« L’Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage » – Haruki Murakami

Que serait l’amitié sans les ruptures amicales? Sans la douleur de ces ruptures ?

Tsukuru Tazaki est étudiant. Il a quatre amis avec lesquels il s’entend bien, quatre amis qui ont chacun une couleur dans leur prénom . Ils s’appellent Pin Rouge, Mer Bleue, Racine Blanche, Champ Noir…prénoms japonais faisant référence à la poésie, plutôt qu’à des saints!

Autre culture!

Son nom, quant à lui ne représente aucune couleur.

Avec ses amis ils forment, malgré tout, un groupe d’étudiants inséparables…Un jour « pendant qu’il n’était pas là, quelque chose était arrivé ici, qui poussait les autres à garder leurs distances avec lui. »

Le groupe d’amis a éclaté, ou plutôt, ses amis se sont éloignés de lui, n’ont plus souhaité le voir. Ils ont continué à se rencontrer, à se retrouver..mais sans jamais l’associer à leurs retrouvailles. Pourquoi? Était-ce parce qu’il était celui qui avait le plus d’argent ?

Tsukuru est miné par ce manque, par ce rejet. Qu’a t-il fait pour mériter une telle attitude de leur part ? Il est parfois hanté par des idées noires, et envisage même de se supprimer.

Alors que ses amis se passionnaient pour le sport, les animaux, la lecture….maniaient l’humour, et recherchaient les plaisirs variés qu’offrent la vie, lui se passionnait pour les gares….plus qu’une passion de jeunesse, c’est devenu une obsession… il y passe son temps, aime les étudier, envisage des possibilités pour fluidifier leurs trafics de trains et de voyageurs…et ceci depuis ses années d’études.

Un loisir pas banal, vous en conviendrez! Un loisir dont il a, depuis, fait son métier. Un métier qui lui apporte une aisance matérielle, mais ses pensées sont toujours hantées par ce pourquoi !

 « Pourquoi m’ont-ils rejeté? Pourquoi m’ont-ils dit qu’ils ne souhaitaient plus me voir? »

Ses proches supportent difficilement ses états d’âme, ses absences..Sara son amie, lui suggère de vider l’abcès, de partir à la rencontre de chacun de ses amis Alors Tsukuru va alors parcourir le Japon et le monde pour les retrouver, avoir avec chacun et chacune d’eux une discussion pour tenter de comprendre afin de se débarrasser de cette obsession qui le taraude depuis plus de 16 ans !

Quatre rencontres..Ils ont tous et toutes fait leur vie, des vies bien différentes…quatre rencontres pour guérir le mal par le mal, pour accepter peut-être d’avoir mal, afin de guérir un état d’âme permanent. 

Ce livre était abandonné dans une boite à livres, quelques jours avant ce confinement qui ferma bibliothèques et librairies..Abandonné ou plutôt laissé au bonheur d’un autre lecteur. Ce fut le mien.

Combien sont ceux qui passeront leur vie ou une partie de celle-ci, plus ou mois minés par un rejet remontant à l’enfance, ou hantés par un surnom qui leur collera à la peau ou par une moquerie, et n’osant pas affronter la réponse?

Murakami excelle dans cet exercice d’écriture dans lequel chacun pourra se reconnaître ici ou là.

Les trains avancent….certains déraillent.

Son texte qui se lit avec plaisir, nous fait voyager dans le monde et dans le temps…

Voyages dans le monde et dans le temps, que nous n’osons pas tous affronter…je n’en dirai pas plus !  Quant au livre, il va poursuivre son voyage vers d’autres lecteurs …

Il le mérite.  

Éditions De Noyelles – Traduction : Hélène Morita – 2014 – 366 pages


Lien vers la présentation de Haruki Murakami


Quelques lignes

  • « La jalousie, du moins telle que Tsukuru l’avait conçue dans son rêve, est la prison la plus désespérée du monde. Parce que c’est une geôle dans laquelle le prisonnier s’enferme lui-même. Personne ne le force à y entrer. Il y pénètre de son plein gré, verrouille la porte de l’intérieur puis jette la clé de l’autre côté de la grille. » (P. 55)
  • « Il est sûr et certain qu’il y a chez moi, fondamentalement, quelque chose qui désappointe les autres. Tsukuru Tazaki manque de couleur, répétait-il à haute voix. Au fond, je ne possède rien en moi que je pourrais offrir aux autres. Ou pire encore : je n’ai rien à m’offrir à moi-même. » (P. 133)
  • « Nous vivons dans une époque d’indifférence totale et, pourtant, nous sommes cernés par une énorme quantité d’informations, très faciles à obtenir, sur tout un chacun. Et en réalité nous ne savons presque rien sur les autres. » (P. 147)
  • « Sans gare, les trains ne s’arrêtent pas. Il n’y a pas de retrouvailles entre êtres chers. Et si tu découvres que tu t’es trompé quelque part, il est toujours temps de rectifier. Mais, d’abord, construis ta gare. Une gare spéciale à l’intention de Sara. Une gare où les trains, spontanément, auront envie de s’arrêter, même s’ils n’ont rien à y faire. Imagine une gare de ce genre dans ta tête, et après, ajoutes-y des formes et des couleurs. Et enfin, avec un clou, tu graveras ton nom sur les fondations, tu y insuffleras de la vie. Tu as assez de force pour cela. Tu le sais, non ? Toi qui as réussi à nager, tout seul, la nuit, dans l’océan glacé. » (P. 324)
  • « Le talent est comme un récipient. Tu auras beau faire tous les efforts du monde, sa taille ne changera jamais. Et tu ne pourras pas y faire entrer plus d’eau que la quantité qu’il peut contenir. » (P. 200-1)
  • « Sans gare, les trains ne s’arrêtent pas. Il n’y a pas de retrouvailles entre êtres chers. Et si tu découvres que tu t’es trompé quelque part, il est toujours temps de rectifier. Mais, d’abord, construis ta gare. Une gare spéciale à l’intention de Sara. Une gare où les trains, spontanément, auront envie de s’arrêter, même s’ils n’ont rien à y faire. Imagine une gare de ce genre dans ta tête, et après, ajoutes-y des formes et des couleurs. Et enfin, avec un clou, tu graveras ton nom sur les fondations, tu y insuffleras de la vie. Tu as assez de force pour cela. Tu le sais, non ? Toi qui as réussi à nager, tout seul, la nuit, dans l’océan glacé. » (P. 324)

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