
« Tu feras ce que ton père et tes oncles te diront. »
– Ramla, tu as 17 ans, tu es grande maintenant, tu vas donc épouser Alhadji Issa, un ami de mon frère Hayatou, avec lequel nous sommes en affaires. Nous avons, tous deux, besoin de toi...!
– Mais Papa, je veux continuer mes études, je veux devenir pharmacienne, et puis j’aime pas Alhadji Issa, il est trop vieux pour moi , il est déjà marié…!
– Tu n’as pas à me répondre, tu feras ce que je te dis, comme ta soeur Hindou qui, elle, va épouser Moubarak !
– Mais Papa, je ne veux pas non plus épouser cet homme !
– Vous ferez ce que je vous dis, d’ailleurs n’ai-je pas moi, quatre épouses et n’avez-vous pas une trentaine de frères et sœurs? Et puis, si vous refusez, je répudie votre mère !
Dialogue surréaliste…non dialogue de la vie courante, dialogue bref que je gamberge pour présenter « Les Impatientes » . Une scène qui a elle seule pourrait résumer ce livre que, hasard du calendrier, je commente en ce jour de la Saint-Valentin.
Rude destin de ces jeunes filles qui n’ont pas droit à la parole, qu’on utilise comme monnaie d’échange.
Rude coutume que celle du mariage imposé à des jeunes filles vierges, bien sûr, jeunes filles de 18 ans, « beau c…, belle gueule » qui vont dans leur nouvelle vie sans bonheur, être jalousées, être concurrentes au lit et presque esclaves, dans la vie et la cuisine, de la daada-saaré, la première épouse plus âgée.
Daada-saaré qui en fera son souffre douleur, sa servante.
C’est elle qui commande dans la maison, ce n’est pas l’affaire du mari, qui est bien au dessus de ces chamailleries de femmes…Lui, n’a donné qu’un seul ordre : « Vous avez intérêt à vous entendre et à me rendre heureux » ….les affaires entre femmes ne l’intéressent pas….il ne se préoccupe pas plus des affaires des poules qui grattent dans la cour.
Si la nouvelle épouse ne veut pas plier, ne veut pas se soumettre, si elle cause trop de tracas, elle sera répudiée, rejetée….l’épouse kleenex ! Même leur père leur a dit, le jour de leur mariage« Soyez soumises !»
« Patience ! sois patiente, ça va s’arranger» leur dit-on régulièrement dans la famille paternelle. Elles ne sont pas les premières, elle ne sont pas les dernières, ce sont les traditions. Un homme doit avoir plusieurs épouses, c’est essentiel pour son standing, s’il veut apparaitre puissant aux yeux des autres hommes, fort aux yeux de ses partenaires en affaires.
Quant à la la daada-saaré, elle ne peut pas être en reste. Elle n’a pas eu droit a la parole et vit arriver la jeune mariée avec jalousie…l’épouse unique devint épouse parmi les épouses, et devait attendre que « son tour arrive »…difficile à supporter sans réagir !
La femme n’est ainsi qu’un objet de luxe légalisé et permis par le droit musulman, un objet de luxe comme le fut l’auteure, un objet de luxe sans droit à la parole, sans droit au bonheur, qui doit prouver par le nombre d’enfants qu’elle donnera la puissance de son maître et mari ! Un point, c’est tout !
Sous nos cieux, ces objets de luxe ne sont pas autorisés par notre droit…ce n’est pas pour autant qu’en ce jour de la Saint-Valentin de nombreux hommes achèteront plusieurs bouquets de roses à des femmes qui les attendent, qui toutes savent plus ou moins que d’autres femmes existent dans la vie de cet hommes…
Oui mais là-bas, c’est légal, la société, le droit, la religion, les pères le permettent et l’encouragent, et les femmes n’ont rien à dire…sous nos cieux c’est un choix de certaines imposées à d’autres.
Une belle claque ! Merci….je vais poursuivre la découverte de cette auteur
Éditions Emmanuelle Collas – 2020 – 240 pages
Lien vers la présentation de Djaïli Amadou Amal
Quelques lignes
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« À partir de maintenant, vous appartenez chacune à votre époux et lui devez une soumission totale, instaurée par Allah. Sans sa permission, vous n’avez pas le droit de sortir ni même celui d’accourir à mon chevet ! Ainsi, et à cette seule condition, vous serez des épouses accomplies ! » (P. 19)
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« Le mariage n’est pas qu’une question de sentiment. Au contraire. C’est d’abord, et avant tout, l’alliance de deux familles. C’est aussi une question d’honneur, de responsabilité, de religion – et j’en passe. » (P. 50)
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« Je dois soumission à mon époux !Je dois épargner mon esprit de la diversion !Je dois être son esclave afin qu’il me soit captif !Je dois être sa terre afin qu’il soit mon ciel !Je dois être son champ afin qu’il soit ma pluie !Je dois être son lit afin qu’il soit ma case ! » (P.97)
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« Il est naturel qu’un homme corrige, insulte ou répudie ses épouses. » (P. 125-6)
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« Tu n’es ni la première, ni la dernière qu’un homme frappe. Ce n’est pas une raison pour disparaitre comme cela. » (P. 137-8)
Ah cette saine indignation dans cette chronique sensible ! Merci bcp! Car c’est vraiment un roman indispensable et necessaire pour continuer à combattre l’esclavage imposé encore dans certaines cultures à la moitié de l’humanité…😉
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