
En 1992, Lorilei une maman vivant seule avec son fils Jérémy, le cherche partout. Il a disparu. Mobilisation générale. Le corps de Jérémy, six ans, est retrouvé dans l’armoire de Ricky Joseph Langley, âgé de 26 ans. Ricky, qui a participé aux recherches, a déjà été condamné deux fois pour pédophilie. Il se défend de l’avoir violé, pourtant des traces de son sperme ont été retrouvées sur le short du gamin. Ricky et Jérémy se connaissaient, étaient voisins. Il dira qu’il a toujours été attiré par les gamins blonds. Comment ces traces sont-elles arrivées là ?
Alexandria Marzano-Lesnevich, étudiante en droit à Harvard prend connaissance de ce dossier, des nombreuses pièces qui le constitue, de la confession filmée de Ricky. Ses souvenirs personnels remontent à la surface et se télescopent avec les informations du dossier…elle aussi a été victime d’un pédophile, d’un grand-père qui se caressait sur elle, qui la violait. Ricky a perdu un frère Oscar…Alexandria n’a pas connu une sœur mort-née…Que de similitudes dans ces deux destins. Dans ces traumatismes enfouis, sur lesquels elle reviendra et qui, inconsciemment sans doute ont forgé leurs personnalités respectives, et motivé le désir d’Alexandria de comprendre le destin de Ricky…ce que tout le monde n’a pas fait.
Deux histoires, deux destins qui s’entrechoquent et font écho. Deux dégoûts, deux traumatismes qui donnent toute la puissance du livre, toute la puissance de cette enquête et de ces témoignages.
Ricky fut condamné à mort, il restera longtemps dans ce couloir de la mort, entendant partir au petit matin d’autres détenus entravés. Son jugement fut cassé, on saura pourquoi dans les dernières pages. Ricky fut jugé deux autres fois, et finalement libéré…
Le livre qui alterne souvenirs autobiographiques de l’auteure et archives des interrogatoires et des procès de Ricky devient une réflexion sur la justice américaine, justice capable de condamner à mort des malades, car la pédophilie est une maladie, Alexandria Marzano-Lesnevich le soutient et nous l’explique, après en avoir été victime. Cette déviance sexuelle causée par un trouble mental est difficilement contrôlable, voire incontrôlable par le malade. Le livre devient alors un réquisitoire adroit et documenté contre la peine de mort, à laquelle l’auteure est dorénavant opposée, après y avoir été favorable, et fournit une information riche sur les opportunités offertes aux avocats par le système judiciaire américain, du fait de ses incohérences, de ses travers.
Un système capable en quelques années de condamner un homme à mort puis de le relâcher sous contrôle judiciaire…
« L’homme au centre de ce procès, dont la personnalité sera interminablement discutée et débattue, interminablement reconstituée et disséquée dans un dossier qui finira par faire près de trente mille pages, cet homme restera en ce sens une énigme. Il est bien possible que ce que l’on voit en Ricky dépende davantage de qui l’on est que de qui il est. » écrira-t-elle
Elle précisera : « Ce livre, par sa nature, a souvent été très difficile à écrire ».Le résultat est là, elle nous propose un livre dense, travaillé et documenté, dont les différentes périodes s’étalant sur près de vingt ans s’imbriquent, sans ordre chronologique, imposant au lecteur qui ne peut rester passif, un travail de reconstruction et de réarrangement. L’auteure a écrit puis jeté des milliers de pages, souhaitant nous proposer un travail parfait.
Elle a réussi à me troubler, à me déranger, à me confirmer toute la difficulté d’une vraie Justice, avec un grand J.
Et à me faire réfléchir sur la difficile notion de pardon !
Éditions Sonatine – 2019 – Traduction d’Héloïse Esquié – Parition initiale en 2017
Présentation d’Alexandria Marzano-Lesnevich
Quelques lignes
- Pour chaque événement consigné ici, je dispose au minimum de la garantie d’un témoin et de sa description des faits ; le cas échéant, il s’agit d’une combinaison construite à partir de plusieurs récits, ainsi que je le détaille dans la section « Sources consultées ». Chaque fois que je suis partie d’une retranscription ou d’un procès-verbal, j’ai réécrit les dialogues afin de préserver la clarté et le rythme du récit. Une bonne part des événements que je rapporte se sont produits sous l’œil du public et les feux des médias, mais j’ai néanmoins changé quelques noms. Les deux voyages de recherche qui forment la colonne vertébrale de la troisième partie du livre sont en fait une quantité de voyages entrepris sur plusieurs années. Je les ai condensés, mais les événements décrits se sont produits tels quels.
- « Dix ans après le premier procès, la condamnation à mort de Ricky a été cassée. On l’a sorti du couloir de la mort et on l’a renvoyé à Calcasieu pour qu’il y attende un nouveau procès. » (P. 121)
- « Il aime à répéter qu’il a toujours choisi des enfants qui étaient déjà en souffrance. Qu’il reconnaissait dans leurs yeux quelque chose qui lui indiquait qu’ils avaient déjà été victimes d’abus sexuels. Il prétend avoir reconnu ça en Jeremy. » (P. 271)
« Le verdict de ce procès a été cassé et, en 2009, Ricky a été jugé de nouveau, et condamné à la perpétuité une nouvelle fois. Ce qui porte le nombre de procès à trois. En 1994, une condamnation à mort. En 2003, la perpétuité. En 2009, la perpétuité. Avant le procès de 2009, la cour d’appel avait établi qu’à partir du moment où il avait échappé une fois à la peine de mort, il ne pouvait y être exposé de nouveau. » (P. 289)
- « Lorsque j’ai obtenu du centre médico-psychologique de Lake Charles les dossiers médicaux de Ricky datant du milieu des années 1980 et que j’ai découvert les efforts qu’il avait tenté de déployer dans les années précédant le meurtre de Jeremy, j’ai commencé à le considérer comme une personne à part entière. Ce qui m’a poussée à m’interroger sur mon grand-père. » (P. 329)
- « Lorsque j’ai obtenu du centre médico-psychologique de Lake Charles les dossiers médicaux de Ricky datant du milieu des années 1980 et que j’ai découvert les efforts qu’il avait tenté de déployer dans les années précédant le meurtre de Jeremy, j’ai commencé à le considérer comme une personne à part entière. Ce qui m’a poussée à m’interroger sur mon grand-père. » (P. 329)
- « Ce qui m’a tant séduite dans le droit il y a si longtemps, c’était qu’en composant une histoire, en élaborant à partir des événements un récit structuré, il trouve un commencement, et donc une cause. Mais ce que je ne comprenais pas à l’époque, c’est que le droit ne trouve pas davantage le commencement qu’il ne trouve la vérité. Il crée une histoire. Cette histoire a un commencement. Cette histoire simplifie les choses, et cette simplification, nous l’appelons vérité. » (P. 429)