"Généalogie du mal" – Yu-jeong Jeong

Yujin est réveillé par une odeur de sang…

… des gouttes de sang sur son lit et ses vêtements…il descend de sa chambre et trouve sa mère allongée au pied de l’escalier de l’appartement en duplex qu’il habite avec elle.

Horreur! Elle a été égorgée d’une oreille à l’autre !

Au fil des premières pages, on apprend vite que le jeune homme, de 26 ans est malade et souffre d’épilepsie…Non, ce c’est pas l’auteur qui nous le dit, mais Yujin lui même qui se raconte, qui raconte ses troubles de mémoire ses troubles du comportement. 

On vient d’entrer dans un livre noir, et surtout, ce qui est encore plus troublant dans l’esprit de Yujin, calme et méticuleux qui va cacher le corps de sa mère, nettoyer les traces de sang, changer les matelas tachés…et répondre à sa tante qui le soigne pour son épilepsie.

Une tante qui s’inquiète pour la disparition de sa sœur.

Nous sommes dans l’esprit et les réactions cohérentes ou non d’un malade. Le résumé est attrayant, et rares sont les livres qui nous offrent un dépaysement vers la Corée. 

Un livre pas toujours facile à suivre…pour la bonne est simple raison que Yujin souffre d’un « symptôme prodromique de crise » et qu’il a arrêté son traitement prescrit par cette tante troublante et peu attachante….

Une narration qui passe en ce qui concerne Yujin par des phases de conscience et des phases de crise, que même la tante-psychiatre a des difficultés à comprendre et à analyser : « il faut quelque chose de spécial pour qu’il ressente une émotion. J’ai peur de ne pas savoir quoi ! » dira-t-elle.

Parfois, pendant des pages on a l’impression que le roman n’avance pas, on s’ennuie dans les pensées qui tournent et retournent dans la tête du jeune narrateur, on s’ennuie dans ces longueurs, puis cette envie de tout lâcher s’estompe d’un coup…on n’est plus face à un malade, mais face à un jeune homme calculateur, froid et réfléchi, face au mal incarné. 

Pas facile non plus de vivre aux cotés de cette mère et de cette tante auxquelles on n’arrive pas à s’attacher.

Ne sont-elles pas elles aussi une partie du mal, celles qui dérangent de Yujin? La généalogie du mal de Yujin? 

Une lecture exigeante alternant passé et présent, au fil des actes, des pensées et des réactions de Yujin, une lecture alternant plaisir et ennui, envie de poursuivre et envie de reposer le livre.

Une lecture troublante, l’auteure ayant réussi à nous faire plonger dans le cerveau malade du jeune homme.

Éditions Philippe Picquier – Traduction : Choi Kyungran et Pierre Bisiou – 2018 – Parution initiale en 2016 – 393 pages


Lien vers la présentation de Yu-jeong Jeong


Quelques lignes

  • « La confusion envahit mon esprit. J’ai l’impression d’être entraîné dans un jeu étrange. Les heures ne s’accordent pas, les indices sur la scène de crime sont contradictoires et mes hypothèses bancales n’expliquent rien. » (P. 49)
  • « De sa main qui tient le rasoir, elle me donne un coup sec. Je n’ai pas pu me défendre. Je dégringole au bas de l’escalier en me cognant le dos. Une violente douleur s’empare de moi mais je n’ai pas le temps de souffrir. Même pas celui de respirer. Le plus urgent, c’est d’échapper à ma mère qui revient à la charge, sa lame menaçant de m’envoyer dans l’autre monde. Mes deux mains prennent appui sur l’escalier et je me hisse de trois ou quatre marches. » (P. 85)
  • « La confusion envahit mon esprit. J’ai l’impression d’être entraîné dans un jeu étrange. Les heures ne s’accordent pas, les indices sur la scène de crime sont contradictoires et mes hypothèses bancales n’expliquent rien. » (P. 49)
  • « L’oubli est le mensonge le plus abouti, le mensonge le plus parfait que l’on puisse faire à soi-même. C’est aussi la dernière carte que pouvait jouer mon cerveau. La nuit dernière, alors que j’étais parfaitement lucide, j’ai commis un acte auquel je n’avais pas la force de faire face et j’ai opté pour l’oubli. Ce qui signifie que, trompé par moi-même, je viens de gaspiller une journée à faire n’importe quoi.  » (P. 218)
  • « ….ma mère, de mèche avec ma tante, a complètement bousillé ma vie. »(P. 247)
  • « Yujin est un prédateur. Il est au sommet de la hiérarchie des psychopathes. Un prédateur. » (P. 279)
  • « L’homme est la seule espèce qui n’a pas appris à jeûner. Il mange tout et n’importe quoi. Il mange n’importe où et n’importe quand. Et il est heureux à n’importe quel moment de la journée d’entendre des histoires de bouffe. Cet acharnement, cette compulsion vis-à-vis de la bouffe n’est pas très éloignée d’un comportement porno-prédateur. De ce point de vue, l’homme est l’espèce la plus impatiente concernant ses propres désirs. » (P. 292)

 

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