
Quelques mots échangés avec Didier Daeninckx, sur un salon du livre, quelques mots sur les souvenirs toujours en mémoire de ses livres lus, et puis ce titre qui me saute aux yeux… »une histoire vraie » me dit-il.
Il me donne quelques noms de lieux et d’autres de personnes connus par les plus anciens d’entre nous, des noms de personnes évoquées dans le livre. Il n’en fallait pas plus pour me séduire.
La télé noir et blanc nous a fait connaître Denise Glaser et ses Discorama, ses entretiens avec ces nouveaux artistes, septuagénaires, octogénaires ou disparus, aujourd’hui, de notre monde. C’était le dimanche midi…on n’avait pas le choix des programmes, il n’y avait qu’une chaîne.
Didier Daeninckx, m’a fait découvrir une autre Denise Glaser, jeune femme juive, et résistante, cachée dans un hôpital psychiatrique à quelques kilomètres de ma ville de naissance…comment ne pas être intrigué par ce bref entretien avec l’auteur, et séduit par son texte, et les noms de lieux qu’il m’a cités. Un texte qui nous fera également connaître un autre aspect de Paul Eluard, caché comme Denise sous un faux nom dans cet établissement de soins.
Ceux qui ont connu cette période, ces maquis lozériens sont rares…Trop jeune, je ne les ai pas connus, je ne me souviens que de croix au bord des routes quelques années plus tard, dans les années 50: « ici est tombé… ». Tout est effacé aujourd’hui.
Didier Daeninckx en une centaine de pages nous fait découvrir un cadre et une période de vie de ces personnages célèbres à une époque, et plus ou moins oubliés aujourd’hui du plus grand nombre, la Résistance, les maquis, les hommes de l’ombre qui résistaient avec quelques pétoires de chasse, ces médecins qui en cachaient d’autres parmi lesquels Paul Eluard. Ces personnes qui prenaient tous les risques, pour combattre l’ennemi avec leurs tracts, avec leurs mots. Et quoi de mieux qu’un asile de fous pour s’éloigner du monde?
Les amoureux des livres et des auteurs découvriront une partie de la vie de Paul Eluard , et quelques uns de ses textes.
Quant à Denise Glaser, il faut se souvenir des soucis qu’elle rencontra, en 1963, parce qu’elle avait diffusé la chanson de Ferrat « Nuit et Brouillard »…Elle fut sauvée par des hommes politiques qui avaient connu cette triste période…mais fut momentanément privée d’antenne quelques années plus tard en 1968, par ces mêmes hommes….et mise définitivement au rebut dans les années 70..Elle mourut oubliée de tous.
J’ai pour ma part, toujours plaisir à lire Paul Eluard…J’ai eu plaisir à découvrir une part de sa vie.
Gallimard Folio – 2017 – 110 pages
Présentation de Didier Daeninckx
Quelques lignes
- « Tosquelles et moi n’avons jamais trop aimé le terme d’« hôpital psychiatrique ». Nous préférons celui d’« asile », un endroit qui met à l’abri de la folie du monde… » (P. 55)
- « Éluard fait partie du comité de lecture des Éditions de Minuit clandestines, c’est l’un des principaux artisans du Comité national des écrivains. Certains de ses poèmes sont parachutés par les avions anglais en même temps que les armes et les munitions destinées aux maquis… Ils nous sont tout aussi nécessaires. C’est pour ça qu’il est activement recherché. Vous n’avez jamais entendu parler de « Liberté », ce poème devenu l’hymne de la Résistance ? » (P. 56)
- « C’est grâce à ses voyages à Paris que j’ai décroché un rendez-vous chez André Breton, dans son appartement de la rue Fontaine. Marcenac m’accompagnait. Nous voulions l’inviter à tenir une conférence surréaliste à Toulouse. Le soir, nous nous sommes retrouvés aux Deux-Magots, à la table du groupe surréaliste, en compagnie de Benjamin Péret, de Paul Éluard. Le lendemain midi, c’était l’apéritif au Café des oiseaux du square d’Anvers avec Max Ernst, Man Ray et Yves Tanguy… Salvador Dali a fait une apparition… Voilà comment on rencontre les gens : en étant dans le mouvement. » (P.62)
- « Ces univers, nous les avons prospectés, André Breton et moi, lorsque nous avons écrit L’Immaculée Conception, il y a une quinzaine d’années, en suivant les chemins ouverts par Lautréamont. Nous nous sommes substitués à des aliénés, éprouvant dans les mots les états de la débilité mentale, du délire d’interprétation, de la démence précoce, de la manie aiguë, de la paralysie générale… Nous étions alors en incursion dans l’empire des fous… C’est un monde dont j’ai toujours éprouvé le vertige, je me suis souvent tenu en équilibre instable au bord des gouffres…. » (P. 83)
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« La poésie, un métier ? Non, je ne vais pas en poésie le matin comme on va au bureau. » (P. 87)
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« Ma poésie a pris le maquis bien avant que je ne sois contraint de passer dans la clandestinité. » (P. 88)
Merci beaucoup pour ce partage. Je ne connaissais pas ce livre bien qu’évidemment je connais l’écriture de cet auteur. Je ne sais d’Eluard que le copain de route de Picasso au temps d’avant guerre et évidemment ses poèmes. Et je me souviens aussi de Denise Glazer qui nous faisait entrer dans l’intimité de nos vedettes avec intelligence et réparties. J’avais oublié qu’elle avait été la première a diffuser Nuit et Brouillard. Si je rencontre ce livre, sûre que je le lirai !