
« J’ai tendance à croire que la dictature est l’avenir du monde, je veux dire qu’elle serait le seul moyen pour l’humanité de se préserver d’elle-même et des dérèglements de la nature, et de se maintenir en vie » (P. 162)
Depuis quelques semaines, Boualem Sansal croupit dans une prison Algérienne, sans aucune communication avec le monde extérieur….Personne, semble-t-il ne peut donner des nouvelles de sa santé, de son état mental
Le 27 mars 2025, il a été condamné à une peine de cinq ans de prison ferme et à une amende de 500 000 dinars, pour « atteinte à la sûreté de l’État ».
Il fut pourtant l’un des dignitaires du gouvernement algérien, et fut limogé de son poste au sein du Ministère de l’Industrie, dès le parution de son troisième roman « Dis-moi le Paradis »
Le regard croisé entre lui et le neuropsychiatre Boris Cyrulnik était prometteur, mais cet espoir fut en partie déçu. Mes connaissances de la politique algérienne et de la situation politique économique et humaine de cet état étaient insuffisantes.
On en arrive à lire une double approche :
Quand le neuropsychiatre porte son regard diagnostic, en tentant de comprends, cherche à comprendre, à expliquer en portant son regard sur la situation du pays, Boualem Sansal, quant à lui ne porte qu’un regard d’opposant politique contestant toute la politique en développant des analyse des résultats économiques et politiques de l‘Algérie.
Deux voix, deux approches, dérangeantes, donnant parfois l’impression de ne pas ou de peu s’écouter.
Bref une semi-déception, en ce qui me concerne…sans doute, suis-je passé à coté, du fait de préoccupations personnelles difficiles. Ce n’était peut-être pas le bon jour pour lire….cette analyse complexe
Editions Odile Jacob – 2020 – 262 pages
Lien vers la présentation de Boris Cyrulnik
Lien vers la présentation de Boualem Sansal
Quelques lignes
- «L’histoire de la construction sociale dans ce pays n’a pas été un long fleuve tranquille. On comprend que les Algériens d’aujourd’hui aient tant de mal à se reconnaître. » (P. 12)
- « La colonisation a surtout été une histoire de tribus. Les Français ont vite appris à les dresser des unes contre les autres, exacerbant leurs bisbilles ancestrales, à les diviser, à les réduire par la corruption ou par la force le cas échéant, et à retourner celles qui avaient rallié l’émir. » (P. 25)
- « Dans notre monde à nous, la difficulté n’est pas de faire du feu, mais de l’éteindre. Trop de civilisation est aussi dangereux pour l’homme que pas de civilisation du tout. » (P. 40)
- « Je suis convaincu que la transformation de notre monde sera systémique et et que la violence atteindra des sommets exceptionnels. Ces mutations ne peuvent pas se faire dans la douceur et la négociation. (P. 51)
- « Aujourd’hui, près de soixante ans après l’indépendance du pays, les Algériens regardent la colonisation comme un chapitre de l’histoire, alors qu ‘en France les jeunes Français d’origine algérienne de la deuxième et de la troisième génération la vivent comme une actualité qui se déroule dans leurs quartiers, sous leurs yeux, et dont ils sont les victimes posthumes. » (P. 59)
- « Les Algériens qui voulaient récupérer leur pays ne pouvaient pas être entendu puis qu’ils aveint en face d’eux des gens qui y étaient depuis 1830. Une majorité de pauvres venus de France, d’Espagne, de Malte ou du Portugal avaient écouté l’invitation des militaires conquérants et des colonisateurs bâtisseurs qui depuis plus de cent ans se sentaient chez-eux. » (P. 88)
- « Nous sommes conditionnés par notre environnement et par les systèmes d’information dans lesquels nous baignons, sans pouvoir leur échapper. Qui tient l’information tient le pouvoir et nous tient. Par mille mécanismes insidieux, les gens sont formatés pour penser et faire ce qu’on attend d’eux ; on leur vend des éléments de langage comme des vérités absolues auxquelles ils sont tenus d’adhérer sous peine de sanctions » (P. 89)
- « En Algérie, nous vivons sous le régime de la double peine : nous subissons les vérités irréfragables de la religion et celles de la révolution. » (P. 90)
- « C’est le principe du terrorisme : je dis la vérité, vous devez y croire et me reconnaître comme votre guide suprême. Le passage à la violence et aux armes n’est ensuite qu’une formalité » (P. 92)
- « A l’époque des pogroms et pendant la Seconde Guerre mondiale, l’immense majorité des émigrants juifs se dirigeait vers les États-Unis et l’Argentine, très peu d’entre eux vers la Palestine. » (P. 105)
- « il y a une grande similitude entre les tris histoires : celle de la Palestine, celle d’Israël et celle de l’Algérie. » (P. 107)
- « L’Algérie hérite de son histoire. Conquise, arabisée, islamisée au VIIIème siècle, elle a été dominée cinq durant par l’Empire ottoman, et un siècle et demi par la France….Son cœur balance entre monde arabe, monde musulman, monde occidental, ce qui donne cette impression que le pays évolue dans une arythmie répétitive. » (P. 112)
- « C’est au nom du peuple que s’expriment les dictateurs qui veulent imposer leur loi. » (P. 113)
- « L’héroïsation d’une personne ou d’un groupe révèle l’intention idéologique de ceux qui fabriquent ce héros. Dis-moi quels sont tes héros, je te dirai quels sont tes projets de société. » (P. 119)
- « Aucun terrorisme ne gagne la guerre. » (P. 136)
- « Nous voilà au cœur de ce « peuple imaginaire » inventé par des profiteurs et des manipulateurs construisant leurs propres statues devant lesquelles la nation viendrait se prosterner. » (P. 143)
- « La violence est incontournable dans l’histoire dont elle est l’une des clés » (P. 155)
- « La violence est une tentation quand on veut dominer. La paix est une aspiration quand on veut vivre simplement. » (P. 157)
- « Quand l’étranger a une couleur de peau, des vêtements, un lieu d’habitation différents des miens, on peut s’éviter, ne pas se rencontrer, jusqu’au jour où un incident dévoilera la haine, la peur latente. » (P. 161)
- « J’ai tendance à croire que la dictature est l’avenir du monde, je veux dire qu’elle serait le seul moyen pour l’humanité de se préserver d’elle-même et des dérèglements de la nature, et de se maintenir en vie » (P. 162)
- « La question se pose : à quoi sert de former des esprits libres, rompus à la complexité quand, du jour au lendemain, sur une simple glissade, ils peuvent entrer brusquement en religion et mettre leur savoir, chèrement payé par la dépense publique, au service de l’ignorance collective ? D²e ce point de vue, le monde islamiste est très cohérent, il tue l’individu à la naissance et, par la trique, le par-coeurisme et l’incantation, en fait un bon électron de la communauté, qui se comporte elle-même comme une foule obéissant à des stimulus élémentaires. Le foule est dénuée d’intelligence propre, elle n’a d’intelligence que celle de son cornac. » (P. 179)
- « Il se passe actuellement, sur notre planète, un phénomène mondial qui est le symptôme d’une dysfonction sociale : de plus en plus de dictateurs sont démocratiquement élus. Ce phénomène n’est pas nouveau, il est même la manifestation d’une détresse culturelle. Ve malheur peut être réel, après une guerre ou un effondrement social. Un brouhaha de théories opposées aggrave alors la confusion dans l’esprit des habitants désorientés. Tout le monde a une théorie pour s’en sortir, chacun s’oppose à l’autre, si bien que l’homme du peuple ne sait plus quoi décider. Arrive alors un sauveur, un homme providentiel qui, lui, sait ce qu’il faut faire. « C’est moi ou le chaos », dit ce candidat dictateur, et les gens, avi1 !des d’ordre et de paix, ne demandent qu’à le croire. Pour être élu, ce quidam doit disposer d’un ennemi, contre lequel il va ordonner la foule de ses supporters. S’il n’a pas d’ennemi réel, il en trouvera facilement dans les minorités de son pays ou dans les groupes étrangers à cause de leurs origines différentes, de leur langue pas comme la nôtre, de leurs croyances ou de leurs rituels forcément barbares, non civilisés. Le candidat dictateur peut aussi susciter quelques ennemis, les provoquer physiquement ou verbalement afin de faire persécuter. Être victime innocente, c’est excellent pour provoquer l’indignation et la rescousse de ceux qui vont voter pour lui.» (P. 184)

