
« Jamais elle ne sortirait du grenier. Son seul moyen d’observer le monde, ce serait à travers les livres. »
Nous sommes en 1931, dans l’élevage de chevaux de Blackwood Manor….Lily, la gamine de 9 ans passe son temps à lire et à jouer seule. Enfermée à double tour dans sa chambre, elle ne voit sa mère que lorsqu’elle lui porte ses repas. Mais qu’a-t-elle donc fait ? Pourquoi une telle méchanceté qui lui interdit même d’allumer une lampe la nuit pour lire…Est-ce parce qu’elle est un monstre, comme sa mère lui l’a toujours dit ?
Mais aujourd’hui c’est fête…elle va sortir, quitter cette chambre qu’elle n’a jamais, au grand jamais quittée. Depuis sa fenêtre elle a aperçu le chapiteau d’un cirque….
Maman lui demande de s’habiller pour son anniversaire. Elle veut l’emmener au cirque. Papa a payé une représentation exceptionnelle pour elle. Lily est heureuse et à la fois déçue…Elle aurait préféré s’y rendre avec son père. En quittant sa chambre, elle découvre tout d’abord la maison, ses nombreuses pièces jamais vues, puis le monde du dehors, un monde qu’elle n’a jamais fréquenté non plus!
Elle qui n’a jamais senti l’herbe lui chatouiller les orteils en marchant pieds nus,…ne connaît pas l’odeur de la terre, ni la sensation de la brise sur la peau…..pourquoi?
1956, 25 ans sont passés. Julia quitte l’élevage de Blackwood Manor et se rend en ville pour faire des courses. Elle vole quelques articles dans un magasin et prétextant des coupures d’eau dans son logement, demande à pouvoir accéder aux toilettes pour se laver.
Elle aussi, a du faire avec des interdits, des prières obligatoires. A 12 ans, on lui a expliqué que son père alcoolique est mort dans un accident de voiture.
Dans le restaurant où elle travaille, un détective lui donne une enveloppe de la part de l’avocat de ses parents…sa mère vient de la retrouver..et lui transmets un message.
Je ne vais pas en dire plus…..vous venez d’entrer en quelques pages dans un livre troublant, et surtout révoltant…un de ces livres dans lequel l’auteur vous ballade d’une époque à l’autre en alternant les vies de Lily et de Julia…un seul point commun entre elle : Blackwood Manor. Y en a-t-il d’autres?
Vous tournez les pages, vous êtes intrigué(e) et parfois révolté(e)..Pourquoi ?
Vous échafaudez mille hypothèses, pour trouver des liens entre ces deux jeunes filles…vous vivez deux vies qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre, qui ne sont pas contemporaines. Vous allez être indigné(e), vous allez vivre des passions, ne rien comprendre parfois, vivre la vie d’un cirque et de ses artistes…un de ces grands cirques américains qui voyagent en train de ville en ville…et vivre des rencontres qui vous laisseront sur votre faim, aimer des personnages et surtout Lilly
Mais où veut donc nous amener Ellen Marie Wiseman, dans un livre de rencontres amoureuses, dans une lecture révoltante sur la différence, le handicap, dans une lecture sordide d’une famille mentalement détraquée, dans un roman sur la vie d’un cirque, les relations entre artistes, entre artistes et animaux? Ce serait trop simple !
J’ai tourné les pages et avancé, certes les deux histoires, les deux destins sont très bien décrits, même si parfois j’ai frôlé l’ennui…je cherchais à comprendre, et Paf ! une claque…une surprise, non des surprises….
J’ai dû relire les derniers chapitres…imprévisibles!
Merci à Masse critique qui m’a proposé ce voyage dans les coulisses de ce grand cirque, dans ce monde de la différence, dans ce monde de mères salopes et de pères taiseux et lâches, dans ces histoires d’amour pour un homme ou pour des chevaux…ou des éléphants…
Sans lesquels il n’y aurait pas de roman.
Un grand merci pour ce voyage…ce livre va lui aussi voyager, il est parti entre les mains d’une amie…qui m’a dit : est-ce que je pourrai le prêter quand je l’aurai fini ?
Oui bien sur!
J’espère qu’il me reviendra…
L’histoire nous rappelle qu’on revient toujours à ses racines !
Éditeur : Faubourg Marigny – 2021 – Parution initiale en 2017 – 527 pages
Lien vers la présentation de Ellen Marie Wiseman
Quelques lignes
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« D’après Maman, la sainte Bible et le crucifix sur le mur au-dessus de son lit étaient tout ce dont elle avait besoin pour être heureuse dans la vie. » (P. 17)
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« Maman disait que les barreaux à la fenêtre de sa chambre étaient aussi là pour son bien, et Merrick disait que si elle se sauvait, quelqu’un lui ferait du mal à cause de la couleur de sa peau, alors que ce n’était pourtant pas sa faute si elle était comme ça. Elle avait davantage en commun avec les animaux du cirque qu’avec les gens, apparemment. Pas étonnant qu’elle ressente leur douleur. » (P. 214)
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« Nous avons enterré notre première née. Puisse-t-elle reposer en paix. Que Dieu fasse monter son âme au paradis. Et puisse-t-Il nous venir en aide après ce que nous avons fait.[…]Je ne parviens pas à l’écrire avec des mots. C’est trop difficile. La seule chose à faire à présent, c’est demander à Dieu de ma pardonner.[..] Un jour je raconterai la vérité. Mais pas maintenant. Pas aujourd’hui. C’est trop frais, trop tôt, trop douloureux. » (P. 255-6)
ça à l’air rudement bien je vais le lire