
S’est-il inspiré d’Hemingway?
Sidney Orr est un écrivain en mal d’inspiration. Il sort en ville pour la première fois depuis plusieurs semaines, il vient de quitter l’hôpital, où il était soigné. Il n’a pas encore retrouve la forme olympique…il est physiquement amoindri mais également il doit faire face à une dette de 36000 $, à la suite de son hospitalisation.
Il marche dans les rues de Brooklyn pour se remettre en forme et entre dans une librairie….là il tombe en arrêt devant un magnifique carnet bleu fabriqué au Portugal…un carnet qui lui redonne l’envie d’écrire.
Un carnet qui l’inspire !
Son héros sera un écrivain habitant New-York. Un écrivain hanté par la page blanche. Et il commence à écrire, et n’arrête pas.
Quant à nous nous passons alternativement des pensées de Sidney aux aventures de son personnage, de la réalité à l’imagination de Sidney.
Son personnage sera Nick Bowen, un homme âgé de 35 ans. Nick est un directeur littéraire d’une maison d’édition, lassé de son travail, rencontrant de surcroît des problèmes de couple.Il vient de recevoir un livre écrit par Sylvia Maxwell « La nuit de l’oracle. »
Paul Auster nous présente les hantises de la création littéraire, les sources d’inspiration de l’auteur, ses petites manies et superstitions et surtout les corrélations entre l’imagination de l’auteur mise en mots et la réalité que lui, Sidney vit, et l’éventuelle influence des premiers sur le second.
Le petit carnet bleu lui donne des ailes, il sera vite rempli de mots…et il faudra vite en trouver un autre, mais ça c’est une autre histoire.
Quant à Hemingway, qui m’a inspiré pour le début de cette chronique, on disait de lui qu’il notait ses idées, ses remarques sur ces carnets fermés par un élastique, des carnets qui portent dorénavant son nom dans les papeteries…mais parait-il c’est une fiction…une fiction qui a cependant la vie dure, puisque nombreux sont ceux qui demandent ces objets rituels…dont ils ont besoin pour leurs notes ou leur inspiration du quotidien.
Objets inanimés avez-vous donc une âme?
Éditions Actes-Sud – Traduction par Christine Le Bœuf – 2004 – Parution initiale en 2003 – 237 pages
Lien vers la présentation de Paul Auster
Quelques lignes
- « J’étais désormais une valeur endommagée, une masse d’éléments inopérants et d’embrouilles neurologiques, et toute cette frénésie d’acquisition et de dépense ma laissait froid. En guise de récréations, je me remis à fumer et j’occupai mes après-midi, dans des cafés climatisés où je commandais des limonades et des tartines grillées au fromage, à écouter les conversations tout en m’appliquant à lire de bout en bout les articles de trois journaux différents. Le temps passa. » (P. 12)
- « Tout le monde fait des mots, reprit-il. Tout le monde écrit quelque chose. Les enfants à l’école font leurs devoirs dans mes cahiers. Les professeurs notent les élèves dans mes cahiers. Des lettres d’amour partent dans les enveloppes que je vends. Des registres pour les comptables, des blocs pour les listes de courses, des agendas pour organiser la semaine. Tout ici est important dans la vie, et ça me rend heureux, c’est l’honneur de ma vie.. » (P. 16)
- « Le mystère du désir commence lorsqu’on plonge les yeux dans les yeux de la personne aimée, car c’est là seulement que l’on peut entrapercevoir qui elle est » (P.29-30)
- « ……depuis que j’ai acheté ce carnet, tout se déglingue. Je ne pourrais plus dire si c’est moi qui me sers du carnet ou le carnet qui se sert de moi. Tu vois ce que je veux dire » (P. 166 -7)
Paul Auster est un citadin de la plume. Un écrivain de la ville, de la méga-ville, New-York, en l’occurrence. La ville l’inspire tout en le terrifiant, en l’angoissant et en le rendant malade jusqu’à l’épuisement. Jusqu’à l’extinction. Perte totale de son soi dans les méandres du gigantisme urbain de cette Babylone moderne, New York, dans laquelle il vit tel un automate éperdu.
Seule, sa plume, le sauve, lui permettant d’écrire et donc de continuer à vivre.