
« Avec l’avion, nous avons appris la ligne droite »
…disait Saint-Exupéry…mais aujourd’hui vous venez d’entrer dans un maelström qui vous bousculera, vous déroutera certainement.
Hervé Le Tellier n’est pas un adepte de la ligne droite.
Cette ligne droite entre Paris et New-York passe ce 10 mars 2021 par un nuage bien étrange qui bouscule le Boeing et cause de nombreux dégâts à cet appareil…. Le pilote n’a jamais vu ça en 20 ans de longs courriers.
À l’arrivée, les autorités américaines le déroutent vers un aéroport militaire.
Là des hommes armés entourent l’avion, et les passagers sont mis au secret dans un hangar. Ils ne savent rien, on ne leur dit rien. Leurs appareils électroniques et téléphones ont été confisqués. Les quelques heures de voyage et cet isolement forcé dans ce hangar nous permettent de mieux connaître quelques uns de de ces 243 passagers tous différents les uns des autres.
Bis repetita quelques mois plus tard, en juin 2021…même causes, même effets…que doit affronter le même avion, qui transporte les mêmes 243 passagers, qui eux aussi seront mis au secret…
Étrange !
Le trouble s’installe dans la tête du lecteur…mais où nous mène donc Hervé Le Tellier ?
Trouble grandissant quand Hervé Le Tellier permet à chaque passager du voyage de mars rencontrer son double, vieilli de trois mois, deux personnages qui, vérifications faites, ont le même ADN….
Vous aussi vous venez d’entrer dans un tourbillon, vous risquez d’être tourné et retourné par le récit !
Hervé Le Tellier va alors vous balader dans le monde de quelques passagers, vous permettre de suivre les vies de chacun à trois mois d’écart. Les doubles vont se rencontrer, vont croiser leurs vies et leurs expériences….toutes différentes.
Dérangeant !
Chaque personnage est unique et comparable à nul autre passager. L’un est plus vieux que son autre, il a connu d’autres expériences au cours de ces trois mois..Ces rencontres en miroir ne peuvent que dérouter le lecteur.
Et parmi eux un auteur qui veut écrire un livre…« L’anomalie » !
Une fois qu’on achève cette lecture, ce livre unique e complexe, que, personnellement, je n’ai pu comparer à nul autre, qu’on a été tourné et retourné, lessivé par l’auteur…on se dit « je suis certainement passé à côté de certains aspects », et on n’envisage qu’une seule issue …le relire…
« N’allez pas là où le chemin vous mène. Allez là où il n’y a pas encore de chemin et laissez une nouvelle trace. » écrira Hervé Le Tellier.
Alors sortez des traces et cherchez également un autre chemin avec cette lecture…
Éditions Gallimard -2020 – 327 pages
Lien vers la présentation d’Hervé LE TELLIER
Quelques lignes
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« ….elle reconnaît cette posture spontanée qui autorise une riche dame blanche aux cheveux bien mis à offrir à son chauffeur noir le plus radieux des sourires, un sourire d’affection écrasant où se déchiffre son impérieuse certitude de l’infériorité naturelle de ce petit-fils d’esclave, ce sourire empoisonné qui n’a pas bougé d’un pouce depuis Autant en emporte le vent et que toute son enfance Joanna a vu se dessiner sur les visages poudrés des clientes blanches de sa mère couturière. » (P. 71)
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« …si l’argent n’était pas autant surestimé, on lui accorderait moins de valeur… » (P. 72)
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« Il y a toujours eu deux Amériques, et désormais elles ne se comprennent plus. Comme je me reconnais plutôt dans l’une d’elles, moi non plus, je ne comprends pas l’autre. » (P. 279)
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« Toujours se méfier des gens qui nous demandent de nous méfier ,….. »(P. 298)
Oui une vraie expérience de lecture ! Ravie que le Goncourt l’ai récompensé 😉
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