« Frère d’âme » – David Diop

Frère d’âmeIls sont morts en silence, hachés par la mitraille, toujours en première ligne, chair à canon pas chère en larmes…
« ILS » …ce sont ces tirailleurs sénégalais dont on parle assez peu dans la littérature sur la Première Guerre Mondiale….Petite précision de ma part, on parle toujours des « tirailleurs sénégalais », mais en fait ces combattants furent arrachés à tous les pays africains de la France coloniale. Il est nécessaire de le rappeler. Il fallait David Diop , auteur qui vécut au Sénégal pour en parler un peu plus…
Pour nous émouvoir de leur sort, de leur vie.
Ce roman hallucinatoire ne peut laisser indifférent. Il a au moins le mérite de donner la voix à ces milliers d’anonymes noirs, venus de différentes tribus mourir dans les tranchées. Ils sortaient de la tranchée en criant, pour faire peur à l’ennemi…dit-on.

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« La mort du Roi Tsongor » – Laurent Gaudé

la mort du roi tsongorLe jour se lève sur le royaume de Massaba. Aujourd’hui sera jour de fête, le roi Tsongor doit marier sa fille Samilia avec Kouame, roi des Terres du Ciel. La fête sera somptueuse, les cadeaux arrivent de toute  part et s’amoncellent. La princesse, heureuse, va faire connaissance avec son futur mari Kouame accompagné de sa garde personnelle. Cette journée exceptionnelle devrait se dérouler à merveille, mais…
Mais, Sango Kerim, compagnon de jeu des enfants du roi et de la princesse arrive lui aussi, avec son armée et rappelle au roi que Samilia s’était promise à lui dans son enfance.
Elle lui revient donc..

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« L’art de perdre » – Alice Zeniter

L'Art de perdrePour Ali et ses frères leur vie simple débuta comme un « conte de fées ». L’oued en crue, dans lequel il se baignaient, charriait les eaux de la fonte des neiges…et dans celles-ci un pressoir qui aurait pu les percuter. Un rocher l’arrêta. « Alors ils sortirent le pressoir de l’eau, le remirent en état et l’installèrent dans leur jardin. Peu importait désormais que leurs maigres terres fussent stériles car les autres venaient à eux avec les olives de leurs arpents et eux en faisaient de l’huile. Bientôt, ils furent suffisamment riches pour acheter leurs propres parcelles. »

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« Petit pays » – Gaël Faye

petit-paysGabriel est un gamin heureux d’une dizaine d’années, vivant sans soucis dans le quartier résidentiel de Kinanira à Bujumbura, capitale de la République du Burundi. C’est un gamin couleur « caramel », son père cadre français expatrié dirige une usine d’huile de palme, sa mère est Tutsi. Une famille comme beaucoup d’autres qui connaît malgré tout des tensions entre les parents. Ses copains sont comme lui des enfants métis aux prénoms français. Ils se retrouvent régulièrement dans leur quartier général, une épave de Combi Volkswagen, leur petit cocon, dans lequel ils se régalent des mangues juteuses qu’ils chapardent dans les jardins voisins. « C’était le bonheur. La vie sans se l’expliquer ». 

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« La joueuse de go » – Shan Sa

La joueuse de Go« Des soldats japonais traversent le carrefour, le drapeau fixé au bout de la baïonnette. Je distingue sous les casques des visages jeunes et cruels. Trapus, les yeux fendus, le nez écrasé sur une moustache, ils incarnent cette race insulaire qui, selon la légende, descend de la nôtre. Ils me dégoûtent. »…Ainsi parle la joueuse de go, jeune fille romantique, vivant dans les années 30 en Mandchourie occupée par les japonais.
Elle a 16 ans, presque le même âge que les occupants, va à l’école et a pour seul loisir et pour passion le jeu de go, qu’elle pratique en experte, en s’asseyant à une table sur une place, et en attendant l’adversaire qui viendra la défier. Seule femme admise dans ce jeu pratiqué par les hommes, elle aime ce jeu de stratégie, dans lequel on doit encercler les pions de son adversaire, tout en évitant que ses propres pions soient encerclés. Il faut « enlacer l’adversaire pour le vaincre, l’attirer dans ses bras pour le conquérir », « Les cavaliers de go, virevoltants et agiles, se piègent en spirale : l’audace et l’imagination sont ici les vertus qui conduisent à la victoire » Lire la suite

« Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants » – Mathias Énard

Un petit bijou de 150 pages  : chapitres très courts, une à 3 pages, échanges de correspondances….
Un mois de la vie de Michel-Ange appelé à Constantinople par le sultan pour dessiner un pont qui devra relier la ville à un de ses faubourgs. Un mois où l’auteur va nous faire découvrir avec les yeux de Michel-Ange la vie à Constantinople, ses monuments, un partie de son histoire, et surtout cet artiste qui va aimer, et être aimé , qui va passer des nuits blanches pour penser ce projet, jeter des esquisses, rencontrer ce sultan opposant du pape qui lui a également commandé des œuvres.

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« Charlotte » – David Foenkinos

CharlotteJ’avais feuilleté ce livre et son écriture sous forme de vers et de poésie m’avait rebuté, puis ce livre à reçu des louanges, des prix littéraires et aussi des critiques fortes. En tout cas il ne semblait pas laisser les lecteurs indifférents.
On connaît la fin et l’intrigue, mille fois écrite, tout le monde en a parlé : La vie d’une enfant juive devenant jeune fille puis mère, l’Allemagne nazie, la fuite en France, les dénonciations, la déportation ….; C’est une artiste peintre décrite souvent avec poésie. Lire la suite

« Le quatrième mur » – Sorj Chalandon

Le quatrième murSamuel Akounis  se définissant comme « Juif de Salonique, devenu grec par l’exode, français de préférence et metteur en scène parce que lorsque je n’ai plus d’idée, j’invente un personnage », souhaite monter « Antigone » d’Anouilh à Beyrouth. Les acteurs appartiendront à toutes les factions et pour la préparation et le spectacle oublieront leurs fusils. Pour lui, « monter Antigone sur une ligne de feu allait prendre les combats de court. Ce serait tellement beau que les fusils se baisseraient ».
Hospitalisé, car il lutte contre un cancer en phase terminale , il demande à son ami de fac, Georges avec lequel il a fait le coup de poing contre les étudiants d’Ordre nouveau, d’aller à Beyrouth pour monter à sa place cette pièce de théâtre.
Pourquoi Antigone ? Ce serait un beau clin d’œil à l’histoire puisque cette pièce a été montée dans des conditions identiques pendant l’occupation. Georges découvre cette ville, sa situation complexe : il va connaitre les barrages dans les rues et les laissez-passer, les snippers, la boule dans le ventre, le danger permanent. Il doit marcher sur la pointe des pieds pour convaincre Chrétiens, Musulmans, Chiites, Palestiniens….d’accepter l’ambitieux projet de son ami Samuel.
Allers retours vers Beyrouth, tractations avec les acteurs, si certains se reconnaissent dans les personnages d’autres rechignent compte tenu de leur religion à tenir tel ou tel rôle.
Tous cependant acceptent ce challenge et arrivent à être côte à côte, à parler pendant ces quelques heures de préparation sans se battre en laissant leurs armes à la porte.
Mais la guerre omniprésente reprendra ses droits. Georges sortira fortement traumatisé par cette expérience, par ses visions d’horreur.
Une tragédie autour de la tragédie d’Anouilh. L’auteur aussi a, à l’occasion d’entretiens, confirmé que cette période de sa vie de journaliste reporter à Beyrouth l’a fortement marqué. Il réussi dans ce livre à transmettre ses tensions, ses peurs…

Un livre que je n’ai pas pu lâcher, que j’ai dévoré, qui m’a marqué. Un livre dense, plus troublant, plus dérangeant que « Retour à Killybegs » ou « Mon traitre ». Je le relirai certainement dans un an


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