« Messages de mères inconnues » – Xinran

« Les petites filles n’ont jamais eu beaucoup d’avenir dans une société qui n’accorde d’importance qu’aux garçons. »

Avoir une fille n’a jamais été un bonheur pour un couple chinois, bien au contraire…

Depuis toujours, la naissance d’un garçon était une fête, celle d’une fille une calamité, qu’il fallait effacer…un coup de gomme brutal, violent. Ainsi, des gamines ont été abandonnées en ville, sur un banc public, d’autres ont été purement et simplement jetées aux ordures, ou arrangées, lisez « tuées » et à la campagne, certaines ont fini leur courte vie déposées dans le seau de pâtée destiné aux porcs.

D’autres ont été abandonnées dans des orphelinats gérés par les Jésuites, qui trouvaient des solutions pour ces gamines parfois vendues.

Xinran a construit ce livre à partir de 10 témoignages de femmes, de milieux sociaux différents, depuis des étudiantes, femmes d’affaires, et de gamines abandonnées aussi.

Certaines d’entre elles laveront la vaisselle toute leur vie, vivront une vie d’esclaves, d’autres au contraire connaitront le bonheur occidental en étant adoptées, non pardon, achetées par des femmes aisées, américaines ou autres en mal d’enfant.

Une loterie bien dérangeante.

Et si jamais la maman a des remords et cherche sa fille, il lui est souvent impossible de le faire…toutes traces, vêtements ou documents relatifs à la petite fille sont à jamais effacées. Ces gamines chercheront toute leur vie leur « maman de ventre« .

Pourquoi donc cette situation ?

Au delà de la tradition chinoise qui préférait les garçons aux filles, il faut aussi prendre en considération la politique de l’enfant unique. Pourquoi garder un bébé féminin quand la tradition chinoise a, depuis toujours préféré les garçons aux filles…

Alors on efface pour mieux recommencer…sans oublier l’absence d’éducation ou d’information sexuelle dans cette « société dominée par l’ignorance sexuelle.

« Nous mettions dans le même sac l’affection, le sexe et l’amour » écrira Xinran.

Il y a quelques décennies, ce besoin d’avoir un enfant mâle était aussi un besoin vécu dans de nombreuses familles sous nos cieux, il fallait reprendre la ferme, l’usine, le cabinet médical ou notarial…

Un livre fortement dérangeant, mais au combien nécessaire.Bref un beau coup de cœur !

« Une femme qui n’a pas de fils n’a aucune raison de vivre. »

Éditions Philippe Picquier – 2013 – Traduction par François Nagel – 331 pages


Lien vers la présentation de Xinran


Quelques lignes

  • « Encore maintenant, Mei et Xue demandent pourquoi leur « maman de ventre » ne pouvait pas s’occuper d’elles. Je suis obligée de répondre que je ne sais pas. Parce que je l’ignore. Je ne peux pas mentir. Je ne peux que supposer – peut-être est-ce à cause de la pauvreté, peut-être une dépression postpartum, peut-être un viol, peut-être le fait que ce sont des filles, ou peut-être leur mère était-elle encore adolescente ?  » (P. 27)
  • « Plus important encore est le fait que, de tout temps, les Chinoises n’ont jamais eu le droit de raconter leur propre histoire. Elles vivaient au dernier échelon de la société, on exigeait d’elles une obéissance absolue, et elles n’avaient aucun moyen de se construire une vie à elles. » (P. 86)
  • « Elle regarda la cuvette d’eau que la sage-femme avait préparée pour elle avant l’accouchement. C’était « l’eau qui supprime les ennuis », destinée à noyer le bébé fille. Pour un garçon, on appelait la cuvette dans laquelle on lavait le bébé « le bain qui arrose les racines ». Kumei savait qu’il était de son devoir de mettre fin à la vie de sa fille en la noyant dans la cuvette. Et c’est ce qu’elle fit. » (P. 147)
  • « L’homme savait que si sa femme et lui ne donnaient pas naissance à un garçon dans les dix prochaines années, on le dépouillerait de la terre et des autres avantages auxquels il avait droit en sa qualité de fils aîné. Aussi promit-il à ses parents de leur ramener un fils. Ils pourraient alors garder la tête haute et l’avenir du clan serait assuré. Mais le ciel n’écouta pas ses prières et, en sept ans et demi, sa femme mit au monde quatre filles. » (P. 171)

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