
« Elle avait glissé dans la mort comme on s’abandonne au sommeil, paisiblement, loin de ce monde devenu si cruel pour une vielle juive épuisée.» (P. 212)
Je cherchais un autre titre et par hasard, la tête de travers, comme chacun de nous, dans sa bibliothèque, j’ai lu « Idiss – Robert Badinter »…. un titre; sur la tranche du livre, qui figurait depuis bien des mois dans ma longue liste de livres à lire…une liste que jamais je n’arriverai à achever. Au contraire, elle grandit avec le temps….une lecture en suggérant plusieurs autres
Ami lecteur, tu dois comme moi, tenir cette liste qui s’allonge avec le temps, au fil des lectures…..liste de souhaits, de projets que jamais tu n’achèveras. Un titre achevé t’en suggère un autre, mais une visite dans une librairie ou une médiathèque proposent toujours des projets de bonheurs qui passeront avant ta liste…
Bref, comme moi, tu trouves ton bonheur à tenir cette liste qui avec le temps s’allonge…temps qui quant à lui se raccourcit
Robert Badinter était un homme arrivé dans la politique sans être un politicien de métier, il n’était pas l’un de ces Ministres passant d’un ministère à l’autre au gré des changements de Premiers Ministres…..un de ces hommes « compétents!!! » aussi bien en Agriculture, qu’en Éducation.. ou en Aménagement du Territoire… ..selon les années .
Je me souviens de son combat, contre l’avis de la majorité des électeurs français, combat contre la peine de mort.
Ah ! Qu’il avait été haï par certains, ravis de lire au petit matin dans leur journal, ou d’entendre à la radio, qu’un homme avait été coupé en deux, dans la nuit.
Un homme simple à mes yeux, un homme travailleur et acharné. Un exemple de droiture.
Tout vient des parents, disent certains….ce n’est sans doute pas faux.
Idiss était la grand-mère de Robert Badinter. Une grand-mère venue de l’Europe Centrale à une période, pas si éloignée que ça où la chasse aux Juifs était une distraction et un sport national pour certains, pogroms, déportation, incendies de maisons étaient naturels…il fallait se débarrasser des Juifs…une « race » maudite . Certains autres, de bien sinistre mémoire, en firent, aidés par d’autres fous, leur programme politique…Un programme de plusieurs millions de morts.
Idiss, la grand-mère maternelle de Robert Badinter a connu cette hargne contre « sa race »…un mot que je maudis. Je ne connais que la race humaine.
Un titre qui permet de découvrir cette Europe centrale, cette pauvreté, mais aussi cette hargne à l’égard de cette « race » maudite….
Cette Histoire avec un grand H fait la honte de certains pays ou hommes politiques.. mais aussi et surtout ce titre évoque la culture et l’intégration des juifs en France, ainsi que la valeur morale et la droiture politique de Robert Badinter. « …selon la tradition juive, la vraie noblesse est celle du savoir. » (P. 37)
Edifiant et dérangeant parfois quand on considère de nombreux propos rapportés par Robert Badinter ! Mais l’humour n’est pas loin parfois
« Un chat ne fait pas des chiens » disait ma grand-mère…une personne simple que j’ai toujours admirée, comme Robert Badinter admirait Idiss, sa grand-mère
Editeur : Fayard – 2018 – 236 pages
Lien vers la présentation de Robert Badinter
Quelques lignes
«Dieu veillait sur sa famille, reconnaissante de ses bienfaits, mais elle ne s’en étonnait pas. L’Éternel est juste, et Idiss avait eu sa part d’épreuves sur cette terre, là-bas en Bessarabie. Et ici, dans ce pays étranger, rien n’avait été facile pour elle.. » (P. 10)
« Un antisémitisme virulent trouvait dans ces régions frontalières un foyer constamment prêt à s’allumer. La détestation des juifs n’était pas l’apanage des nationalistes orthodoxes. Elle imprégnait aussi l’administration tsariste. » (P 24)
« Mais les juifs immigrés avaient compris à l’épreuve de l’affaire Dreyfus que c’était la République qui était leur protectrice plutôt que la France, fille aînée de d’une Église catholique qui avait enseigné à ses fidèles l’exécration du peuple déicide. Ainsi, en politique , les juifs se trouvaient massivement dans le camp des républicains. » (P. 31)
« Bien des années plus tard, observant le comité d’une organisation caritative juive, je me demandais s’il était préférable d’appartenir au Gotha du Ghetto qu’au Ghetto du Gotha » L’interrogation demeura sans réponse puisque ces deux qualités se confondaient dans les mêmes personnes. » (P. 35)
« …selon la tradition juive, la vraie noblesse est celle du savoir. » (P. 37)
« Quand deux juifs discutent, vous entendez au moins trois opinions. » (P. 52)
« Les catholiques intégristes rejetaient le peuple déicide, la bourgeoisie d’affaires jalousait les juifs pour leurs succès, les professions libérales s’estimaient envahies par eux. Des écrivains de droite les prenaient volontiers pour cible, et les la nationalistes les dénonçaient comme des sans-patrie prompts à trahir celle où le sort les avait conduits. Le mythe du complot juif international organisé pour dominer le monde trouvait partout des échos. » (P. 55)
« La tradition voulait cependant que l’étude soit le privilège des hommes et que la vie quotidienne, l’éducation des enfants et le soin des parents âgés demeurent l’apanage des femmes. Cette répartition des rôles au détriment des femmes ne jouait guère dans le rapports quotidiens au sein des familles où en fait, la mère juive exerçait souvent le pouvoir. » (P. 64-5)
« …ces juifs de nulle part se trouvaient chez eux partout, pourvu qu’ils soient avec les leurs. » (P. 129)
« Comme elle ne lisait pas les journaux, elle ne mesurait pas exactement la montée des périls, ni la xénophobie et l’antisémitisme grandissant avec la crise économique dans la société française. » (P. 132)
« Ils nourrissaient à l’égard de la France des sentiments complexes, mélange de reconnaissance et de susceptibilité, comme des enfants blessés parce que leur mère adoptive ne leur donne pas toutes le preuves d’amour espérées ou, pire encore, paraît regretter leur présence. » (P. 134)
« En ces jours du printemps 1940, elle suppliait l’Éternel tout puissant de secourir son peuple et de protéger sa famille. Mais le soleil brillait de l’aube au coucher sur le triomphe de l’armée allemande. Et le silence de l’Éternel était accablant. » (P. 160)
« Le gouvernement et l’administration étaient vilipendés. Mais jamais je n’entendis mettre en cause les juifs, comme affameurs du peuple ou profiteurs de sa misère. Non que l’antisémitisme ait disparu. Il s’étalait sur les murs en affiches insultantes ou vociférait à la radio : «Les Juifs sont les rats de l’humanité.» Avec mon frère, nous ricanions plus de ce slogan qu’il nous affectait. » (P. 173)
« En septembre 1940, il s’était rendu au commissariat de police du quartier pour se faire inscrire, ainsi que tous les membres de la famille, y compris Idiss ; sur le registre spécial qui allait devenir le «fichier juif » de la préfecture de police. La mention «Juif » fut apposée sur nos cartes d’identité et d’alimentation . Cette disposition entraînait immédiatement l’identification des clients juifs par les commerçants, qui en faisaient parfois part à leur clientèle. » (P. 184-5)
« Cependant, comme l’attestent des carnets de souvenirs notés au jour le jour, l’antisémitisme n’était pas un sentiment communément partagé, notamment dans les milieux populaires ou parmi les chrétiens pratiquants. Mais la misère et l’angoisse demeuraient le lot quotidien des juifs, dans la capitale où flottaient les étendards nazis. » (P. 201)

