
« Vingt minutes de chaos qui nous amènent, un siècle plus tard, à chercher une vérité qu’on ne trouvera peut-être jamais. » (P. 121)
« Vingt minutes de chaos qui nous amènent, un siècle plus tard, à chercher une vérité qu’on ne trouvera peut-être jamais. » (P. 121)
« Selon certains prospectivistes, les jeunes qui arrivent sur le marché du travail ne connaîtrons rien moins que 17 métiers » (P. 62)
« Cela avait-il un sens pour nous de continuer. ? » (P. 256)
« Jean Roscoff était Jean Roscoff, universitaire raté et talentueux, père intermittent, piètre amoureux, égocentrique, alcoolique. »
Il passe ses souvenirs et ses échecs en revue….malheureusement il n’a pas pu obtenir son agrégation. Il décide de se replonger dans un travail commencé il y a bien longtemps sur le poète américain Robert Willow…ce qui permet aux lecteurs qui ont connu cette période de se re-plonger dans les années 50-60 de leur jeunesse.
Il a du affronter d’autres échecs, notamment un échec de sa vie conjugale qui se clôtura pas un divorce…en partie dû à son alcoolisme. Echec qui le hante toujours..
Certes il a publié des textes, notamment un sur les époux Rosenberg, texte paru quelques jours avant leur exécution…
Il est bigrement motivé par ce nouveau projet sur Robert Willow, musicien de jazz et poète américain méconnu…un projet qui fera remonter ses souvenirs de jeune homme, sa passion pour l’Amérique, le quartier latin …Souvenirs, souvenirs..
Ce petit livre sera lui-même titré « Le voyant d’Étampes ».
Robert Willow fut l’un de ces compagnon de route du Parti communiste qui quitta les États-Unis attiré par le Paris du début des années 1950. Il écrira, en français, deux petits ouvrages de poésie, puis se tua d’un accident d’auto en 1960. C’est tout ce qu’on sait de lui.
Enfin le succès pour Jean Roscoff…Succès vite montré du doigt par l’intelligentia…Jean Roscoff qui jusqu’alors, n’avait publié qu’un livre sur l’affaire Rosenberg, livre qui fut retiré de la vente après les révélations sur le couple faites par la CIA.
Aujourd’hui le monde de la littérature lui reproche juste un détail : Jean Roscoff a présenté Robert Willow, le poète communiste et américain proche de Sartre, le musicien saxophoniste, mais a simplement oublié de dire que Robert Willow était un Noir !
Un Noir américain dans les années 60, un Noir qui décida de quitter les Etats-Unis afin de fuir le Maccarthisme..
Un Noir exilé en France dans les années 60 à la suite des réactions d’hostilité de la société américaine !
Robert Willow aura, à Paris fréquenté d’autres intellectuels qualifiés de communistes, comme par exemple Jean-Paul Sartre puis disparut des médias et se tua dans un accident de la route à proximité d’Étampes.
Boum ! Tout le travail de Jean Roscoff est descendu en flammes. Qu’importe si Robert Willow lui-même n’a jamais évoqué sa couleur de peau dans ses écrits. « La couleur de la peau du poète semble une contingence trop vulgaire, une précision inutile. Le poète selon Roscoff est un ange, un être séraphique qui plane, gracile, au-dessus de son temps. Mais peut-on séparer l’œuvre des circonstances dans lesquelles elle a vu le jour ? »
« Les détails font la perfection, et la perfection n’est pas un détail » disait Léonard de Vinci
Je ne suis, sans aucun doute, pas le seul à découvrir Abel Quentin avec cette lecture….un auteur satirique qui, avec humour sait dépeindre les mondes universitaires ou littéraires de notre époque, leurs contradictions, leurs travers, en insistant sur leurs contradictions
En tout cas, j’adresse un grand merci pour ce cadeau. Merci pour ce retour vers cette époque qui fut celle de ma jeunesse. Merci pour le style et la construction du livre, son intelligence. Merci pour cette découverte littéraire de l’auteur Abel Quentin. Une découverte que je vais poursuivre!
Éditions : L’observatoire – 2021 – 378 pages
Lien vers la présentation d’Abel Quentin
Quelques lignes
« Il a fallu bâtir trente deux ponts, faire sauter des pans de montagne et s’abîmer dans l’océan des dizaines de machines, aplanir des collines, creuser défilés et tunnels pour mettre ce point final à la conquête de l’Ouest. » (P. 313)
« On écrase la moindre résistance et on reprend la ville au plus vite; snipers, en place ! pas de pitié! Pas de clémence ! Compris?! »
« La Russie veut empêcher, à tout prix, une intégration de l’Ukraine à l’UE et à l’OTAN » (P. 129)
Auteur allemand….
« Il faut rire de tout. C’est extrêmement important. C’est la seule humaine façon de friser la lucidité sans tomber dedans. » disait Pierre Desproges
Une lucidité et une dérision que j’ai retrouvées sous une forme ou une autre dans tous les textes que j’ai eu l’occasion de lire d’Edgar Hilsenrath….
Il pouvait, sans jamais pouvoir être montré du doigt ou accusé, rire de tout, être iconoclaste, ou presque « borderline » comme disent les anglais pour définir cet état à la marge entre la névrose et la psychose.
Il avait connu la Shoah allemande, et également le stalinisme…dont il a démontré si besoin était toute leur proximité…il avait souffert de ces deux pouvoirs
Il a choisit l’angle de l’absurde et du grotesque pour évoquer dans ce titre « Satires » l’Allemagne moderne qu’il découvre sous un jour nouveau après l’avoir quittée pour fuir le nazisme : « Tout est fini. La vie d’un Allemand ne vaut plus la peine d’être vécue. Les Ricains vont débarquer. Puis les travailleurs immigrés. Mais attends, ma chère Gerda. Il y aura d’abord la faim, et la dénazification. Puis la réforme monétaire. Après, ça ira peut-être mieux. Mais sans moi, Gerda. Je ne veux plus. Oui, on remontera la pente. Et il y aura de nouveau des Forêt noire aux cerises et des gâteaux aux fraises. Les Allemands seront de plus en plus gras et ne voudront plus travailler. Alors les travailleurs immigrés viendront faire les travaux pénibles. Et tu seras seule, Gerda. Et tu vieilliras. Et tu seras de plus en plus grosse à force de manger du gâteau aux fraises. Du gâteau aux fraises avec de la chantilly. »
C’est un survivant de la shoah qui évoque, avec lucidité, tour à tour le Mur de Berlin, la drogue, le socialisme, les travailleurs émigrés, les ménagères, les fonctionnaires, le fascisme, la sécurité, les centrales nucléaires « terrorisme du futur » …et j’en passe, bref, le monde moderne…..un monde avec ses incohérences.
Autant de textes jubilatoires et dérangeants pour sourire, pour rire jaune de nos sociétés modernes, de nos hantises, de nos craintes.
Ce n’est pas le texte, qui vient spontanément à l’esprit quand on évoque cet auteur, et pourtant…quel plaisir !
Lien vers la présentation d’Edgar Hilsenrath
Quelques lignes
Journaliste français….