
« L’enfant d’immigrés reste l’arabe et demeure, quoi qu’il entreprenne, un voleur, un menteur et un bon à rien potentiels. On ne retire pas de son dos cette étiquette qui se balance comme un vilain poisson d’avril éternel. Il va devoir se coltiner cette image, et il va en concevoir une tristesse éperdue. » (P. 182)
Nedjma Kacimi, est née en Algérie, d’une maman française et d’un papa algérien….une mixité qu’elle doit assumer…française certes, mais souvent elle est pour de nombreux autres « l’Arabe »….un mot porteur de sens, porteur de tant de sous-entendus.
Du fait de son nom , elle dut subir des humiliations, affronter des sous-entendus, des présupposés….bref, elle était souvent d’abord « l’Arabe », y compris à l’école, celle de la République…Liberté, Égalité, Fraternité….une devise pas toujours appliquée, loin de là, par nombre de personnes….y compris par ceux qui auraient dû ne pas en faire cas…. les instituteurs.
Héritage d’une forme de racisme, héritage d’une guerre jamais oubliée! ….« Bougnoule. Raton. Melon. Bourricot. Arbi. Mohamed. Bicot. Bounia. Moricaud. Mouquère. Gris. Crouille. » (P. 51)
Un livre qui au fil des pages, passe de l’histoire familiale de l’auteure, de ses souvenirs d’enfant, souvenirs d’école ou de famille, à une réflexion sociologique et historique…son nom devient porteur de préjugés, de sous-entendus, de rejets, et donc de colère ou d’indignation.
Ces rappels historiques, ces réflexions, ces indignations interrogent chacun de nous…
Éditeur : Cambourakis – 2021 – 202 pages
Lien vers la présentation de Nedjma Kacimi
Quelques lignes
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« Or l’évidence dont il s’agit ici,c’est le fait indubitablement vraiqu’une jeunesse d’ici et maintenant peut perdre la vie,pour peu qu’elle porte sur son corps,les traces d’un ailleurs et d’un autrefois. » (P. 8)
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Plus on avait peur d’eux, plus ils craignent pour eux-mêmes. » (P. 15)
- « Car l’histoire est une drôle de déesse. Grasse au possible. Elle regorge de faits accumulés en tissus adipeux qui débordent les uns sur les autres. Aux creux de ses bourrelets gisent des faits dissimulés dongt la signification s’est éteinte, étouffée. C’est là qu’il faut chercher, dans les plis de la bête. » (P. 45)
- « Tout au long du vingtième siècle, c’est ce qui arrive aux indigènes. Ils voient double et pourtant ils n’ont pas la berlue. Ils voient deux France . Ils en ont vu une, qui résitante aux coups de boutoirs fascistes a formé une armée auprès des Alliés. Ils en ont vu une autre qui a destitué les Juifs et offert aux nazis le bras de sa police pour les rafler. Enfin ils en voient une révolutionnaire, fondatrice des droits de l’homme et du citoyen, qui consacre la liberté, l’égalité et la fraternité au fronton de ses édifices, et l’autre conservatrice qui récuse leurs droits et leur citoyenneté à certains de ses habitants et leur refuse sa devise. Par ailleurs; les indigènes fréquentent des Farnçais qui vivent en toute simplicité et bonhommie, mais subissent des colons qui les dépossèdent, les exploitent et les méprisent. Ils croisent des appelés affectés aux soins infirmiers et à l’éducation populaire, mais endurent une armée venue réprimer, avec une extrême violence, leur volonté d’indépendance. Les indigènes voient double. Mais ils n’ont pas la berlue. Et cette vision d’ensemble, ce regard-là qui embrasse toute la réalité, va leur faire faire l’impossible. Aimer la France et la combattre. La combattre sans cesser de l’aimer.


«Un Arabe est un Arabe, même s’il est le Colonel Bendaoud »
une aristocrate française donne un bal où les officiers supérieurs furent tous conviés, y compris le Colonel Bendaoud. La dame passe en revue ses invités et leur tend la main pour le fameux « baisemain », signe d’honneur à l’égard des hôtes. Pendant la présentation des convives, elle arrive devant le Colonel Bendaoud. Au moment de lui tendre la main, son nom, Bendaoud, est annoncé; aussitôt, la dame retire précipitamment sa main, ce qui constitua l’un des premiers délits de faciès de l’Histoire.
« Arbi, Arbi Wa Laou Kêne El Colonel Bendaoud ».