« Le tournant : Histoire d’une vie » – Klaus Mann

« L’unique période absolument heureuse de notre vie est celle que nous traversons en dormant. Il n’y a pas de bonheur là où existe le souvenir. Se souvenir signifie regretter le passé. Et notre nostalgie s’éveille avec notre conscience » (P.31)

Et quand on est lecteur, on trouve le bonheur à lire des pages qui nous transportent dans le temps, qui nous font voyager dans le monde, des pages qui nous donnent d’autres regards sur l’Histoire ou qui nous permettent de connaître une foule de personnages historiques que Klaus Mann rencontra pour quelques heures ou plusieurs années, parmi lesquels Cocteau, Picasso, André Gide, Chagall, Giraudoux, Julien Green, Dali, Breton, Richard Strauss…et Hitler qu’il croisa par hasard dans un café. 

« Le Tournant: Histoire d’une vie » fait partie de ces livres, qu’on a un peu peur d’approcher, du fait de leur nombre de pages, de ces livres qui seront donc nos compagnons pour plusieurs jours voire plusieurs semaines, et qui une fois qu’on les termine, laissent un vide.

Klaus Mann eut deux éducateurs, deux autres écrivains qui ont eu « depuis toujours, une influence incommensurable, mon père et Heinrich Mann, deux artistes, donc, auxquels je suis lié par affinités d’une nature très particulière et profonde ».

Il commença à écrire à quatorze ans, à une époque ou les autres gamins préfèrent le foot ou le vélo, voire les filles…

Il n’était pas attiré par celles-ci, il ne s’en cache pas, et n’avait aucune affinité avec le régime nazi, dont il vécu les prémices. Il quitte  l’Allemagne en mars 1933 et n’y reviendra qu’en 1945 portant l’uniforme américain.

Entre temps il fut correspondant de guerre en Espagne, et  parcourut le monde, rencontra d’autres auteurs, des personnages politiques dont il nous fait partager les rencontres, et fonda également des revues antifascistes. 

Berthold Brecht le présentera comme « Un être hypersensible, mal dans sa peau, incapable de croire réellement à la valeur de son œuvre, en quête perpétuelle de son identité. » 

Cocteau quant à lui le présentait  comme  « un jeune homme qui habite mal sur la terre et qui parle sans niaiserie le dialecte du cœur »...une sensibilité à notre monde qu’on retrouve dans chacune des pages.

Son livre témoignage à la fois sur la vie intellectuelle et littéraire de l’Allemagne et du monde des années 20 à 40, et sur les conditions des Allemands exilés fuyant le régime nazi, est d’un grand intérêt. Ce journal est aussi celui d’un homme, de ses rencontres, de ses engagements, de ses états d’âme.

Un homme qui sans doute n’y trouvait pas sa place, puisqu’il choisira de le quitter.

« Le tournant : Histoire d’une vie » m’a aussi donné envie de découvrir deux autres écrivains de la famille Mann, Thomas, qu’il appelle « Le Magicien », père de Klaus et Heidrich, son oncle…. deux écrivains dont je parlerai sans doute prochainement.

Éditeur : Points – Traduction par Nicole Roche – 1984 – Parution initiale en 1952 – 675 pages


Lien vers la présentation de Klaus Mann


Quelques lignes

  • « L’unique période absolument heureuse de notre vie est celle que nous traversons en dormant. Il n’y a pas de bonheur là où existe le souvenir. Se souvenir signifie regretter le passé. Et notre nostalgie s’éveille avec notre conscience » (P. 31)
  • « Tels furent mes éducateurs ! Une société fort variée, comme on le voit, au sein de laquelle, d’ailleurs, deux autres personnages exerçaient sur moi; depuis toujours, une influence incommensurable, mon père et Heinrich Mann, deux artistes, donc, auxquels je suis lié par affinités d’une nature très particulière et profonde. » (P. 157)
  • « La colossale orgie de haine est terminée! Jouissons des distractions douteuses de ce qu’on appelle la paix ! Après les débordements sanglants de la guerre, venait la farce macabre de l’inflation. » (P. 166)
  • « Bonne chance, mon fils, dit mon père, mi-enjoué, mi-solennel. Et reviens à la maison quand tu sera malheureux. » (P. 235)
  • « Sans Versailles, point d’Hitler. » (P. 392)
  • « Ici, je préfère parler de l’amitié – ensemble de sentiments et d’expériences qui, pour ce que j’en sais personnellement, n’a de rapport que très rarement avec le domaine de l’Eros, et moins encore avec celui de la sexualité; bien sûr, il y a des cas limites, des passages d’une sphère à l’autre : le désir peut porter en lui le germe de l’amitié, la camaraderie peut se changer en tendresse,; mais en général, il me paraît sage de distinguer nettement l’Eros de la sympathie, l’attirance d’ordre émotionnel et sexuel des affinités intellectuelles et morales. L’amour est presque toujours à sens unique; il n’existe pas d’amitié sans inclinaison réciproque. » (P. 409)
  • « Le monde entier sera ma patrie : à condition qu’il y ait encore un monde après cette guerre. » (P. 577)
  • « Dans un monde de paix assurée et de collaboration internationale, on aura besoin de nous; dans un monde de chauvinisme, de bêtise et de violence, nous n’aurions aucune place, aucun rôle. Si je croyais inévitable la venue d’un monde pareil, je suivrais dès aujourd’hui l’exemple de Stefan Zweig, humaniste découragé. » (P. 577) 

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