« Une longue impatience » – Gaëlle Josse

une longue impatienceAnne attend Louis son fils de seize ans…il n’est pas rentré. Il n’a laissé aucun message. Inquiétude d’une maman. Très vite on apprend qu’il a quitté la maison à la suite d’une correction d’Etienne, son beau père, correction presque habituelle en ce début des années 50, à la ceinture. Corrections qui laissaient des traces rouges sur le dos et les fesses et des traces bien noires dans la tête des gamins que nous étions.
Autres temps, autres mœurs. 
Anne le cherche, les larmes au bord des yeux. Elle apprendra qu’en trichant sur son âge le gamin a réussi à s’embarquer sur un bateau qui va parcourir le monde : La Réunion, Durban, Buenos Aires, Valparaiso…Quand reviendra-t-il ?
Alors elle lui écrit de longues lettres d’amour, d’espoirs et d’inquiétudes, de questions. Des lettres qui ponctuent l’histoire de sa vie. 

Elle vivait dans une petite maison avec Yvon, le père du gamin, pêcheur disparu dans un naufrage en mer à la fin de la guerre…Etienne, le pharmacien du village, était amoureux d’elle depuis son enfance. Il l’épousera et ensemble ils auront deux autres enfants, Gabriel et Jeanne. Il lui a offert une vie nouvelle, une belle maison, mais la rend-il heureuse ? Malgré tout ce qu’elle a, tout le confort et l’argent que lui offre Etienne, elle éprouve toujours le besoin de s’isoler dans la petite maison où elle vécut avec Yvon. Pourquoi donc ?
Bien sûr elle a eu avec lui Jeanne et Gabriel, elle les aime, ils l’aident à occuper le vide immense que l’absence de Louis laisse dans son cœur…mais on a parfois l’impression qu’elle avance comme une automate. 
Émouvant portrait d’une femme faite d’amour, d’une maman. Un roman plein de retenue, et d’émotions, dont la fin m’a profondément ému. Quel talent ! 
Ah ! Que j’aime être bousculé par ces romans que certains qualifieraient de féminins ! Mais l’amour de ses enfants, quel que soient leur âge, n’a pas de sexe. 
Belle découverte de cette auteure de sa capacité à nous émouvoir, de son écriture.
Editions  Noir sur blanc – 2018 – 191 pages 

Quelques mots au sujet de Gaëlle Josse


Quelques lignes
  • ‌ »C’est le temps des mots secrets, ceux qui permettent de dénouer la journée, de la reposer dans ses plis avant de la laisser s’enfuir, se dissoudre, c’est le temps d’apprivoiser la nuit, c’est le temps des mots sans lesquels le sommeil ne viendrait pas. Je plonge le visage dans la tiédeur des cous, des oreilles, des bras qui veulent me retenir, des doigts légers, un peu collants, qui caressent mes joues, je sombre dans la douceur des cheveux lavés, du linge frais. Chut maintenant. Il faut dormir. Une fois franchie leur porte, j’entre dans ma nuit, à la rencontre de la part de ma vie qui vient de brûler.. » (P. 15)
  • « Depuis la naissance des petits, Étienne ne supporte plus mon fils, le témoin encombrant d’une autre vie, le rappel permanent que j’ai été possédée par un autre homme, et tout cela est ineffaçable. Louis est celui qui l’empêche de croire en une vie faite de notre seule histoire, sans peines et sans passé. » (P. 20)
  • « Car toujours les mères courent, courent et s’inquiètent, de tout, d’un front chaud, d’un toussotement, d’une pâleur, d’une chute, d’un sommeil agité, d’une fatigue, d’un pleur, d’une plainte, d’un chagrin. Elles s’inquiètent dans leur cœur pendant qu’elles accomplissent tout ce que le quotidien réclame, exige, et ne cède jamais. Elles se hâtent et se démultiplient, présentes à tout, à tous, tandis qu’une voix intérieure qu’elles tentent de tenir à distance, de museler, leur souffle que jamais elles ne cesseront de se tourmenter pour l’enfant un jour sorti de leur flanc. » (P. 147-8)

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