
« Personne ne ferme à clef à Beyrouth. La ville est sûre. Mis à part les explosions de voitures, les incendies, les manifestations qui bloquent les routes pendant des jours. Mis à part le fait qu’on n’y est jamais vraiment en sécurité. » (P. 105)
Babelio m’a proposé de lire cet ouvrage dans le cadre d’une opération « Masse critique privilégiée »
Comment résister à une telle proposition?…..j’ai immédiatement répondu oui, espérant faire partie des heureux élus
Et j’avoue que le plaisir attendu ne fut pas totalement au rendez-vous…sans doute du fait d’un quiproquo
Le Liban est pour moi, un pays méconnu, un pays de tensions religieuses, de luttes entre des factions, de luttes entre des idéologies religieuses, un pays à la fois fascinant mais repoussant aussi par certains points, marqué par la guerre et tiraillé entre religieux et entre voisins..C’est en tout cas, comme ceci que je le perçois..un pays que j’aimerais parcourir mais qui me fait peur par bien des points.
Heureux d’être sélectionné…Mais en partie déçu.
Le travail de l’auteure est indéniable, et mérite d’être souligné…mais la forme littéraire m’a troublé. D’une part, ne bénéficiant pas d’une bonne vue, j’ai trouvé les caractères un peu trop petits, rendant cette lecture fatigante et pénible. Il ne m’était pas possible de m’y plonger pendant des heures…comme j’aurais souhaité le faire;
D’autre part, Hala Alyan, « psychologue clinicienne américano-palestinienne spécialisée dans les traumatismes, la toxicomanie et le comportement interculturel », comme Babelio la présente, a écrit un livre essentiellement, mais pas uniquement, rassurez-vous, fait de conversations familiales, rendant cette lecture hachée à mes yeux. Une écriture dans laquelle, certes, sont bien dépeintes les tensions et questions familiales, précises mais une écriture écartant trop, de ce fait, les points plus politiques de tensions entre pays voisins, Syrie, Israël, Jordanie…et les influences de plus grands pays, Etats-Unis, France et j’en passe…tensions que j’attendais. Et que je n’ai pas lues
Je n’attendais pas une chronique familiale, mais un regard plus politique… cette famille semble si éloignée, en tout cas je ne l’ai pas perçu de ces tensions religieuses, de ces tensions politiques, de ces haines qui embrasèrent le Liban ……
Et j’avoue que ces tensions familiales ne figurent pas, surtout sur tant de pages, parmi les projets littéraires qui me font vibrer.
Sans doute parce que Masse critique m’avait proposé : » A travers cette grande saga familiale, l’auteur vous propose de retracer la destinée tragique du Liban, un pays marqué par la guerre, les tensions religieuses et les protestations politiques. Un pays prêt à s’embraser à tout instant à l’instar de cette famille rongée par des secrets qui, révélés, pourraient faire exploser sa fragile existence. »
Ce n’est pas, par bien des points ce que j’ai lu.
Suis-je passé à côté de cette lecture du fait de ce quiproquo?
Éditeur : La belle étoile Marabout – Traduction par Aline Pacvon – 2022 – Parution initiale en 2021 – 426 pages
Lien vers la présentation de Hala Alyan
Quelques lignes
- « Beyrouth est une ville insomniaque, hétéroclite, pleine de bâtiments inachevés et de rassemblements impromptus. » (P. 86)
- « Naj se souvient du plaisir que prenait Fee à découvrir de nouveaux mots en anglais, à l’époque. Elles venaient de deux mondes distincts. Naj, l’Américaine qui renouait avec ses origines arabes. Fee, arabe jusqu’au bout des ongles, que ses parents vieillissants avaient autorisée à aller l’université uniquement parce que son frère vivait à Beyrouth. Elle respectait un couvre-feu, portait des gilets à manches longues et rêvait en arabe. » (P. 98)
- « Les colonisateurs. Ils ont pesé, bien qu’indirectement, dans toutes les décisions politiques qui ont été prises depuis l’époque ottomane. Chaque pays a son oppresseur : les Britanniques pour la Palestine, les Français pour le Liban. Les Occidentaux ont redessiné les frontières. C’est la raison pour laquelle les rues de Beyrouth portent des noms français. Ce sont eux qui ont mis sur pied la structure parlementaire qui distribue le pouvoir de manière injuste. C’est leur faute si les Palestiniens sont arrivés ici par milliers en 1948, puis en 1967. Je veux que vous le gardiez à l’esprit durant les répétitions : les plus grands criminels de guerre sont toujours dans les coulisses, même s’ils sont à des continents d’ici. » (P. 140)
- Je ne comprends pas que, dans une même ville, certaines personnes puissent aller à la plage pendant que d’autres sont tuées par des bombes, dit-elle. Comment peut-on laisser ces choses se dérouler au même moment ? » (P. 189)
- « La douleur fait faire des folies. Elle électrise les neurones et en joue comme des touches d’un instrument. Jadis, la douleur poussait les hommes de la Rome antique à tourner sur eux-mêmes dans leurs sandales de cuir fin jusqu’à ce qu’ils aient les pieds en sang, les veuves indiennes à se jeter dans le bûcher funéraire de leur époux, les Perses à donner les corps des défunts à manger aux chiens, les Égyptiens à enterrer leurs morts avec leurs serviteurs. La douleur peut vous faire éclater de rire lors d’un enterrement, sangloter devant un bol de céréales, vous donner envie de danser au milieu de la nuit. Elle vous jette dans les bras des amants les plus improbables. Et c’est elle encore qui – alors que vous tirez sur l’ourlet de la robe que votre père vous a achetée à Lattaquié quand vous aviez quinze ans – vous persuade que la maison est en flammes, que le monde est en feu et que la seule réserve d’eau à disposition se trouve dans une ville à l’autre bout du monde. C’est la douleur qui vous fait faire vos bagages, donner votre démission, acheter une robe blanche. C’est elle qui vous fait dire oui. » (P. 213)
Je crois que moi aussi j’aurais pu être déçu…Merci pour ce retour honnête !