
Vaguement sans doute…il est l’un des ces condamnés à mort américains pour lesquels le monde indigné, informé par Amnesty-Internation se mobilise dans des manifestations de rues afin de demander sa libération …
Indigné, vous le serez à la lecture de ce livre. Indigné devant l’attitude de ce pays qui fait rêver beaucoup de nos concitoyens…le rêve américain. Mumia quant à lui vit un cauchemar depuis 1982 .
Wesley Cook est un jeune journaliste, animateur d’une station de radio, l’un des premiers membres des BlackPanthers, les Panthères Noires qu’il découvre à quatorze ans en 1968 . Il lit leurs publication et en devient rapidement le responsable de l’information.
Le FBI s’intéresse à lui et commence à constituer le dossier à charge qui sera utilisé pour le condamner bien plus tard
Le mouvement des BlackPanthers revendiquait une reconnaissance des Noirs qui ne voulaient plus être des citoyens de second ordre. Ils revendiquaient le plein emploi, des habitations décentes, la reconnaissance des spécificités de la culture noire…Les BlackPanthers avaient édicté ces règles internes au mouvement « …nous ne devons pas prendre de drogue pendant le service, devons lire au moins deux heures par jour, être courtois et respecter les femmes, rendre ce qu’on emprunte, ne jamais voler… »
Violence policières contre violence du mouvement.. allant de l’emprisonnement de membres jusqu’au meurtre. Wesley surnommé alors Mumia par un de ses profs sera même emprisonné pour avoir traversé une rue en dehors des clous.
Devenu journaliste au sein d’une station de radio il devient un ardent défenseur de Move, Station de radio militante des Noirs….Et fait toujours face à la même violence du système judiciaire : La police attaque la maison ou exerçait Move, noie sous des tonnes d’eau le sous-sol dans lequel s’étaient réfugiés les salariés de Move et leurs familles. La police tire. Un policier est tué. La police exhibe mystérieusement des armes sèches. Un bulldozer détruit la maison, la scène de crime est effacée..
Mumia est contraint de devenir chauffeur de taxi et de s’armer afin d’exercer ce métier dangereux..Jusqu’au jour où il se trouve mêlé à une scène de crime…un policier est tué, Mumia est grièvement blessé. Sa blessure est difficilement explicable ..Il est arrêté, jugé, condamné à mort par un juge raciste, après une enquête bâclée et à charge de la police, lourde d’incohérences. Incohérences vite passées sous silence par le juge
Il entre alors, comme des milliers d’américains, essentiellement des Noirs, dans le couloir de la mort.
Claude Guillaumaud-Pujol décortique l’enfance de Mumia, la création et la vie du mouvement de BlackPanthers, de Move, nous fait partager cette portion de l’histoire des Etats-Unis dans laquelle les plus anciens ré-entendront les noms qui firent l’actualité de leur jeunesse : Vietnam, Woodstock, OJ Simpson, Cassius Clay, Martin Luther King… Elle met en évidence le parti-pris du juge, les incohérences de la décision de condamnation, nous fait connaître les conditions de « Vie » – puisqu’ils respirent- des condamnés à mort dans le couloir de la mort, dans des cellules de 4 m², les conditions d’appel ou de révision des procès.
Cette analyse s’appuie sur des rencontres avec Mumia, sur une importante bibliographie, sur de nombreux écrits ou propos de Mumia, de juges ou d’hommes politiques divers, d’extraits de jugements, d’extraits de presse…. Elle analyse les incohérences diverses dont fut victime Mumia, les propos des uns ou des autres dans cette affaire. (plus de 200 notes de bas de page depuis l’enfance de Wesley jusqu’à nos jours)
Ce travail d’investigation est remarquable.
Je termine ce livre avec un profond malaise face au système judiciaire américain que je connaissait assez mal.
La condamnation à mort de Mumia a été annulée pour un vice de procédure mais sa culpabilité dans le meurtre du policier sera confirmée, écartant tout nouveau procès de culpabilité. Il mourra cependant dans le couloir de la mort qu’il ne quittera jamais….Il souffre d’une hépatite C.
J’ai oublié de préciser que cette affaire s’est déroulée en Pennsylvanie, à Philadelphie, ville dans laquelle la Déclaration d’Indépendance des États-Unis fut signée.
Philadelphie..Un nom qui veut dire «ville de l’amour fraternel»
Ça ne s’invente pas
Merci à Masse Critique et à Babelio pour cette découverte
Editions Le temps des cerises – 2017 – 157 pages
Quelques lignes
Après trente ans passés dans le couloir de la mort, Mumia est devenu le symbole mondial de la lutte contre la peine de mort. » (P. 150)
« Pour la justice de Pennsylvanie, l’affaire Abu-Jamal est close, jugée, la cause définitivement entendue, puisque les juges refusent de prendre en compte les « erreurs » constitutionnelles pointées par ses avocats : l’indigence de l’accusation, la partialité du juge, les irrégularités de la procédure, les expertises absentes ou tronquées, les faux témoignages…Mais comment las autorités politico-judiciaires pourraient-elles se déjuger, dans discréditer définitivement les institutions de Pennsylvanie. » (P. 151)
« Toujours en l’absence de l’accusé (écarté des audiences pour cause de sécurité), Me Robert Bryan, le principal avocat de Mumia, a plaidé trois moyens, qui chacun remettent en cause la sincérité du jugement. » (P. 152)
« Car entre-temps, Mumia Abu-Jamal est bel et bien devenu emblématique – à la fois des dysfonctionnements d’une justice encore marquées par de vieux démons, et d’un mouvement de résistance politique aux résonances planétaires. » (P. 153)
Non, je ne me rappelais plus…Merci ce livre semble très intéressant !