
J’avais été séduit il y a bien longtemps par Rouge Brésil dont j’ai gardé un vague souvenir… Tiens, il faudrait que je le relise !!
Surprenant tout d’abord de lire un polar écrit par un académicien…Je ne pense pas que beaucoup d’entre eux se soient engagés dans cette voie…
Un polar bien monté.
Un plaisancier est découvert mort, tué d’une balle dans la poitrine, suspendu pas les pieds au mat de son bateau dans le port de Conakry…une mise en scène pas banale.
Cette exposition aux yeux de tous intrigue Aurel Timescu, Consul de France à Conakry, informé de ce crime. Ce plaisancier est français…ancien chef d’entreprise il a gagné beaucoup d’argent après voir vendu son entreprise.
Pas banal non plus de trouver un ancien réfugié roumain ayant fui le régime de Nicolae Ceaușescu à un poste de diplomate français. Le responsable du consulat est en vacances, Aurel prend le dossier en main, il ne croule pas sous le travail. Il n’a, d’ailleurs, jamais été surchargé, son bureau est dans un placard…
Alors Aurel décide de mener sa petite enquête afin de démasquer le coupable…crime crapuleux, crime de de rôdeur? Le coffre fort du bateau est vide.
Ce consul de France, par ailleurs pianiste, qu’on s’attendrait à voir dans une tenue vestimentaire soignée et distinguée, même si elle est décontractée, n’a au contraire, pas du tout « le look » vestimentaire imposé à un diplomate…Rufin s’amuse à nous décrire, à plusieurs reprises, le comportement et les assemblages vestimentaires d’Aurel, souvent en imperméable sous le soleil tropical, portant des lunettes noires d’alpiniste…bref un anti-héros devenu enquêteur parce qu’il s’ennuie, qui n’a rien à voir avec les flics tombeurs de jolies filles peu farouches, clichés des héros de romans policiers…Par certains cotés vestimentaires il m’a rappelé Bérurier flic des San Antonio…Séries noires dévorés certaines nuits pendant mes périodes de concierge-standardiste remplaçant au mois d’août dans un hôpital…
Le jeune Aurel rêvait en Roumanie de ressembler à Delon ou Belmondo héros de polars.
Rufin qui fut diplomate s’amuse sans doute à nous décrire ce personnage atypique et ma foi attachant, bien éloigné de l’image que nous avons de ces diplomates. J’aimerais lui demander s’il a rencontré dans le cadre de ses missions de diplomate, des personnages aussi improbables qu’Aurel, en poste dans des ambassades africaines de seconde zone, dans lesquelles rien ne se passe, où les diplomates s’ennuient à mourir…En a t-il imaginé l’un d’eux en enquêteur ? Ah! quelle bande de farceurs au Quai d’Orsay !
Surprenant aussi car notre homme mène son enquête de main d’expert, un peu troublé parfois par la belle femme – il en faut toujours une dans un polar – là, c’est la sœur du défunt…
Je n’en dirai pas plus.
J’ai finalement passé un bon moment de lecture avec ce polar pas ennuyeux…un polar sérieux aussi, qui nous démontre que bien des problèmes que nous rencontrons en France, trouvent leur origine dans des pays bien lointains, des pays auxquels le commun des mortels ne prête pas attention, et qui entrent, moins que d’autres peut-être, dans les priorités gouvernementales gérées par le Quai d’Orsay…heureusement que dans ces ambassades de seconde de zone se trouvent des personnes attachées à leur mission.
Editions Flammarion – 2018 – 307 pages
Quelques mots sur Jean-Christophe Rufin
Quelques lignes
- « « Un Roumain, figurez-vous, et qui parle avec un accent terrible. Il est tellement catastrophique que l’on ne peut rien lui confier. Je l’ai relégué dans un placard. Littéralement. Sans téléphone ni ordinateur. Vous me demandez pourquoi on ne l’a pas mis à la porte ? Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Tous ses chefs ont voulu se débarrasser de lui, moi comme les autres. Mais il est fonctionnaire titulaire, hélas. » » (P. 16)
- « Aurel était extrêmement habile au maniement des ordinateurs. Pour être tranquille au bureau, il jouait à celui qui n’y connaissait rien. En réalité, si une motivation personnelle existait, il était capable de se transformer en un geek accompli. Le clavier informatique l’excitait autant que celui du piano et lorsqu’il posait les mains dessus, une joie exubérante s’emparait de lui. » (P. 45)
« Il enfila un vieux pantalon en velours qu’il réservait d’ordinaire pour des promenades le dimanche sur le terrain du club de golf. Il passa un pull à col roulé bleu et, par-dessus, une veste de smoking. Machinalement, il noua une cravate autour du col roulé. Puis il fouilla dans le bas du placard pour trouver une paire de chaussures. Il prit la première venue, des mocassins bordeaux à glands, et l’enfila sans se donner la peine d’ajouter des chaussettes. Il attrapa sur un meuble près de la porte son portefeuille et ses clefs et sortit dans la ruelle. » (P. 237)