
« Avec un trou dans la gorge et des yeux immenses. Je subis une trachéotomie pour pouvoir respirer de nouveau, et les chirurgiens dessinèrent un sourire diabolique pour recoudre ma tête à mon cou. Je promène ce rictus qui fait tarir les langues depuis vingt et un ans. Un sourire niais, grand comme la joie, le bonheur, la moquerie. Il va d’une oreille à l’autre et est calligraphié en dessous du menton, net et muet ; il coupe la langue en deux ; il reproduit la joie quand elle n’est plus la joie. Ma mère Khadija, m’a appelée Aube pour contrer deux destins de nuit, le sien, le mien.» (P. 154)
Aube, personnage féminin central de ce livre a été égorgée alors qu’elle était toute gamine, mais elle a échappé à la mort, et vit depuis muette….Oui, ces fanatiques de l’égorgement peuvent bâcler le travail et laisser infirme à vie une gamine, qui ne pourra plus jamais parler sauf si un chirurgien parvient à lui greffer des cordes vocales…
Pas facile de trouver un tel chirurgien dans cette Algérie
Qui mieux qu’elle pourrait représenter la violence et la C….de ces exaltés capables de toutes les atrocités au nom de la guerre ? …au nom de Dieu
Alors elle vit avec ce « sourire de monstre » ! Elle a été égorgée le 31 décembre 1999….Elle avait 5 ans !
Une gamine qui, bien des années plus tard, doit donner le jour à un bébé
Guerre contre qui ?
Deux guerres principales ont ensanglanté l’Algérie….
Il y eut la guerre d’Indépendance menée contre l’occupant français dans les années 50-60, celle que nous connaissons et la guerre civile des années 90…guerre civile et atrocités objet de ce titre, guerre qui causa des milliers de victimes.
Guerre bien moins connue que l’autre dans la littérature. Ce fut une guerre civile bien plus dramatique….humainement, comme toute guerre civile. Guerre montrant jusqu’où peut aller la bêtise humaine !
Pas facile pour un lecteur, pas du tout familier des interrogations et interprétations que toute religion fait naître dans l’esprit de croyants, de comprendre ces interdits et impératifs dictés par l’Écriture religieuse !
Une Écriture laissée par Dieu parait-il !
Si c’est le cas, Dieu est vraiment C… ! et ses arguties sont bien faibles ! Désolé !
Cette guerre civile synonyme d’atrocités de toutes sortes, dérangeantes pour le lecteur… jusqu’à la nausée !
Pour ma part j’ai fait fi depuis bien longtemps de toutes ces contraintes, de tous ces interdits s’imposant à tout homme au nom de la religion, interdits qui stigmatisent bien souvent les femmes. Comment comprendre ces crimes commis au Nom de Dieu ?
Ma culture en matière de religion est bien faible, je n’ai approché lque la religion catholique, et depuis j’ai volontairement tout jeté aux orties et je ne dispose d’aucune source d’information relative au Coran.
Dans quels textes d’origine divine, certifiée bien sûr, peut-on trouver ces interdits rejetant les femmes, faisant d’elles des croyantes et des citoyennes de second rang ?
Sinon, il faut bien en tirer la conclusion que cet ostracisme est uniquement dû à des interprétations de fanatiques, qui ont existé dans toutes les religions…depuis toujours !. .
Ma mère et mon père doivent sans aucun doute, s’ils me voient de là-haut, être bien déçus de mon mode de vie…qui fait dorénavant fi de tous ces interdits religieux.., interdits qui firent les religions, depuis la nuit des temps.
Religion et morale sont deux concepts bien éloignés l’un de l’autre …quelle que soit la religion.. . .
Pour ma part je ne pratique dorénavant que la Morale, celle enseignée par mes instituteurs laïcs, alors, que j’étais gamin….Liberté , Égalité, Fraternité. sans aucune autre interprétation humaine.
Il faut bien du courage pour s’attaquer frontalement à ces interdits imposés par Dieu, ou plutôt par ces disciples depuis la nuit des temps.
Un texte fort dérangeant …mais que c’est bon d’être dérangé surtout quand ce texte provient d’un auteur courageux et lucide. Un humaniste
Pour mémoire, les houris(masc. arabe حُور, ḥūr, fém. arabe حُورِيَة, ḥūrīya, pl. ḥūrīyāt) sont, selon la foi musulmane, des vierges dans le paradis, qui seront la récompense des bienheureux. Ce sont des personnages célestes….
Cherchez la Femme…elle, source de tous les maux ! De tous les mots ! Depuis la nuit des temps ! …dans de nombreuses cultures
Editeur : Gallimard 416 pages
Lien vers la présentation de Kamel Daoud
Quelques lignes
« Tu sais, ma sœur, ma mère n’est jamais allée à l’école, car les femmes de sa génération n’y allaient pas, pour préserver leur temps, leur virginité et leur réputation. » (P. 166)
« Les égorgeurs ont fouillé les véhicules un par un et ont racketté les voyageurs, puis les ont égorgés un par un. Dans les buissons, à tour de rôle, on leur trancha la gorge. On retrouva Sandybelle presque morte, presque vidée de son sang dans les broussailles, la gorge à moitié tranchée dans la hâte. » (P. 220)
« Le 1er janvier, en fin de journée, les habitants de Had Chekala sont montés ici pour récupérer les morceaux des corps et décider comment les enterrer car, dans le charnier, les morts avaient été découpés en morceaux, à la hache. On décida au hasard. Deux bras par tête, deux jambes par personne. Sans chercher la correspondance des sexes et des tailles. Il fallait reconstituer des corps à peu près et au plus vite ; Car les égorgeurs pouvaient revenir à tout moment. » (P ; 247-8)
« Je suis une errante, une vagabonde maintenant. La proie idéale des hommes de ce pays qui rêvent de vierges et de déflorations perpétuelles. Il est dit lorsqu’une femme n’appartient à aucun homme, père, frère, mari, ni même à son fils, on la surnomme « errante ». Les hommes parlent d’elle comme d’un terrain vague, une propriété qui saigne une fois par mois, une pièce de monnaie déterrée au sol, un butin. » (P. 277)
« En Algérie, on ne t’apporte pas des fleurs à l’hôpital comme dans les films, mais de quoi manger, des soupes, des légumes en purée et surtout des bananes. » (P. 283)
« Tu as des preuves de ce que tu avances sur ces prétendus massacres ? Non. Juste de l’air des paroles, des mensonges et des fables dangereuses pour la stabilité du pays. Comme dans tes livres. D’ailleurs on devrait sûrement les vérifier un par un, non ? Voir ce que tu publies et ce que tu vends dans ta librairie? » (P. 297
Il est interdit d’enseigner, d’évoquer, de dessiner, de filmer et de parler de la guerre des années 1990. Rien de rien. « (P . 297)
« Ici, une femme ne sort pas seule, ne lève pas les yeux du sol quand elle marche dans la rue, ne parle pas même à ceux qui l’accompagne, ne voyage pas sans tuteur masculin et ne porte pas de pantalon qui souligne sa silhouette comme une seconde peau . » (P.301)
« Pour nous les femmes, il n’existe pas de toilettes publiques dans ce pays. » (P. 304)
« Alors on nous précisa qu’on devait plaire aux hommes en guerre pour Dieu, cuisiner et enfanter. On ne devait jamais élever la voix, ma sœur. Jamais crier, jamais pleurer, jamais trop parler. C’est ce soir-là que je me suis souvenue pour la dernière fois de moi-même et de mon prénom. Je m’appelle Hamra, mais je l’ai oublié en pleurant. Oublier c’est la miséricorde d’Allah parfois, ma sœur. » (P. 347)
« Une femme dans ce pays où tu insistes pour venir respirer, vivre et compter les jours n’a pas le droit de prier à voix haute. Elle ne peut pas faire entendre ses sanglots dans le deuil, ni ses talons sur la chaussée, elle ne peut ni chanter ni prêcher dans une mosquée. Parce que notre voix, ma Lune ancienne est composée du cri étouffé de la jouissance et de celui vite oublié de l’accouchement. » (P. 363)
« La langue intérieure sait parler à l’ennemi mieux que la langue extérieure avec ses mots imités. » (P. 380)


Je viens de terminer cette lecture.je suis chamboulée, stupéfaite de cette histoire, de ce qui se passe, pas loin de chez nous. Un livre courageux. Une lecture essentielle. Et une langue merveilleuse. Malgré l’atrocité de l’histoire, j’ai adoré…