
« Nous plongeons dans l’océan comme nos mères et nos grands-mères et nos arrière-grands-mères l’ont fait avant nous depuis des centaines d’années. »
En 1910, le Japon annexa la Corée, ses richesses, et ses gamines. C’est le début des répressions contre les traditions et la culture coréennes.
Hana est l’une de ces gamines, plongeuse, en eau profonde comme l’était sa mère. Elle appartient à cette communauté « hanenyeo » , dans laquelle les femmes font vivre leur famille en pêchant en apnée poulpes, coquillages ou abalones et ainsi subvenir aux besoins de leur famille sans jamais dépendre des hommes….
Dès leur plus jeune âge on lui a appris, comme aux autres gamines à se méfier des soldats japonais. Elle sort de l’eau et voit l’un de ces soldats d’approcher d’Emi, sa petite sœur. Rapidement elle atteint le rivage et se faire enlever à sa place.
Hana est emmenée vers un camion par deux soldats.
Elle est violée, plusieurs fois, comme d’autres gamines. Certaines, trop petites, mourront à la suite des hémorragies consécutives à ces viols.
Hana va quitter sa Corée natale et être emmenée en Manchourie, où elle deviendra « femme de réconfort » fille à soldats. Six heures par jour elle doit les satisfaire, à la chaine, et suivre les mouvements de ces troupes afin d’être toujours à la disposition de ces soldats pour les satisfaire.
Cette fiction, s’appuyant sur des témoignages recueillis par l’auteure auprès de quelques survivantes a le mérite de mettre en lumière des faits méconnus, bien peu dignes pour le Japon. Le roman fait alterner les récits de Hana et de Emi qui manifeste contre l’attitude et la politique du Japon, et donne ainsi la parole à ces presque 200 000 « femmes de réconfort » qui ont été déportées en Mandchourie.
Ce roman historique est poignant et dérangeant . Difficile aussi.
On ne compte plus le nombre de livres qui mettent en lumière ou romancent les évènements petits ou grands, les atrocités commises durant la Deuxième Guerre mondiale.
Celui-ci est différent car il se centre sur la Corée et la Manchourie, rarement évoquées par d’autres titres, Corée dont toutes les coutumes ancestrales ont peu à peu été effacées à la suite de cette annexion depuis 1910 par le Japon.
« Lorsque le Japon avait déclaré sa guerre au monde en envahissant la Chine, la répression contre les Coréens colonisés s’était encore durcie. L’interdiction de tous les livres d’histoire et de la littérature coréenne avait été renforcée, empêchant purement et simplement l’étude de la culture du pays. » (P. 215)
Éditeur : Robert Laffont Collection Pocket – Traduction par Sarah Tardy – 2019 – Parution initiale en 2018 – 416 pages
Lien vers la présentation de Mary Lynn Bracht
Quelques lignes
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« Les villageois sont épuisés de subir les lourdes taxes, les « dons » à l’armée qui leur sont imposés, de voir les hommes raflés pour être jetés en première ligne sur les champs de bataille ainsi que les enfants pour travailler dans des usines au Japon. » (P. 16)
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« Non seulement les soldats peuvent écraser la tête d’un Coréen sous le talon de leur botte, mais si la famille demande ensuite réparation, elle court le risque de voir sa maison brûlée ou de disparaître, purement et simplement, pour ne plus jamais être revue. » (P. 45)
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« Les Manifestations du mercredi ont lieu chaque semaine depuis que la première « femme de réconfort » a parlé, il y a vingt ans. Voilà trois ans qu’Emi s’y rend tous les ans. Ces manifestations ont pour but de réclamer la justice et la reconnaissance par le gouvernement japonais de ce crime de guerre commis sur des milliers de femmes pendant la Seconde Guerre mondiale. » (P. 111)
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« Nous plongeons dans l’océan comme nos mères et nos grands-mères et nos arrière-grands-mères l’ont fait avant nous depuis des centaines d’années. Ce don est notre fierté, car nous ne dépendons de personne, ni de nos pères, ni de nos époux, ni de nos grands frères, ni même des soldats japonais pendant la guerre. Nous attrapons nous-mêmes notre nourriture, nous gagnons nous-mêmes notre argent, nous survivons grâce à ce que la mer nous offre. Nous vivons en harmonie avec la nature ; combien de ces maîtres d’école pourraient en dire autant ? C’est notre argent qui paie leur salaire. Sans les “ouvrières” que nous sommes, ton professeur n’aurait pas de quoi remplir son assiette. » » (P. 121)
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« Tout se passe comme si les hommes se moquaient de la savoir morte ou vive, du moment que son corps est présent pour leur permettre d’assouvir leurs envies. » (P. 162)