
« La terre nous en apprend plus long sur nous que les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. »
Une première phrase qui à elle seule résume le livre, et présente l’auteur…un homme qui résiste, qui se bat….contre les éléments, contre les aléas de la vie, contre l’ennemi.
Seul dans sa carlingue il survole les déserts, se guidant sur les étoiles… comme tous les pilotes il vole en aveugle. Pas de GPS, pas de radio. De là-haut, avec sa solitude comme compagnon, il surveille les bruits de son moteur, pense à sa mission, et surtout appréhende la panne… celle qui le fera atterrir au milieu de rien, dans le sable, avec juste un bidon d’eau, sans moyen de prévenir les camarades.
Des camarades qui envisageront toutes les hypothèses, la panne, le vent de sable, l’ennemi, l’endormissement…il y a tant de raisons de chuter; de se perdre !Sans radio, il a tout le temps de penser à ces camarades, ceux qui ont disparu, qu’on a cherchés et retrouvés les pieds gelés…et ceux qui ont disparu à tout jamais.
Aujourd’hui il survole les déserts, il y a quelques temps il était en Amérique du Sud..voyant de haut la Terre de Feu. Quels que soient les lieux, la vie du pilote et ses contraintes restent les mêmes : se battre, résister, ne pas perdre l’espoir..Tant qu’il y a de la vie….
Tout se passe bien d’habitude, mais un petit rien peut changer le déroulement de la mission….un vent de sable qui fait perdre les repères, qui fait dériver l’appareil…une panne de moteur et l’atterrissage forcé de nuit..Et au sol les copains attendent, une heure, deux heures, un jour, et partent eux aussi à l’aveugle à sa recherche..ils supposent tout, cherchent une trace dans le sable….cherchent là alors qu’il a dérivé bien loin.
Et puis, il y a les Touareg, parfois hostiles…
Et un jour on chute ! le copilote gardera l’avion et lui, le pilote, avancera avec quelques litres d’eau sous le soleil, un jour, deux jours, en espérant trouver un chamelier qui vous fera enfin boire….boire, après près de 200 km dans la chaleur du désert….depuis qu’il marchait, marchait!…et ce touareg hostile d’habitude, oubliera cette hostilité pour être un Homme en aidant un autre à vivre!
La mission…un mot qui donne un sens à sa vie, un mot qui le guide dans ses actes….transporter du courrier, combattre l’ennemi…
On a tout le temps de penser là-haut à ceux qui ont disparu, Mermoz, Guillaumet, et d’autres…
Alors oui ! il y a la lecture du livre d’aventures, les grands espaces, l’avion, les copains, le dépaysement…et puis il y a la lecture qui vous envoie une claque, vous montre la nécessité d’affronter les épreuves que la vie nous impose, en homme responsable et solidaire, en combattant, en luttant contre la tentation de baisser les bras.
Une belle leçon, une redécouverte d’un auteur lu, il a bien longtemps…un auteur que je vais redécouvrir …avec le recul de quelques dizaines d’années de plus!
Oui ! ce fut cette dernière lecture, due sans doute aux cheveux blancs, qui m’incite à redécouvrir l’auteur : « La vérité pour l’homme, c’est ce qui fait de lui un homme. »
Éditeur : Gallimard-Folio – 2009 – Parution initiale en 1939 – 182 pages
Lien vers la présentation d’Antoine de Saint Exupéry
Quelques lignes
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« « Au lieu de s’amuser à des bêtises ils feraient mieux de nous ramener quelque part… » « Ils » résumait pour lui tous les peuples du globe, avec leurs parlements, sénats, leurs marines, leurs armées et leurs empereurs.. » (P. 27)
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« En travaillant pour les seuls biens matériels, nous bâtissons nous-mêmes notre prison. Nous nous enfermons solitaires, avec notre monnaie de cendre qui procure rien qui vaille de vivre. » (P. 35)
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« « Ce qui sauve, c’est de faire un pas. Encore un pas. C’est toujours le même pas que l’on recommence… » » (P. 46)
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« Seul l’inconnu épouvante les hommes. Mais si on l’affronte, il n’est déjà plus l’inconnu. » (P. 47)
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« Être homme, c’est précisément être responsable. » (P. 47)
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« Et j’admire ce Maure qui ne défend pas sa liberté, car dans le désert on est toujours libre, qui ne défend pas de trésors visibles, car le désert est nu, mais qui défend un royaume secret.. » (P. 93)
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« J’ai un extrême besoin de considérer que tout est simple. Il est simple de naître. Et simple de grandir. Et simple de mourir de soif » (P. 131)
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« Pourquoi nous haïr ? Nous sommes solidaires, emportés par la même planète, équipage d’un même navire. Et s’il est bon que des civilisations s’opposent pour favoriser des synthèses nouvelles, il est monstrueux qu’elles s’entredévorent. Puisqu’il suffit, pour nous délivrer, de nous aider à prendre conscience d’un but qui nous relie les uns aux autres, autant le chercher là où il nous unit tous. » (P. 175)
Oui, je l’ai lu il y a longtemps et j’avais beaucoup aimé, et le regret m’a habité longtemps en lisant le Petit Prince qu’un tel homme ait disparu si tôt. Il avait tant à apporter.