
Quand le rêve américain et la réussite d’un homme se transforment en cauchemar….
« Les émigrants débarquent jour et nuit, et dans chaque bateau, dans chaque cargaison humaine, il y a au moins un représentant de la forte race des aventuriers. »
Johann August Suter fait partie de ces immigrants quittant l’Europe, quittant femme et enfants, les laissant de nombreuses années sans nouvelle, afin de chercher une vie meilleure, afin d’abandonner la pauvreté qui les guettait….Johann August Suter, banqueroutier, fuyard, rôdeur, vagabond, voleur, escroc. »
Il débarque à New-York le 7 juillet 1834, il fait 100 métiers, 100 petits boulots pour manger et rencontre même Edgar Allan Poe.
Il s’établit fermier à proximité de la jonction Mississippi Missouri, puis décide de tout vendre…des Indiens lui ont parlé d’un pays merveilleux, un pays de cocagne, de l’autre côté des montagnes, un pays immense qui ne s’appelait pas encore La Californie…Là il crée en quelques années le plus grand domaine américain, un domaine à la dimension d’un État.
Il recrute des canaques, des esclaves….Suter est un homme de démesure, n’hésitant pas à atteler 60 couples de bœufs blancs pour transporter la chaudière et la machinerie du premier moulin à vapeur construit aux Etats-Unis… Il embauche à tour de bras pour développer son domaine. Ses ouvriers font venir leur famille et s’installent dans des maisons qu’ils construisent sur les terres de Suter.
Tout lui réussit, il est devenu en quelques années un homme riche et célèbre !
Marshall, l’un de ses ouvriers trouve un caillou brillant en creusant les fondations de la scierie de Sutter… »De l’Or ! J’ai trouvé de l’or ! »
Début de la fin…ses ouvriers abandonnent leur travail et creusent son domaine, chacun a son trou…les pauvres affluent, s’installent sur ses terres, sans autorisation. Seul face à cette foule, il est impuissant et ne peut lutter. Il n’a plus personne à ses côtés. Tous l’ont quitté.
« Si j’avais pu suivre mes plans jusqu’au bout, j’aurais été en très peu de temps l’homme le plus riche du monde : la découverte de l’or m’a ruiné. »
Long et couteux combat juridique d’un homme bien seul pour faire reconnaître ses droits, pour retrouver ses biens perdus.En quelques heures de lecture, on découvre cette Californie et sans morale, seule comptant l’OR….cet ruée vers l’Or tant décrite par les films qui nous ont fait rêver, ou nous ont ému.
Un rêve américain pour les uns…qui sera le cauchemar d’un homme …..et le plaisir du lecteur.
Éditeur : Denoël – Folio – 1980 – Parution initiale : 1925 – 167 pages
Lien vers la présentation de Blaise Cendrars
Quelques lignes
-
« La Californie n’attire encore l’attention ni de l’Europe ni des États-Unis. C’est un pays d’une richesse incroyable. La république de Mexico s’est approprié les trésors accumulés durant des siècles dans les Missions. Il y a des terres, des prairies, des troupeaux innombrables qui sont à la merci d’un coup de main. » (P. 37)
- « Sur la rive et dans les marais, suivent trente wagons chargés de vivres, de semences, de munitions, une cinquantaine de chevaux, 75 mulets, 5 taureaux, 200 vaches, 5 troupeaux de moutons. L’arrière-garde, à cheval ou en canoë, le rifle en bandoulière, le chapeau de cuir sur l’oreille, est en serre-file et pousse tout le monde dans les mauvais pas. » (P. 61)
- « Mes moulins étaient arrêtés. On me vola jusqu’à la pierre des meules. Mes tanneries étaient désertes. De grandes quantités de cuir en préparation moisissaient dans les cuves. Les peaux brutes se décomposaient. Mes Indiens et mes Canaques se sauvèrent avec leurs enfants. Ils ramassaient tous de l’or qu’ils échangeaient contre de l’eau-de-vie. Mes bergers abandonnèrent les troupeaux, mes planteurs, les plantations, les ouvriers, leur ouvrage. Mes blés pourrissaient sur pied ; personne pour faire la cueillette dans mes vergers ; dans mes étables, mes plus belles vaches laitières beuglaient à la mort. Jusqu’à ma fidèle brigade qui s’enfuit. . » (P. 89-90)
-
« L’Or l’a ruiné.Il ne comprend pas.L’or, tout cet or extrait depuis quatre ans et tout l’or qu’on extraira encore lui appartient. On l’a volé. Il cherche d’en estimer mentalement la valeur, de formuler un chiffre. 100 millions de dollars, un milliard » (P. 120)
- Johann August Suter revendique avant tout la propriété exclusive des terrains sur lesquels sont édifiées des villes comme San Francisco, Sacramento, Fairfield et Riovista. Il a fait estimer ces terrains par une commission d’experts et réclame 200 millions de dollars. Il poursuit 17 221 particuliers qui se sont installés dans ses plantations, les somme de vider les lieux et demande des dommages et intérêts. Il réclame 25 millions de dollars au gouvernement de l’État de Californie…. » (P. 129)
On en a fait un feuilleton diffusé de mars à mai 1969, sur la première chaîne de l’ORTF, il était intitulé « Fortune »;