger, j’étais trop petit quand il est parti et les jours qu’il avait passés avec moi avaient été trop peu pour lui raconter tout ce qui m’arrivait quand il n’était pas là, pour lui demander de me raconter l’Allemagne, ses projets, et lui parler de tout ce qui me trottait dans la tête. » (P. 62)
- « Pour la plus grande partie, nous étions des enfants de pères émigrés, nous représentions leur espoir en un avenir moins pénible et le rêve de la province ionienne de devenir moderne comme l’Italie d’en haut. » (P. 75)
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« Papa aurait du revenir pour Noël, et il n’était pas venu; maman disait maintenant qu’il viendrait à Pâques. Il n’avait pas non plus envoyé d’argent, ni par la poste ni par quelqu’un du pays qui aurait travaillé avec lui et serait venu pour les fêtes. le mouchoir à rayures bleu sombre et bleu clair s’était desséché et j’avais peur de regarder dedans. » (P. 98)
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« Nous autres, les jeunes du village, on nous enseignait à faire nos valises, nous en savions plus sur le Lingotto, l’usine Fiat de Turin – et sur la Mirafiori que sur la Calabre. » (P. 111)
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« Toute la terre autour du village, comme celle le long de la côte, n’était qu’un immense verger, mais les fruits n’appartenaient pas aux Calabrais, ils étaient propriété des gnuri; pour une poignée de lires les gens du pays se cassaient le dos à les cueillir et à les charger dans des camions qui les porteraient aussi loin que nos migrants, pour remplir le ventre des autres. » (P. 173)
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« Le village compensait le vide que laissaient ceux qui s’en étaient allés avec la présence des émigrés revenus se reposer et, comme tous les étés, le temps s’accrochait au fil à linge pour se sécher de l’humidité de l’hiver. » (P. 289)
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« C’est la mer le pire, dans les montagnes on mourrait de faim, mais on était en bonne santé. Moi, sur la plage j’y ai jamais mis les pieds, que maudit soit le jour où on s’est laissés emmener du vieux village. » (P. 307)
- « Pour comprendre cette montagne, il faut avoir en soi le désir de liberté. » (P. 347)

