« De sang et d’encre » – Rachel Kadish

« Une seule page écrite, reposant sur le lit tremblant de sa paume. L’écriture légère et harmonieuse…. »

AAron et sa collègue le professeur Helen Watts ont dans les mains des parchemins anciens qui viennent d’être découverts dans une maison londonienne cossue vieille de plusieurs siècles en cours de rénovation…certains partent même en poussière quand on les manipule.

Ils sont écrits en hébreu ou en arabe…

Ils ont entre les mains, sans doute un trésor rare, qui les interroge…un trésor écrit par Aleph. 

Troublants documents qui mentionnent le nom de Dieu, et qui auraient dû, de ce fait, être enterrés et non conserves cachés sous un escalier….parce qu’ils portent le nom de Dieu.Troublant pavé qui fait voyager le lecteur des années 1660 aux années 2000…

Qui est Aleph ? Rapidement ils découvrent que c’est une femme…une femme écrivant pour parler de Dieu! Mais comment donc une femme, juive de surcroît, a t’elle pu écrire ces pages sur Dieu?…Quand on sait la place réservée aux femmes dans cette religion au XVII°siècle on ne peut qu’être avide de comprendre.

Roman pas facile, s’appuyant sur un important travail de documentation de la part de l’auteure et d’étude historique des traditions de la religion juive. Les amateurs d’histoire seront conquis.

Je le fus, ainsi que ceux qui décernèrent des prix littéraires à cet ouvrage…prix littéraires décernés surtout par des organisations juives. Conquis mais aussi parfois lassé…

Roman pas facile car après nous avoir présenté le travail de nos Sherlock Holmes érudits, analysant leurs parchemins, l’auteure nous fait remonter le temps et nous fait vivre la vie d’Aleph, qui en fait était Ester, femme scripte portant sur le papier les pensées d’un rabbin aveugle.

Pages qui nous permettent d’approcher d’une part les traditions juives, d’autre part la vie de ces juifs fuyant l’Inquisition portugaise et espagnole en se réfugiant à Londres.

Chapitres décrivant le travail d’Ester, ses relations avec Shakespeare, ses correspondance avec Spinoza. Spinoza dont le seul nom mentionné, dont la seule signature donnent une grande valeur historique et financière à ces parchemins. 

L’auteure alterne les chapitres évoquant la compétition entre deux équipes universitaires, l’analyse de textes anciens, les amours plus ou moins légitimes émaillant la vie de nos chercheurs d’une part et l’austérité, la condition des femmes au XVII° siècle, les traditions juives, l’Inquisition, la peste décimant la population londonienne d’autre part….

Roman sur la rencontre de femmes érudites sans aucun doute, également évoquant le rôle de ces femmes érudites et instruites au fil du temps….secrétaire juive d’un rabbin parlant librement de religion avec le rabbin et sous des noms d’emprunt échangeant par courrier avec Spinoza, roman d’une chercheuse universitaire anglaise, en compétition avec une équipe masculine, et auteure diplômée de grandes universités américaines…toutes trois nous prouvant, si besoin était, que les femmes ont souvent eu un rôle important depuis le XVII° siècle jusqu’à nos jours.  

Séduisant dans le principe, mais d’une lecture assez lourde parfois, du fait d’une part d’une écriture fouillée, et parfois complexe et d’autre part d’un pointillisme trop lourd et trop présent de l’auteure.

La critique pourrait être facile, mais il faut reconnaître la somme importante de travail fourni par Rachel Kadish, pour nous offrir un livre exigeant qu’il est impossible de lire sans être posé, au calme.

Merci à Babelio et à Masse critique de m’avoir offert cette découverte.

Éditeur : Cherche Midi – Traduction par Claude et Jean Demanuelli – 2020 – 564 pages


Lien vers la présentation de Rachel Kadish


Quelques lignes

  • « Reliures dans un parchemin aux grosses inscriptions de niveau avec des cahiers simplement cousus. Ici et là, fragments de cachets effrités d’un rouge et d’un brun passés. Avait-il jamais rêvé d’une pareille vision ? Oui, il l’aurait juré. C’était comme si quelqu’un lui envoyait un message par delà les siècles : Voila ce que j’ai laissé pour vous » (P. 45)
  • « Pour les juifs du temps de l’Inquisition, qu’une personne et une seule soit au fait de votre identité juive pouvait se révéler fatal. Que quelqu’un soupçonne votre judéité dans votre manière de vous habiller, votre posture, une expression particulière sur votre visage à la mention d’un nom ou d’un autre, et, même si on ne pouvait rien faire contre vous en Angleterre, en dehors peut-être de vous expulser du pays, des parents à vous resté en Espagne ou au Portugal risquaient eux d’être arrêtés et de mourir dans d’affreuses agonies. » (P. 67)
  • « Ne faites jamais connaître votre vérité car c’est par elle que votre cou sera étranglé et en son nom que vous serez envoyés au bûcher. » (P. 143)
  • « Pour un juif, laisser entrevoir sa foi au mauvais moment, même si celle-ci ne porte atteinte à personne, c’est s’attirer des foudres inusitées. C’est une discussion que j’ai tenté d’engager avec mon père sur le plan légal, car il me semble que les châtiments encourus pour dissimulation de la vérité ne devraient pas s’appliquer à ceux dont la nature même les met en danger s’ils la révèlent. » (P. 361)
  • « La mort prend son temps, tout son temps, puis s’abat d’un coup au moment où on la supplie de nous accorder encore une heure. » (P. 511)

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