
Livre très complet, précis, écrit par la veuve de Mandelstam…
….qui avait eu le courage, ou l’inconscience, d’écrire un poème sur Staline.
Déporté hors de Moscou, puis déporté en camp, il y mourra en 1938.
Pour ceux qui s’intéressent à cette période de la Russie, ou à la littérature, ils y trouveront des informations historiques précises parfois, qui traduisent les états d’âme d’une épouse, contrainte au silence, contrainte à s’interroger en absence d’information.
Pour les autres, ce livre sera peut être trop précis, trop fouillé.
En tout cas, il donnera à chacun la chair de poule « heureusement que nous n’avons pas connu et vécu cette période ».
Il décrit en effet 70 ans de cette société russe, vue sous l’angle de l’intelligentsia, cette peur qui hantait chacun, la peur d’être arrêté au petit matin et de disparaître à jamais, mais aussi ces logements minables et toutes ces belles personnes qui prennent tous les risques en offrant un hébergement pour quelques jours…hommes sans conscience d’une part et belles personnes d’autre part.
Traduction par Maya Minoustchine – 437 pages
Lien vers la présentation de Nadejda Mandelstam
Quelques lignes
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» La poésie, c’est le pouvoir » dit, un jour, Mandelstam. Il n’en démordait pas : si on tuait des gens à cause de la poésie, c’est qu’on la respectait et qu’on l’honorait, qu’on la craignait, et qu’elle représentait une force… »
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Outre les gens contraints à » collaborer », les volontaires étaient légion. Toutes les administrations regorgeaient de dénonciations.J’ai entendu un inspecteur du ministère de l’Instruction publique demander aux enseignants de ne plus envoyer de dénonciations, et les prévenir que les lettres anonymes ne seraient même plus lues.
- Autrefois les braves gens étaient nombreux. Et même ceux qui ne l’étaient pas faisaient semblant de l’être, car c’était l’usage. De là provenaient l’hypocrisie et la fausseté, ces grands vices du passé, dénoncés par le réalisme critique de la fin du XIXème siècle. Le résultat de cette dénonciation furent inattendu : les braves gens disparurent. La bonté n’est pas uniquement une qualité innée : il faut la cultiver, et on ne le fait que si la nécessité s’en fait sentir. Pour nous, la bonté était une qualité démodée, disparue, et un brave homme s’apparentait à la famille des mammouths. (…) Il fallait chercher la bonté et la bonhommie dans des endroits perdus, inaccessibles à l’appel du temps.
- A présent, ma maîtrise de moi-même et mon esprit de discipline se sont affaiblis ; c’est pourquoi j’écris ces pages, bien qu’on nous ait expliqué comment il fallait se souvenir de ces années-là. La seule forme autorisée de souvenirs consiste à montrer que dans n’importe quelles conditions, l’homme reste fidèle aux idées du communisme et sait distinguer le principal – notre but final – des facteurs secondaires tels que sa propre vie ruinée.
Ton approche est passionnée et donne envie de s’approcher de cette auteure. J’ai beaucoup étudié cette période stalinienne et ses conséquences, encore visibles aujourd’hui, comme un héritage maudit.