« La femme du gardien de zoo » – Diane Ackerman

La femme du gardien de zooEncore un roman sur la Seconde Guerre Mondiale, diront certains…Pour ma part, je dirais : Un roman sur un aspect assez peu présent dans la littérature relative à cette période : les risques incroyables que prirent ces héros, des hommes et femmes qui au péril de leur vie et de celles de leurs proches décidèrent de cacher et d’aider des Juifs au nez et à la barbe des allemands, ces hommes et femmes reconnus par le nouvel État d’Israël comme  « Juste parmi les nations » (en hébreu : חסיד אומות העולם)

Jan et Antonina Żabiński , polonais non juifs en ont accueilli et aidé plus de trois cents. 

Tous deux passionnés par les animaux habitaient Varsovie, où ils dirigeaient le zoo, un zoo qui accueillait certes des animaux exotiques de tous pays du monde , mais surtout des animaux européens en voie de disparition. A l’arrive de l’armée allemande, qui cherchait à conquérir un « espace vital » supplémentaire pour y implanter des familles, le zoo fut d’une part pillé par les nazis et par le patron du zoo de Berlin, qui cherchait des reproducteurs afin de recréer la race pure des élans d’Europe et celle des aurochs. Un aspect méconnu de la folie nazie : la recherche de la race pure y compris dans le monde animal. D’autres animaux inutiles pour ces recherches furent expédiés dans les zoos allemands, furent offert en cadeau à des dignitaires nazis ou servirent d’animaux de safari pour les soldats ou officiers en gogette…on n’arrête pas la folie. 
Devenu presque vide leur zoo disposait de cages vacantes ou de couloirs inutilisés…Alors pourquoi pas élever des porcs, seuls animaux capables de manger les ordures de la ville, des porcs qui purent nourrir d’une part les juifs affamés, au mépris de interdits religieux ou l’armée allemande…voire d’empoisonner ses soldats. Certains espaces accueillaient des dépôts de munitions allemands ou des élevages de chiens viverrins dont la fourrure réchauffait les soldats du front le l’est. Et d’autres des familles juives, « Des gens qui avaient tout perdu, sauf la vie ».
Ce n’est pas aux portes d’un dépôt de munitions qu’on viendra chercher des juifs ! 
Et Jan, sous le nez des allemands dirigeait de plus un réseau de résistance, son adage était : « Plus c’est public, moins c’est suspect. », il faisait fabriquer les faux papiers permettant aux juifs de quitter le ghetto, leur trouvait des logements en zone « aryenne ». Il ne fut pas facile de trouver le ravitaillement pour le zoo, ses animaux restants, les juifs recueillis, de se battre, sans être inquiété. On ne sait pas trop comment il y arriva.
Le livre retrace la vie à Varsovie, détruite à 90% en 1945, depuis l’arrivée des allemands, le fol espoir d’être sauvés par les armées anglaises et françaises, jusqu’à l’arrivée des Russes, qui attendirent patiemment dans les faubourgs de Varsovie, que l’insurrection des habitants de Varsovie soit matée par les milliers de SS envoyés par Hitler pour montrer le bout de leur nez.
Après tout, un polonais mort n’a guère d’importance…
On peut regretter la lenteur de certaines pages, quelques longueurs, et parfois un manque de rythme
Le livre fourmille de détails historiques, s’appuyant d’une part sur le journal de Jan et Antonina Żabiński, et sur les archives portant sur la période 1935-1945. Il mérite d’être connu. Certains aspects sont peut-être romancés, mais l’essentiel est là : le courage et l’abnégation d’une famille polonaise au service de Juifs et de la résistance polonaise…c’est le plus important.Jan et Antonina Żabiński
En toute modestie Jan déclara : « Je n’ai fait que mon devoir – si vous avez la possibilité de sauver quelqu’un, c’est votre devoir d’essayer. » , » Nous l’avons fait parce que c’était la chose à faire. »
Une très belle leçon toutefois : « Je ne comprends pas qu’on en fasse toute une histoire. Si une créature, humaine ou animale est en danger, on la sauve. »

Qui est Diane Ackerman


Quelques extraits
  • « L’Allemagne avait si souvent occupé la Pologne depuis le Moyen Age, de 1915 à 1918 pour la période la plus récente, que la lutte des Slaves contre les Germains avait acquis le statut de tradition patriotique. » (P. 28)
  • « Désavantagée par sa situation stratégique en Europe de l’Est, la Pologne avait été envahie, pillée et morcelée de nombreuses fois, ses frontières fluctuant ; certains petits villageois apprenaient cinq langues simplement pour parler à leurs voisins. » (P. 28)
  • « Entre agir et ne pas agir, la conscience de chacun trouve son propre niveau. » (P. 58)
  • « L’une des tâches majeures de Frank était de tuer toutes les personnes influentes, professeurs, prêtres, propriétaires terriens, hommes politiques, avocats, artistes. Puis il entreprit de déplacer une grade partie de la population : en l’espace de cinq ans, 860 000 Polonais seraient déracinés et implantés ailleurs ; 75 000 Allemands s’empareraient de leurs terres ;  1 300 000 Polonais seraient envoyés en Allemagne comme travailleurs forcés ; enfin, 330 000 seraient purement et simplement assassinés. » (P. 58)
  • « Toutefois, il embarquerait bientôt les lynx et d’autres animaux à destination de l’Allemagne, pour prendre soin d’eux, avait-il dit, en guise de prêt, et elle était forcée d’accepter, de rester cordiale, et d’espérer que tout se passerait au mieux. » (P. 79)
  • « Toutefois, les Allemands, les Polonais et les Juifs étaient rangés dans trois files séparées quand ils recevaient du pain et le rationnement était calculé jusqu’à la dernière calorie quotidienne : les Allemands avaient droit à 2613 calories, les Polonais 669 et les juifs 184 seulement. Au cas où quelqu’un n’aurait pas compris, le gouverneur allemand Frank déclara : « Je ne demande rien aux juifs, si ce n’est de disparaître. » (P. 93) 
  • « Très jeune, mon père jouait dans la rue avec des enfants juifs, et il considéra toujours les juifs comme ses égaux. Il m’a influencé. » (P. 101) 
  • « Son choix de cacher des armes et des juifs à la vue de tous, en plein campement nazi, se révéla d’une grande justesse psychologique, mais je pense que c’était aussi un art de faire mieux que les autres, dont il se délectait, une plaisanterie confidentielle. » (P. 102)
  • « La rumeur à de grandes oreilles et comme dit vieux le proverbe tzigane, la peur à de grands yeux. » (P. 162)
  • « Cette nuit-là elle réfléchit à la limite ténue entre les humains et les autres animaux, frontière des plus minces que les gens se représentaient néanmoins comme « une muraille de Chine symbolique » et qu’elle au contraire voyait floue, presque imperceptible. « Sinon, pourquoi humanisons-nous les animaux et animalisons nous les humains ? » » (P. 220)
  • « Ce sont les périls imaginaires, la surveillance supposée du voisin, du portier, du chef, du passant, qui constituent le risque principal, parce que le juif [….] se trahit en regardant tout autour de lui pour vérifier que personne ne l’observe, par la nervosité empreinte sur son visage, par son expression effarouchée d’animal traqué, flairant le danger de toutes parts. » (P. 222)
  • « Au total, quelques trois cents personnes firent étape au zoo de Varsovie dans le cours de leur existence nomade. Jan considéra toujours, et déclara publiquement, que la véritable héroïne de cette épopée était sa femme Antonina. » (P. 289)
  • « Ironie de l’histoire, les expériences de reproduction et d’eugénisme qui prospérèrent avec les ambitions d’Heck, l’appétit de gibier de Göring et la philosophie nazie contribuèrent à sauver quantité de plantes rares et d’animaux menacés de disparition  » (P. 294)

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