
« Tout ce qu’entend Alexandra, tout ce qu’elle n’entend pas aussi, confirme qu’il y a dans l’usine des problèmes graves dont personne ne veut parler. » (P. 59)
Lanceurs d’alerte, oiseaux de mauvaise augure…tous sont souvent perçus comme pénibles. Ces empêcheurs de tourner en rond sont souvent montrés du doigt, moqués.
Nous en connaissons tous…
Ils ont parfois raison…mais les actualités leur donnent malheureusement tort bien trop souvent.
Dans le monde de l’entreprise, ils sont parfois mis de coté …mais la règlementation leur donne pourtant un droit de parole….Le législateur a créé une nomenclature des ICPE…celle des « Installations Classées pour la Protection de l’Environnement »…une longue liste de risques industriels ou agricoles…pour lesquels les industriels doivent mettre en place des mesures destinées à réduire ces risques pour l’environnement, émissions de gaz, pollution des eaux, risques d’incendies…risques évalués par des Inspecteurs des Installations Classées souvent ingénieurs de Mines…proposant voire imposant des mesures, des travaux, des formations, des recrutements … afin de mettre en conformité ces établissements avec le « Code de l’Environnement »…ce fut une partie de ma vie professionnelle de conseiller d’entreprise. Mesures parfois draconniennes selon l’importance des risques encourrus
Le 23 mai 2008, un incendie se déclare dans une usine de produits chimiques en périphérie de Trouvise, ville de bord de Loire .
Les pompiers n’ont pas assez d’eau, alors ils puisent de l’eau polluée dans les bassins de décantation. Malgré tout, un nuage toxique se forme, détruisant la vie aquatique.
500 tonnes de fumées chimiques sont largués dans l’atmosphère, 100 000 personnes sont privées d’eau potable…
Alexandra, fille du Maire devient directrice administrative de l’entreprise…un jeune cadre aux dents longues est recruté en qualité de Directeur…
Difficile de faire cohabiter deux jeunes loups dans la même forêt. Les tentatives de séduction deviennent vite des oppositions larvées puis frontales entre eux….Pas facile de respecter l’auteur d’un geste bien crade!…que je tairai. Mais un loup loup prend le dessus sur l’autre. Dure loi de la jungle des entreprises !
Dures lois de la nature et de la vie de jeunes cadres dynamiques en entreprise….jeunes cadres aux dents longues…surtout quand l’un des deux prend conscience des risques et dangers que fait courir l’autre à l’entreprise, et à l’environnement….en voulant avancer en négligeant les risques
L’un des deux est de trop…
Lecture témoignage de la vie de l’entreprise, des risques professionnels, des impasses parfois contournées au mépris du danger pour notre vie, pour la vie du village, pour notre environnement, etc…pour faire avancer l’entreprise, mais avant tout chaque jeune loup.
Un retour, en ce qui me concerne, sur des soucis, des réunions interminables, des décisions difficiles à faire respecter…Bref des soucis professionnels dont je me passe bien aujourd’hui, mais qui mettent en lumière la dure réalité de l’entreprise quand certains malheureusement n’y voient trop souvent, et malheureusement que des dictats qui la freinent….
Et oui, c’est une partie de notre environnement et de nos conditions de vie, mis en lumière par ce titre.
Une lecture qui permet de connaître et comprendre les enjeux environnementaux, et comment ils sont gérés et contrôlés par le législateur
« Pourquoi une personne dont le métier n’est ni contrôler ni d’informer , surprise par la découverte d’un danger possible, d’une part fait le choix d’alerter en mettant en risque son avenir, d’autre part voit s’opérer dans l’alerte une transformation de la nature de sa parole qui, jusque-là considérée comme sérieuse, devient inaudible ? » (P . 205)
Editions Stock – 2025 – 248 pages
Lien vers la présentation de Constance Rivière
Quelques lignes
« … ce n’est pas la faute des hommes si, enfants, on leur apprend à parler avant d’apprendre à écouter. » (P. 22)
« Notons en guise de conseil pour le lecteur que le temps qui dilue les souvenirs, et qui parfois nous sauve des épreuves du passé, n’est pas toujours le meilleur conseiller quand il s’agit de préparer l’avenir. » (P. 30)
« Tout ce qu’entend Alexandra, tout ce qu’elle n’entend pas aussi, confirme qu’il y a dans l’usine des problèmes graves dont personne ne veut parler. » (P. 59)
« Ses forces : la vérité, la justice, l’honnêteté. Ses faiblesses : la solitude, la solitude, la solitude. » (P. 93)
« Elle qui ne craignait ni l’ennui ni la solitude découvre la violence que fait le rien, sentiment nouveau d’être renvoyée à sa propre inutilité, à l’indifférence des autres, à leur hostilité même. » (P. 97-8)
« Trouvise est une petite ville, c’est facile de jeter au vent des bruits qui finissent par tomber dans une oreille, le temps que les bouches prennent le relais. » (P. 114)
« Tant qu’on ne sait pas , qu’on devine juste, c’est une affaire de probabilités, mais quand on sait, comment se taire ? » (P. 132)
« Combien avaient tout perdu, leur travail, leur maison, leur famille, plongés parfois dans la plus grande précarité pour avoir simplement tenté de faire connaître des risques pour l’intérêt général et sans aucun intérêt pour eux ? Il faut avoir vu des lanceurs d’alerte, il faut leur avoir parlé, pour mesurer très concrètement la violence que peut faire le corps social quand il s’attache à briser un individu dont le discours déplaît. » (P. 188)
« La consigne, c’était de fermer nos gueules . Et pour fermer sa gueule, le plus simple c’est d’oublier. » (P. 193)
« Depuis l’antiquité ; les femmes sont en retrait des histoires – quand elles y sont. Et lorsqu’elles veulent s’y faire une place, héroïnes tragiques, sorcières ou justiciaires, quand elles cherchent à démêler les fils de l’embrouille, à déchirer le rideau pour découvrir ce qu’on leur cache avec des règles, des lois, des guerres, quand elles avancent vers la connaissance et cherchent à la partager, le réflexe est toujours le même : les faire taire, à tout pris, au pris de leur vie si nécessaire. » (P. 196)
« C’est sûr que la parole a un prix. Celui de la peur, de la paranoïa, de l’isolement » (Irène Frachon)


Il m’attend dans ma liseuse . Hâte de le découvrir après cette chronique !