« La Place » – Annie Ernaux

« J’écris peut-être parce qu’on n’avait plus rien à se dire. » (P. 85)

… confidence d’Annie Ernaux, nouvelle auteure Prix Nobel de Littérature…Elle évoque ses parents, son enfance, sa vie de famille..

Son père a travaillé dans la ferme familiale, puis devenu ouvrier dans une corderie, il rencontrera sa femme, ouvrière elle aussi, dont les sœurs étaient employées de maison. Une famille modeste dans laquelle les parents ont le sentiment d’être inférieurs, la peur de « faire paysan« 

Ses parents achètent un bar épicerie et subissent la concurrence des Familistères, de la Coop;

Et parce qu’ils accordent des crédits aux clients, très vite ils rencontrent des difficultés. Le père doit alors s’embaucher sur un chantier de construction, puis par la suite, entrer aux raffineries de pétrole Standard, où il passera contremaître en 36. Un père qu’elle comprend de moins en mois, qui râle toujours et s’engueule avec son épouse.

Il y a plus de six ans que j’ai découvert Annie Ernaux avec cette lecture, mais j’avais de la peine à « accrocher » non pas du fait de l’écriture, on s’y habitue, mais surtout avec la distance qu’elle mentionne entre elle et ses parents…j’ai peut-être fait une erreur de lecture.

Un peu comme si, elle et des parents n’étaient pas du même monde, du même sang.

J’avais, lors de cette lecture, été dérangé par cette absence de sentiments familiaux – mais je me suis peut-être trompé – oui, par cette distance, un peu comme si la femme, comme si la sensibilité littéraire de l’auteure qu’elle est devenue, ne devait rien à cette enfance, à ces difficultés familiales.

Alors est-ce un exercice littéraire, à ne pas prendre à la lettre ? Certains ont lu du mépris quand Annie Ernaux écrit que ses parents ne lisaient pas, dans ces révélations familiales très franches, intimes, et non-dits révélateurs….les comportements des années 50 sont bien éloignés de ceux des années 2020.

Troublant..

Il faut sans doute mieux la connaître, approcher Annie Ernaux avec d’autres titres…ce que j’espère pouvoir faire prochainement. On ne devient pas prix Nobel de littérature avec un seul titre .

Éditeur : Folio Gallimard – 1983 – Prix Renaudot


Lien vers la présentation d’Annie Ernaux


Quelques lignes

  • « Ma mère s’adressait à mon père comme s’il était encore vivant, où habité par une forme spéciale de vie, semblable à celle des nouveaux-nés. Plusieurs fois elle l’a appelé «Mon pauvre petit père» avec affection. » (P. 14)
  • « Ma mère n’a fermé le commerce que pour l’enterrement. Sinon, elle aurait perdu des clients elle ne pouvait pas se le permettre. Mon père décédé reposait en haut et elle servait des pastis et des rouges en bas. Larmes, silence et dignité, tel est le comportement qu’on doit avoir à la mort d’un proche, dans une vision distinguée du monde. Ma mère comme le voisinage, obéissait à des règles  savoir-vivre où le souci de dignité n’a rien à voir. » (P. 17)
  • « Voie étroite, en écrivant, entre la réhabilitation d’un mode de vie considéré comme inférieur, et la dénonciation de l’aliénation qui l’accompagne. Parce que ces façons de vivre étaient à nous, un bonheur même, mais aussi les barrières humiliantes de notre condition (conscience que ce n’est pas assez bien chez nous), je voudrais dire à la fois le bonheur et l’aliénation. Impression, bien plutôt, de tanguer d’un bord à l’autre de cette contradiction. » (P. 55)
  • « Faire paysans signifie qu’on n’est pas évolué, toujours en retard sur ce qui se fait, en vêtement, langage, allure. […] Le pire, c’était d’avoir les gestes et l’allure d’un paysan sans l’être. » (P. 70)
  • « Comment un homme né dans une bourgeoisie à diplômes, constamment ironique aurait-il pu se plaire en compagnie de braves gens dont la gentillesse, reconnue de lui, ne compenserait jamais à ses yeux ce manque essentiel : une conversation spirituelle. » (P. 96)
  • Peut-être sa plus grande fierté, ou même, la justification de son existence : que j’appartienne au monde qui l’avait dédaigné. » (P. 112)

Une réflexion sur “« La Place » – Annie Ernaux

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