« Conrad Kilian, explorateur souverain » – Euloge Boissonnade

J’ai eu entre les mains – merci à ces amis qui se reconnaîtront – un livre défraichi…

…dont les pages jouaient la fille de l’air…un livre tout juste bon à oublier pour ceux qui n’aiment pas l’odeur du vieux papier…oui mais, comment négliger un ouvrage dont la quatrième de couverture vous titille en vous précisant : « La vie de son héros est, en quelque sorte, l’histoire occulte du pétrole, au Sahara et au Fezzan. Il en démêle, au fil des pages, l’écheveau embrouillé ; relate les épisodes dramatiques, pathétiques, d’un Kilian cheminant toujours sur « le fil du rasoir », en un récit dense, coloré, parfois cruel, car le pétrole est un tabou … »

Histoire méconnue, cachée, oubliée..

Euloge Boissonnade fait lui aussi partie de ces auteurs dont on ne parle plus que dans de très rares occasions…et pourtant, il fit partie de l’Académie des Sciences d’outre-mer, inconnue du grand public, toujours en activité et qui a pour devise : « savoir, comprendre, respecter, aimer« …

Comment ne pas être attiré et passionné ?

Conrad Kilian a 17 ans quand une revue de géologie publie un de ses articles. Réformé du service militaire il part dans la Sahara, à la recherche des émeraudes des Garamantes…, il rencontre ces hommes qui nettoient les puits, trouve des pierres et s’interroge sur la nature des sols et prend des notes , beaucoup de notes.

On est en 1922, Conrad a 24 ans…les cailloux ont toujours fait partie des conversations à table et des projets de promenades..Papa est professeur de géologie.

Conrad est passionné par ces immenses étendues de sable, il les traverse dans tous les sens, marchant à coté des méharis fatigués et comme lui assoiffés, les gourdes sont vides depuis longtemps, mais il avance, les méharis également.

Il observe, il prend des notes…et pressent l’existence de pétrole sous ce sable, cette ancienne mer.Un brin mégalo il se qualifie d’« Explorateur souverain »et gêne notamment les militaires.

Condensé d’une vie riche, de rencontres avec des sans-grade, des bédouins, mais aussi avec des puissants…il passionnait et gênait. Et pourtant le Gouvernement Français lui demanda de participer aux négociations avec l’Italie pour déterminer l’emplacement de la frontière dans le Sahara. Il fut même reçu, sur sa demande par Poincaré en juillet 1930.

Mais ce ne fut pas le seul homme politique qui le prit sous son aile et s’intéressa à son travail. Certains états, comme le Canada tentèrent un rapprochement avec la France afin de participer au partage de ce fabuleux gâteau d’or noir …il ne fit pas que des amis..loin de là.

Ce « Bakou français » selon les Russes ne le rendit pas riche, il resta pauvre, perdit même des amis, morts de mort violente..la politique s’en mêla…il fut mis hors jeu.

Un livre de plus de 50 ans, qui se lit comme un polar, passionnant de bout en bout, instructif, fourmillant d’informations historiques sur cet homme, sur cette période, cette histoire.

Un homme oublié, méconnu, mort dans la pauvreté

« Avec vaillants, toujours Kilian » telle était sa devise…..« Une vie ne me suffit pas, je veux avoir un destin »

Éditions France Empire – 1983 – Parution initiale en 1971 – 292 pages


Lien vers la présentation d’Euloge Boissonnade


Quelques lignes

  • « C’est l’heure où les hommes dansent longuement dans le bruit scandé des derboucca, puis le silence infini du Sahara n’est plus troublé que par le bruit des mâchoires des chameaux qui ruminent, étendus sur leurs genoux pliés, pareils au vol posé des grand cygnes noirs, avec leurs cols longs et souples.Dans la pose pleine de majesté, de calme, de pensée et de mystère, leurs têtes aux yeux doux et profonds, dominent leurs corps allongés. Ils évoquent également, tandis qu’ils ruminent longuement et gravement, près du camp endormi, quelques sphynx veillant sur le désert. » (P.38)
  • « Kilian est bien le père du pétrole saharien. »  (P. 190)
  • « …quand il eut exploré des territoires jusqu’alors inviolés, planté le pavillon tricolore sur les Monts Doumergue et sur le Rhât, qu’il eut modifié le tracé de la frontière libyenne dans le sens le plus favorable à la France, il irrita les officiers sahariens et indisposa les diplomates. » (P. 201)
  • « ….j’ai été déçu par l’incapacité étonnante de vos bureaux à comprendre les données de la Géographie, tant physique que humaine et politique, ainsi qu’à les utiliser en diplomatie, pour le bien de l’Afrique française et de ses populations. » (P. 226) (lettre au Ministre des Affaires étrangères le 2 août 1945)
  • « Je puis vous certifier, ayant été longtemps son collaborateur direct qu’il a toujours affirmé la présence de pétrole au Sahara et au Fezzan. ceci bien avant que les pétroliers, avec leurs instruments scientifiques, le détectent; bien avant qu’ils fouillent les sables; avant même qu’ils aient hanté ce désert qui pour Killian, depuis longtemps déjà n’avait plus de secret. » (P. 273)

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