
« Nous avons besoin d’un auteur de talent pour rédiger des nécrologies, un spécialiste des histoires courtes. Il faut que ce soit concis et assez original. […]Vous serez chargé de créer de toutes pièces un registre de «petites croix », c’est le nom des nécros ici, au journal. Elles porteront sur des gens encore en vie, allant des députés aux criminels en passant par les artistes les plus connus. »
Une petite croix face à un nom…..il s’attelle à la tâche et transmet son travail au rédacteur en chef, qui si jamais le personnage vient à décéder, dispose immédiatement d’un article nécrologique collant à l’actualité et à la personnalité du défunt…300 à 500 $ par article ! ou comment ne pas être pris au dépourvu par la mort d’une personnalité.
Parfois également ce sont des inconnus qui lui commandent des articles et curieusement, il se rend compte parfois que son appartement a été visité pendant son absence. Bref…noir c’est noir…vraiment pas un pays et une atmosphère qu’on aimerait partager. Mais où donc Andreï Kourkov veut-il nous emmener ?
En tout l’atmosphère générale du roman est étrange, mystérieuse, glauque…
Son pingouin le suit partout notamment lors des enterrements de certaines célébrités…en blanc et noir, comme s’il portait un smoking, un véritable habit de cérémonie et de deuil. Un pingouin commandé par les « amis du défunt »…..Bref la mafia ukrainienne n’est jamais très loin, c’est elle qui lui demande la présence de Micha son pingouin aux obsèques
Victor dispose dorénavant d’un travail régulier qui lui permet de nourrir correctement son pingouin, avec du turbot, du homard…. Un travail payé en dollars, en billets de 100 $ ! Comme si le dollar était devenu la monnaie des affaires, de ces affaires, la seule monnaie à laquelle on peut encore faire confiance en Ukraine. Alors quand Micha rencontre des problèmes cardiaques, Victor a les moyens de lui faire greffer un cœur tout neuf, acheté à un père qui vient de perdre son bambin dans un accident de la route. Tout s’achète avec des dollars
Ses nécrologies ont beaucoup de succès, et tombent à point dans l’actualité……Au moins quand un personnage mentionné par une petite croix vient à décéder, l’article est prêt, le pingouin aussi….à moins que ce soit l’article qui déclenche la mort subite et accidentelle!
La rubrique nécrologie est une rubrique appréciée et très lue, et qui plus est…bien garnie
Le livre alterne humour, tendresse, et situations glauques.
Personne ne contrôle vraiment son destin, chacun est un peu une marionnette dont la vie est sans valeur dans cette l’Ukraine dépeinte par Andreï Kourkov, qui mêle humour, tendresse, absurdité et véracité de ce monde. Il dépeint la violence et la corruption de la société ukrainienne post-soviétique. Là seule la loi du plus fort est appliquée.
Heureusement l’alcool est là, à disposition pour soigner d’autres maux du cœur, des mots de l’âme….. La déprime de la population….
« Le jour où on t’expliquera tout, ce sera uniquement parce que ton travail, comme ta vie, d’ailleurs, seront devenus inutiles….. » (P. 186)
Dernières pages…surprise
Editeur : Seuil – Traduction Nathalie Amargier – 2004
Lien vers la présentation d’Andreï Kourkov
Quelques lignes
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« Souvent la vie oblige à tuer, mais la mort d’un proche oblige à continuer à vivre malgré tout… » (p 38)
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« Son registre de petites croix ne cessait d’étoffer. Le dernier dossier contenait des biographies de directeurs d’usines et de présidents de sociétés. Presque tous étaient accusés de détournement de fonds et de transferts de capitaux vers des banques occidentales. Certains, bravant les interdictions, vendaient des matières premières stratégiques, d’autres se débrouillaient pour écouler à l’étranger, sous couvert de troc, les équipements de leurs propres usines. » (P. 121)
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« Le jour où on t’expliquera tout, ce sera uniquement parce que ton travail, comme ta vie, d’ailleurs, seront devenus inutiles. » (P. 152)
« En quelque sorte, on l’avait abandonnée à ses bons soins, et il avait été assez gentil pour ne pas la placer là où on envoie d’habitude les enfants trouvés. » (P. 182)
« Devant l’ancien musée Lénine… il contempla l’arche d’acier du monument à l’Amitié entre les deux peuples (Monument soviétique célébrant l’alliance des Russes et des Ukrainiens. » (P.222)


Une histoire surprenante !
J’avais mis un comm. il s’est envolé ! Je disais que ce roman était surprenant ! Ça fonctionne cette fois ?
La fin du livre m’a bien surprise ! J’étais un peu en mode automatique jusque là.
grand souvenir de ce roman, génial auteur