« Écrire est un geste, un acte plein, qui me soigne et me signe.
J’écris. »
Alexandre, Journaliste et écrivain idéaliste selon lui, écrit, c’est son métier.
Il nous berce, nous remue, nous étonne par ses mots, nous fait vibrer d’émotion en écrivant cette longue lettre, celle longue déclaration d’amour à Maï Lan, « une entraîneuse et plus si affinité » qu’il a connue il y bien longtemps quand il était soldat à Diên Biên Phù…
Pour fuir cette vie , qui ne lui apportait rien, pour fuir son épouse en France, il s’était engagé dans l’armée, « Jeune et mal marié » il cherchait un idéal, une vie….Là bas dans un de ces bars à bidasses, entre deux combats, il la rencontra et l’aima…sa vie en fut à jamais changée, bouleversée. Chaque jour il combattait les jeunes vietnamiens de l’âge de Maï Lan, tuer ou être tué, jusqu’à cette funeste bataille de Diên Biên Phù, formidable coup de pied au cul qui le renvoya rapidement en métropole, lui et ses copains, sans qu’il puisse la revoir, lui dire au-revoir …
Depuis il cherche Maï Lan, incapable de l’oublier. Alors il quitte tout, une nouvelle fois et part à sa recherche, vers le Vietnam.
Il se souvient de ces combats, mais aussi de cette amitié sans racisme entre les bidasses, surtout lui qui fut sauvé par un soldat noir Diop, Diop, « mon ami, mon frère d’armes » un soldat d’origine sénégalaise. Sans lui, il serait rentré dans cette sinistre boîte. Il n’oublie pas cette propagande, ces appels à déserter venant des jeunes vietnamiens ces « bodoi », et surtout, entre deux souvenirs, Maï Lan le hante, toujours elle, dont il cherche le regard dans les yeux ces vietnamiennes…
Quand j’écoute du slam, c’est par hasard, jamais volontairement, mais j’ai pris un réel plaisir, de nombreuses bouffées d’émotion à la lecture des mots de Marc-Alexandre Oho Bambe, à la lecture de ces mots d’amour, de cette révolte…Un roman d’amour sans la mièvrerie qu’on trouve souvent dans cette littérature. Je ne sais pas comment une femme pourrait résister à une telle déclaration, à ces mots si simples, à une telle souffrance, à une telle recherche de l’absente.
Roman de guerre aussi, sur la désillusion, l’amitié entre frères d’armes, roman sur la vie de couple, cette vie qu’on ne peut parfois plus supporter, qu’on quitte, sur un coup de tête…
….et coup de patte d’un colonisé contre l’attitude de la France et de ses gouvernants
Et à chaque page, cette même surprise, cette vérité des mots.
Je connaissais l’histoire, son dénouement, et afin de revivre cette émotion cette beauté du texte, je l’ai relu…Oui, jamais je n’avais jamais éprouvé ce besoin de relire un livre que je venais de refermer! J’ai encore plus apprécié les mots, les phrases.
« Toute ma vie il fera beau. Parce que je t’ai rencontrée.
Et il fera froid aussi. Parce que je t’ai perdue.
Il fera beau et froid.
Je pars et tu restes. Avec moi. Tu restes et je pars. Avec toi.
Merci de m’avoir fait naître à moi-même. Tant de fois »
Merci Marc-Alexandre Oho Bambe pour ces moments
Éditeur Sabine Wespieser – 2018 – 221 pages
Présentation de Marc-Alexandre Oho Bambe
Quelques lignes
« Juillet 54 je revins en métropole.Défait.Amputé de mon cœur refait à neuf.Et amoureux d’une énigme déguisée en sourire fatal, qui me hante depuis vingt ans. » (P. 14)
« Les enfants vous grandissent et vous élèvent, vous relèvent et vous révèlent, le miracle possible de l’éternité. » (P. 29)
« Depuis, le temps a tracé, emportant tout ou presque sur son passage, sauf mes rêves et leurs présages.Et mon amour.Des mots.Je n’ai plus vingt ans. Alors, souvent, je relis Aragon, comme pour retrouver la mémoire ou me retrouver moi-même. (P. 67)
« …vivre c’est suivre les traces de l’enfant qu’on a été. Les traces que cet enfant a laissées, derrière lui, afin de nous guider sur le chemin qui mène à nous-mêmes. Et écrire, c’est transmettre, partager cette trace… » (P. 83)
- « Combien de fois avons-nous espéré et été déçus par nos gouvernants, de Gaulle qui incarne la résistance et la grandeur de la France a perdu de sa superbe en refusant le droit légitime aux troupes coloniales de défiler dans les rues de Paris à la Libération, alors que vous aviez été de toutes les batailles, parfois même en première ligne. » (P. 181)