« L’avènement d’Hitler » – Jacques Prévert

  Toi, moi, vous, nous connaissons tous Prévert ! Nos instituteurs nous demandaient d’apprendre un poème en primaire, voire en 6ème ou en 5ème…Quelques textes plus ou moins gentils dans l’ensemble, puis après on ne nous parlait plus de Prévert… 

Oublié des programmes, à partir d’un certain âge.

En tout cas en ce qui me concerne. 

D’ailleurs est-ce qu’il nous ont réellement parlé de l’auteur, de sa capacité à nous balancer de coups de poing littéraires, de sa capacité à nous émouvoir, du Prévert politique…est-ce que tout ce ceci faisait partie du programme…En tout cas, scolaire, je ne l’avais pas appris…Oui mais j’habitais dans une « ville d’art, ville sainte »! 

Ceci explique peut-être cela !

Je dirai même plus…Du fait de mes  instits et profs successifs la poésie n’est pas au cœur de mes centres d’intérêt littéraires. Je ne suis sans doute pas le seul. Ils m’en ont même dégouté ! Je connaissais un Prévert plus classique, bien moins politique !

Et puis un jour au hasard d’une ballade sur Internet j’ai découvert ce titre….absent de toutes les librairies et médiathèques de ma ville…Même le libraire d’une vieille rue de ma ville, chez qui j’aime flâner, et chez lequel je commandais le titre, me dit : « je ne connaissais pas »…On ne peut pourtant pas le soupçonner d’absence de culture littéraire. Mais Prévert est si vaste !

Oui j’ai pris un grand plaisir à découvrir ce livre qui resta presque tout l’été dans le sac qui ne me quitte pas l’été…lu et relu, dans l’ordre et dans le désordre des pages.

L’âge de ces textes, nous permet de découvrir un peu plus Prévert agitateur de consciences, Prévert lucide, Prévert politique..un Prévert féroce qui ne s’est pas totalement démodé avec le temps. Ces textes étaient tous destinés à être interprétés sur scène par le Groupe Octobre, ces sketchs, saynètes, ou poèmes prennent encore plus de force quant on les lit à haute voix, quand on tente de les interprèter…Une claque à chaque lecture ! 

On change un nom et hop! on peut presque retrouver en filigrane certains des personnage de notre actualité mondiale !

Le livre prend le titre d’un de ces textes….le plus court..un texte de trois pages, qui nous replace dans le contexte de l’époque, un texte écrit le jour de l’arrivée d’Hitler au pouvoir, nous dit-on. Mais d’autres comme Mussolini, les généraux espagnols, ou le Saint-Père et sa surdité, sont dans le viseur du poète, dans d’autres textes. Il s’en prend à l’Eglise, défend les affameurs des pauvres et des chômeurs…Curés, militaires et hommes politiques allant manger à l’Elysée sont dans son viseur. 

Bref un petit livre qui malgré son âge ne doit pas rester dans l’oubli. 

Il a le pouvoir de nous faire vivre une époque que nous n’avons pas connue….et de nous faire réfléchir à certaines situations actuelles!

Il n’en est que plus fort !

Petite précision : la couverture est l’oeuvre de l’artiste allemand John Heartfield publié en 1932, elle était intitulée (traduction de l’allemand) « Adolf le surhomme, il avale de l’or et recrache des insanités »)

Editions Le Cherche Midi – 2010 – Parution initiale des textes entre 1931 et 1936 – 106 pages


Présentation de Jacques Prévert


Quelques lignes
  • « Ceux qui courent, volent et nous venge, tous ceux-là, et beaucoup d’autres, entraient fièrement à l’Elysée en faisant craquer les graviers, tous ceux-là se bousculaient, se dépêchaient, car il y avait un grand dîner de têtes et chacun s’était fait celle qu’il voulait » (P. 22)
  • « Vous auriez vu les hommes dans les asiles de nuit faire le signe de la croix pour avoir un lit, et les familles de huit enfants « qui crèchent à huit dans une chambre » et si vous aviez été sages vous auriez eu de la chance et le plaisir de voir le père qui se lève parce qu’il a sa crise, la mère qui meurt doucement sur son dernier enfant, le reste de la famille qui s’enfuit en courant et qui pour échapper à sa misère tente de se frayer un chemin dans le sang » (P. 28)
  • Le bourgeois pleure des larmes et grince des dents
    Il devient de plus en plus méchant…
    Comme ce grand homme mythologique
    Qui n’était sensible qu’au talon
    Le bourgeois n’est sensible qu’au fric
    Même quand on lui joue du violon
    Il tuerait bien tout le monde pour garder sa maison
    Mais il ne peut pas tuer lui-même
    Il faut qu’on croie qu’il est bon
    Alors il cherche un homme. Comme Diogène
    Alors il trouve un homme au fond d’un vieux tonneau de peinture
    Hitler… Hitler… Hitler
    L’homme de paille pour foutre le feu
    Le tueur. Le provocateur
    On présente d’abord le monstre en liberté
    On le présente aux ouvriers
    « C’est un ami presque un frère. Un ancien peintre en bâtiment »
    Le moindre mal quoi !
    C’est moins dangereux qu’un général
    Un ancien peintre en bâtiment
  • « Attention! L’ennemi n’est pas en face
    Il est derrière toi. 
    Il parle la même langue que toi ! 
    C’est lui qui te pousse à la guerre. » (P. 40)
  • « tout le monde mange sauf les morts
    tout le monde mange
    les pédérastes…les hirondelles…
    les girafes….les colonels…
    tout le monde mange
    sauf le chômeur
    le chômeur qui ne mange pas parce qu’il n’a rien à manger. » (P. 84)

2 réflexions sur “« L’avènement d’Hitler » – Jacques Prévert

  1. CC JEAN PIERRE, on met une option réservation pour notre rentrée en décembre.
    Je connais un peu PREVERT: « notre Père qui êtes aux cieux, restez – y… » mais en effet, il n’est pas trop et assez promu par l’Education Nationale.
    Il n’est donc jamais trop tard pour apprendre. Bon dimanche, Sylvia

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