« De la même manière, je m’expose, avec ce livre qui ne peut pas aller bien au-delà de mon questionnement personnel, de ma biographie, à ce que ceux et celles qui lirent le livre y puisent des particules qu’ils utiliseront hors du contexte de départ. Mes propos seront interprétés, déformés, délirés. Il se combineront avec d’autres idées. C’est la seule façon qu’a la pensée de se reproduire vraiment, pas par rizome ni racine mais par une pollinisation aléatoire. » (P. 212)
Neige Sinno est encore une gamine de 6 ans quand Humbert emménage chez la mère de Neige. Humbert , quant à lui à 24 ans. Un nouveau papa pour Neige ?
Un « papa » bien dangereux qui commencera par des caresses et poursuivra bien plus loin les agressions auprès de la gamine, avec une grande régularité!
Oh ! pas une fois, Non depuis les 7 ans de Neige jusqu’à ses 14 ans avec une grande régularité.
On ne peut qu’être indigné, révolté par ces actes, par ces pratiques, par le vice de l’approche de cet homme…qu’en dire ?
Neige a grandi dans cette « famille recomposée », mais est-ce une famille, à proximité de Briançon, avec sa mère et sa sœur, Rose, et des demi-frères et sœurs, nés d’une autre union.
Oh ! ce n’est pas le luxe, loin de là ! La maison isolée est toujours en travaux jamais achevés. Ces Néo-ruraux, qu’on imagine à tort sans doute comme une « famille », mais le mot est bien mal choisi, une « famille » un peu baba-cool 7 ans d’agressions répétées. Et surtout on s’interroge sur le pouvoir de ces prédateurs qui impose un silence des enfants, qui jamais évoquent ces actes.
Qu’en dire de plus ?
C’est un texte fort, insupportable, une lecture qui doit être partagée afin d’informer et de prévenir la répétition de ces actes. Mais tout ceci me semble un peu illusoire. J’imagine mal comment un amoureux des textes, des livres, de la Culture avec un grand « C », comment un homme, un vrai, peut-il se comporter ainsi ! Je serai sans doute considéré aux yeux de certains, et je le conçois, comme un doux réveur, naïf de surcroît.
Tant pis !
« On apprend à vivre en sachant que ce monde sera toujours là au détour du chemin. C’est un monde où victime et bourreau sont réunis. […] C’est un monde où l’on ne peut pas ignorer le mal. il est là, partout. Il change la couleur et la saveur de toute chose. L’ignorer ou l’oublier n’est pas une option, car plus on le fuit, plus il vous rattrape. Mais on peut se maintenir au bord sans y pénétrer. Apprendre à rester sur les seuil de ce monde sans y pénétrer. Apprendre à rester sur le sil de ce monde, voilà le défi, marcher comme des funambules sur le fil de ns destinées. Trébucher mai, encore une fois, ne pas tomber. Ne pas tomber. Ne pas tomber. » (dernières phrases du livre)
Editeur : P.O.L. – 2023 – 275 pages
Lien vers la présentation de Neige Sinno
Quelques lignes
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« Mon beau-père est un pervers lui aussi, mais pas un pervers narcissique et lettré comme Humbert Humbert. C’est un «pervers narcissique avec des tendances sadiques », si je me souviens bien des termes employés par l’expert chargé de l’évaluation psychiatrique pour le procès. » (P. 33)
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« Les études sur les abuseurs d’enfants montrent qu’il n’y a pas de profil type, en dehors du fait qu’ils sont de sexe masculin dans la grande majorité des cas. Ils viennent de tous les milieux, de toutes les classes d’âge, de tous les pays » (P. 62-3)
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« Mourir de honte? MAis non, ils ne se suicident pas (ce sont les victimes d’inceste en général qui se suicident, pas les abuseurs), ils clament leur droit à une deuxième chance. Et nous, la société, qui les avons condamnés à une lourde peine de prison, nous avons choisi de croire qu’ils devaient y avoir droit puisque cette peine, un jour, arrive à son terme. Leur dette est payée. ils peuvent sortir. » (P. 161-2)
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« Le viol est davantage une question de pouvoir que de sexe » (P. 164)
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« Dans ce cas, ce qui lui est arrivé, abuser d’une enfant qu’il était censé protéger, a changé son existence d’une telle manière, a eu un impact si fort sur son être, tout ce qu’il fait depuis lors, et même tout ce qu’il avait vécu avant, tout ce qu’il fera ou dira ou pensera désormais, est relié à cet évènement, cette situation, cet enfer. Le viol l’a fait. Et, si on va jusqu’au bout de ce raisonnement, moi aussi je l’ai fait, lui. » (P. 185)
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« La parole peut faire partie d’une statégie de prévention, à condition d’aller loin dans ce que l’on dit, et il faut que la parole permette un dialogue avec l’enfant. On ne peut pas simplement enseigner à un enfant comment dire non à un agresseur, que son corps est à lui et que personne n’a le droit d’y toucher. C’est ce que font en général les programmes de prévention des violences sexuelles, mais c’est comme enseigner le consentement à quelqu’un qui n’a pas les moyens de consentir ou ne pas consentir. Un enfant ne peutb pas dire non à son grand frère ou à son professeur qui le mettra de toute façon dans une situation où le non est impensable. On ne peut pas non plus attendre qu’un enfant parle de lui-même si qualque chose lui arrive sans qu’on ait provoqué, préparé et accueili cette parole. Il faut des idées pour concevoir des choses, il faut des mots pour le dire, un contexte de réception. » (P. 214)
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« Comme des milliiers de gens, j’ai été violée, j’ai été bafouée et trahie à l’âge où on n’a pas d’autre choix que de faire confiance, et pourtant une fois adulte je n’ai violé ni bafoué ni trahi personne en retour. » (P. 268)
Mais, Mazneff n’etait-il pas un écrivain et très apprécié en plus !
Au delà, son récit essai doit collectivement nous faire évoluer pour ne plus accepter que notre société tolere ce genre de comportement !