
« J’ai cette image de nous trois, ses femmes, assises sur le canapé, attendant de voir qui sera prise. Rachel, avec son sourire à la Mona Lisa, qui essaie de faire comme si de rien. Moi qui affiche cette expression que j’ai apprise dans la rue, pour donner l’impression que je pense à des trucs vraiment très sales. Et cette pauvre Emily, toujours terrorisée. »
« Heureux homme », diront certains…trois femmes, chaque soir il peut en changer. Si différentes!
Oui mais…on le retrouve mort, alors qu’il était allé à la pêche. Mort et mutilé.
Mais la vie n’est pas simple avec 3 femmes... »Ce qui se passait dans la chambre à coucher, nous n’en parlions pas. L’eau des rivières contourne les rochers avec bonne grâce. »
Déjà qu’avec une ça pose parfois des problèmes…Non! mesdames, je vous taquine. Vous aurez bien raison de me dire : « Et avec un homme ça n’en pose pas des problèmes? »
En tout cas, vivre avec Nelson n’était pas simple! Et ça leur posait à elles aussi des problèmes.
Blake Nelson vivait avec ses trois femmes, bien loin du monde civilisé. Il fait partie de cette communauté mormone, machiste dans laquelle l’homme choisit chaque soir celle qui aura l’honneur de partager sa couche. Certains les épousent encore bien jeunes !
Lui et elles vivent loin de tout dans cet État de l’Utah, et en prévision de la fin du monde, ils font des conserves…Faire des conserves est sans doute un sport national dans cet État, puisque Blake vend à ses semblables « Élus de Dieu », des stérilisateurs pour conserver leurs légumes…qu’ils stockent dans des bâtiments entiers, il en faut des conserves pour vivre l’éternité!
Blake vivait avec trois femmes bien différentes à ses côtés : Rachel, sa Première épouse, Emily Martinelli, « Sœur épouse » et Tina Keidis, autre « Sœur épouse », qui nous l’apprendrons a un « casier long comme le bras ».
Trois femmes, très différentes, que l’Agent Brewer, une femme flic, Malone, flic venant de New-York et Carlson, détective qui prendra la suite de Malone soupçonnent à tout de rôle.Leur tâche ne sera pas aisée, car les caractères et les trois passés surtout, de ces trois femmes ne sont pas simples.
Belle occasion pour le lecteur, qui comme moi fuit la religion depuis la fin de son enfance, de se trouver face à des illuminés et pire encore, au passé lourd…oui il faudra plonger dans le passé et comprendre les tares de ces 3 là, les turpitudes qu’elles ont subi ou causé.
Je ne vous en dis pas plus.
Aucune des trois ne mérite de recevoir le Bon Dieu sans confession! Bref on est bien loin du meilleur des mondes.
On navigue entre religion, sectes, machisme, soumission, solitude à quatre, superstitions, et j’en passe. L’auteur a construit son livre comme un puzzle, fait de chapitres courts de quelques pages, dans lesquels alternent passés non linéaires et réflexions de ces trois épouses. Pas toujours facile pour le lecteur de retrouver ses petits dans ces trois cerveaux détraqués par leur religion, par leur solitude. Par leur passé…surtout par leur passé!Bel exercice d’écriture!
Un grand merci à Masse Critique et à Babelio pour m’avoir offert ce dépaysement total….dépaysement littéraire et culturel
Éditeur : Les Presses de la Cité – Traduction par Maxime Berrée – 2021 – 533 pages
Lien vers la présentation de Cate Quinn
Quelques lignes
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« Deux lits simples pour deux épouses, et le lit double pour Blake et celle d’entre nous qui a ses faveurs. » (P. 10)
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« J’ai cette image de nous trois, ses femmes, assises sur le canapé, attendant de voir qui sera prise. Rachel, avec son sourire à la Mona Lisa, qui essaie de faire comme si de rien. Moi qui affiche cette expression que j’ai apprise dans la rue, pour donner l’impression que je pense à des trucs vraiment très sales. Et cette pauvre Emily, toujours terrorisée. » (P. 17)
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« Blake a reçu ses sous-vêtements à l’âge de 18 ans, juste avant sa mission – un rituel fondamental qu’accomplissent les jeunes mormons avant d’entrer à l’université. Un voyage de deux ans à l’étranger pour sauver des âmes. Les jeunes filles, elles, reçoivent leurs sous-vêtements quand elles se marient. » (P. 39)
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« À 33 ans, elle attendait son neuvième enfant. Douzième en comptant les fausses couches. J’imagine que c’est comme ça qu’elle tenait. En se blottissant dans la boîte suivante sans regarder autour d’elle. » (P. 88)
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« Blake était notre mari, notre amant et notre ami à toutes, je réponds. Nous savons que le mariage plural n’est pas pour tout le monde, mais ça marchait pour nous. » (P. 94)
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« La région autour de Salt Lake City est connue pour ses taux élevés de consanguinité, de polygamie et pour ses zones de non-droit. » (P. 198)
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« Je sais juste que le deuil est une chose compliquée, répond-il en haussant les épaules. On pleure ce qui était, on pleure ce qui n’était pas, et on pleure ce qui aurait pu être. » (P. 237)
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« Des gamins qui ne connaissaient rien d’autre que l’intérieur de leur camp. Qui avaient été élevés à 100 % dans l’ignorance et les discours délirants. La plupart d’entre eux, à l’adolescence, savaient à peine lire et écrire. » (P. 261)
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Vous vous rendez compte à quel point vous avez l’air tarée. » (P. 507)
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« Découvrir que tout ce qu’on croyait savoir n’est qu’un tissu de mensonges est une expérience insupportable. Et ça ne vous quitte jamais. » (P. 512)
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« Comment peut-il y avoir un Dieu quand de telles horreurs ont lieu ? » (P. 518)
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« On dit que le mariage plural est comme une roue. Plus il y a de rayons, plus il est solide, mais quand on ajoute de nouveaux rayons, il faut un certain temps pour que la roue retrouve son équilibre. » (P. 523)