
Kejun avait lui-même perdu sa famille lors de la guerre sino-japonaise…le jeune couple avait tout pour être heureux. La vie chinoise ne leur a pas permis de connaître le bonheur.
Six jours de voyage éprouvant sur des pistes défoncées au bord de ravins vertigineux afin de gagner le Tibet. La-bas Shu Wen rencontrera Zhuoma, une femme tibétaine avec laquelle elle voyagera dans ce Tibet inconnu. Zhuoma sera sa traductrice, et l’accompagnera dans ce long voyage. Ensemble elles seront accueillies par des bergers avec lesquels elle vivront sous la tente. Une rencontre de plusieurs années au contact des animaux, du froid, de la dure condition des bergers, de leurs traditions séculaires, y compris au moment de la mort. Une rencontre qui nous permet de connaître la rude vie de ces hommes et femmes, une vie de paix, bousculée par cette guerre entre Chine et Tibet dans les années cinquante.
Quand Shu Wen, une fois connue les conditions de la mort de son mari, reviendra en Chine bien des années plus tard, elle ne retrouvera plus les vieilles maisons traditionnelles. Des immeubles de béton auront défiguré cette Chine millénaire. Son pays a disparu au nom du modernisme, du progrès. La tradition chinoise a été bousculée par l’Histoire. Une partie du Tibet, reste encore attaché à son passé, à ses traditions culturelles et religieuses.
Roman ? Non … rencontre vécue entre l’auteure et Shu Wen dont elle nous parle dans les premières pages « En écrivant l’histoire de Shu Wen, j’ai essayé de revivre son voyage de la Chine des années cinquante au Tibet – de voir ce qu’elle voyait, de ressentir ce qu’elle ressentait, de penser comme elle. […..] Sa disparition continue à me hanter. J’espère sincèrement que ce livre puisse arriver jusqu’à elle pour qu’elle sache que, partout dans le monde, on peut lire l’histoire de sa vie et de son amour. »
Voyage dans la poésie et le romantisme du passé traditionnel, voyage dans ces grands espaces dénudés et sauvages, dans ces âmes tibétaines faites de paix, dans l’Histoire tourmentée des relations entre la Chine et le Tibet
Amour d’un homme, amour d’un pays, amour pour des traditions tibétaines qui risquent de se perdre.
Merveilleux voyage dans une culture ancestrale tibétaine pas encore défigurée par le modernisme…pour combien de temps encore ? Années dans lesquelles modernisme et matérialisme des uns se confrontent à la spiritualité des autres.
Un grand bonheur de lecture…
Je n’irai peut-être jamais en Chine, dans cette Chine moderne, mais je reparlerai de Xinran…parce que je suis certain qu’elle me fera découvrir ce pays. Peut-être pas le plus beau côté.
Éditions Philippe Picquier – 2005 – Traduction : Maïa Bhârathî -Parution initiale en 2004 – 191 pages
Présentation de Xinran
Quelques lignes
- « ….lorsqu’elle était étudiante, elle n’avait jamais réfléchi à la façon dont les cinquante groupes ethniques de la Chine avec leur millier d’accents régionaux faisaient pour communiquer quand ils étaient ensemble. Elle se rendait maintenant compte de l’importance des gestes et du langage commun de l’émotion. » (P. 32)
- « Dans sa progression vers l’ouest, l’Armée populaire de libération avait éteint les flammes éternelles des monastères et tué de nombreux gardiens de troupeaux. Les Tibétains pensaient que deux cent trente et un gardiens étaient morts, et ils avaient l’intention de prendre le double de vies chinoises en compensation. Zhuoma avait négocié avec eux, mais ils refusaient de se montrer cléments, soutenant que relâcher les Chinois permettrait à ceux-ci de tuer encore plus de Tibétains. Toutefois, le chef avait dit qu’il leur donnerait une chance s’ils acceptaient trois conditions. La première, les Tibétains voulaient prendre dix Chinois en otages, qu’ils tueraient si l’Armée de libération tuait encore de leurs gens ; deuxièmement, ils voulaient que les Chinois retournent dans leur pays et n’avancent plus d’un pas vers l’ouest ; et troisièmement, les Chinois devaient abandonner leurs armes et leur équipement, camions inclus. » (P. 60)
- « Le Tibet entier n’est qu’un gigantesque monastère. Toutes les familles qui ont plus de deux fils doivent en envoyer au moins un au monastère pour qu’il devienne lama. C’est une preuve de leur dévotion, mais cela donne aussi à l’enfant une éducation et soulage les familles. Il y a un proverbe tibétain qui dit : “Le beurre de yak est un bien qui dure plus longtemps qu’un fils”, parce qu’un yak appartient à la famille, mais un fils peut aisément partir pour le monastère. » » (P. 81)
- « Ils étaient tous venus au Tibet pour des raisons différentes. Les jeunes gens lui ont expliqué qu’ils avaient profité des avantages financiers offerts par le gouvernement chinois pour s’installer au Tibet ; les emplois ne manquaient pas. L’homme plus âgé a raconté qu’il était venu au Tibet dans les années soixante-dix quand il y avait eu des offres pour les travailleurs agricoles du Hubei, car la situation politique était alors difficile en Chine. La femme a dit que, comme le Sichuan était proche de la frontière tibétaine, elle était venue au Tibet dans les années soixante pour « aider les régions frontalières ». » (P. 120)
- « La ville de son enfance, dont elle avait tant rêvé, avait disparu sans laisser de traces. » (P. 179)
Ce livre m’a littéralement transporté vers ce Tibet millénaire.
Je l’ai lu d’une seule traite tant j’étais absorbé.
Beaucoup de tristesse mais sans jamais sombrer dans le pathos.
On apprend énormément sur les rites tibétains.
Remarquable.
je l’ai lu juste après FRANCIS et j’ai bcp aimé cette remise en question de chacune des cultures et croyances. Bon moment de lecture. Sylvia
A reblogué ceci sur Learn Love.