
….le peuple des Etats-Unis est un peuple qui s’ennuie. Cela est déjà sensible dans les cités immenses où la vie suit une cadence de jazz. Mais combien profond, épais, étouffant, sans issue devient cet ennui dans les centaines et les centaines de villes moyennes et petites où réside l’immense majorité de la population. » (P.117)
Alors pour vaincre cet ennui, les Etats-Unis ont inventé non pas le cinéma, c’est une invention française…mais l’industrie du cinéma…L’industrialisation de la fabrication de films, depuis la conception jusqu’à sa réalisation…et qui dit « Industrie » sous-entend « Argent » Oui; il faut beaucoup d’argent », pour payer les équipes, le carton-pâte des décors, les équipes, les vedettes et surtout les bâtiments…ces bâtiments clé de l’illusion!
Alors il fallait de l’espace, beaucoup d’espaces pour construire ces usines à illusions. Heureusement, le désert était là, disponible pour construire ces immenses studios.
Tout fut concentré à Hollywwod « On y fabrique, à destination de la terre entière, des songes et du rire, de la passion, de l’effroi et des larmes. On y construit des visages et des sentiments qui servent de mesure, d’idéal ou de drogue à des millions d’êtres humains. Et de nouveaux héros s’y forment chaque année pour l’illusion des foules et des peuples. »
Avant tout le monde, les Américains avaient compris qu’« une industrie ne peut réussir que si elle travaille pour des besoins primordiaux. » Bagnoles ou illusions, même combat, tout ça fait partie du rêve, du bien être des Américains indispensable pour leur vie….
Un besoin primordial à satisfaire.
Dans ces « usines à mirages », tous travaillent à la chaîne, chacun à son poste et s’il le faut on double les équipes afin que très vite le film soit à la disposition des spectateurs… » Time is Money …le temps c’est de l’argent.
Argent…le nerf de ce combat. Argent qu’apportaient les « producer » hommes clés de cette mécanique, argent qui devenait revenir le plus rapidement dans leurs poches, afin de financer d’autres projets. Toujours plus de projets. Kessel découvrait cette usine, cet Hollywood de l’image, image qui devait très rapidement rapporter d’autres images, des $…beaucoup de $
Argent indispensable pour créer toujours de nouveaux studios, rémunérer tout ce beau monde, et faire rêver les américains…et bien d’autres.
Une analyse sans complaisance d’un système…Impitoyable!
Histoire…Non, toujours d’actualité
Un grand merci à ces agents de médiathèque qui proposent régulièrement ces livres auxquels on ne pense pas toujours, dont on ignore l’existence et quand on pense à Kessel, ce n’est pas ce titre qui vient spontanément à l’esprit.
Les éditions du sonneur – 2020 -Parution initiale en 1936 – 122 pages
Lien vers la présentation de Joseph Kessel
Quelques lignes
-
« Les catholiques ont le Vatican.
Les musulmans ont La MecqueLes communistes, Moscou.Les femmes, Paris.Mais pour les hommes et les femmes de toutes la nations, de toutes les croyances, de toutes les latitudes, une ville est née depuis un quart de siècle, plus fascinante et plus universelle que tous les sanctuaires. Elle s’appelle Hollywood.Hollywood !On y fabrique, à destination de la terre entière, des songes et du rire, de la passion, de l’effroi et des larmes. On y construit des visages et des sentiments qui servent de mesure, d’idéal ou de drogue à des millions d’êtres humains. Et de nouveaux héros s’y forment chaque année pour l’illusion des foules et des peuples. » (P. 7…Premières phrases du livre)
- « Il y eut l’or, il y eut le pétrole. Le tour est maintenant aux films. » (P. 14)
- « La préoccupation financière, la cadence d’usine balayant tout. On en est déjà, à la Metro Goldwyn par exemple, à faire fabriquer un film, pour aller plus vite, par deux metteurs en scène à la fois : l’un pour les extérieurs, l’autre pour les intérieurs. Il faut produire, produire dans le minimum de temps le maximum de films.
Le marché est là qui peut absorber tout et même davantage. La faim américaine ne se contente plus de neuf cents films par an. Pourquoi laisser le metteur en scène opérer son montage, pourquoi même lui montrer son film, qu’il serait peut-être tenté de reprendre de retoucher ? Le producer omniscient, omnipotent s’en occupe avec ses spécialistes. Il est lui-même écrasé de son pouvoir et de son épuisement.
Plus vite ! davantage! Plus cher! Cela seul compte.
Les sentiments, les faits historiques, la véracité, le simple bon sens, tout peut aller au diable. Le producer aime ou n’aime pas, telle est l’unique mesure. » (P. 25)
- « ….le peuple des Etats-Unis est un peuple qui s’ennuie. Cela est déjà sensible dans les cités immenses où la vie suit une cadence de jazz. Mais combien profond, épais, étouffant, sans issue devient cet ennui dans les centaines et les centaines de villes moyennes et petites où réside l’immense majorité de la population. » (P.117)
-
« Et pourquoi exiger que les hommes qui peuvent gagner des fortunes dans le film en suivant les besoins profonds de la consommation y renoncent? Dans quel métier, dans quel pays les a-t-on vus s’en priver? […;] On comprend la pauvreté des scénarios qu’ils sont, en général chargés de traduire sur l’écran. ce n’est pas aux raffinés de ce monde qu’ils sont destinés, mais à des yeux candides, à des esprits incultes, écrasés sous le faix du travail et de l’ennui » (P. 120)
- « Et c’est parce que le film peut ressusciter cette foi commune, qu’il est le seul art aujourd’hui capable de le faire, que Hollywood , avec ses studios parfaits, son matériel humain incomparable, ses ressources sans limites, ses centaines d’écrivains, de musiciens et de peintres pleins de talent, semblerait désigné pour cette mission, c’est à cause de tout cela que je me suis montré, au cours de ces chapitres, peut-être trop dur envers la ville des mirages. » (P. 122)

