On parle souvent de l'enchantement des livres. On ne dit pas assez qu'il est double. Il y a l'enchantement de les lire et il y a celui d'en parler. (Amin Maalouf – Les désorientés)
« J’ai tendance à croire que la dictature est l’avenir du monde, je veux dire qu’elle serait le seul moyen pour l’humanité de se préserver d’elle-même et des dérèglements de la nature, et de se maintenir en vie » (P. 162)
« On parle ici de civilisations et d’empires, des entités apocalyptiques, c’est leur manière de se succéder, il n’y a pas de milieu, les uns doivent s’éteindre avec leurs souvenirs et leurs rêves et les autres tout envahir, l’espace et le temps, jusqu’à l’histoire qu’ils réécriront de fond en comble. » (P. 22)
« Unifier et mobiliser le Moyen Orient par des moyens politiques ou militaires est une gageure, l’histoire sait que ses peuples sont antagonistes, ils se sont toujours combattus et de la pire façon qui soit » (P. 98).
« Nos repas devaient se dérouler dans l’ordre imposé par le règlement, de la soupe au dessert. Et il était strictement interdit de picorer comme bon nous semblait. Le clairon appelant au rata, l’arrivée au réfectoire en rangs militaires, le claquement de mains, les cuillères tous ensemble, les fourchettes tous ensemble, le fruit tous ensemble, le claquement de mains, puis quitter la cantine en rang et en silence. » (p . 113)
…et ce n’est qu’une vexation parmi tant d’autres. Une vexation ou plutôt une règle absurde imposée, coups à l’appui, si nécessaire, à ces gamins regroupés pour une bêtise d’un soir, plus ou moins importante, un vol voire même des coups donnés quelques mois ou années auparavant.
Ils sont là dans un ancien bagne entouré d’un mur de 6 m de haut, dans lequel ces mineurs « délinquants » se préparent aux métiers de la marine, un bateau avec son gréement complet est placé au milieu de la cour pour leur formation , mais ces gamins ne sortent jamais en mer. Il apprennent à réaliser des cordages et s’entraînent à terre sur le bateau !
Tant d’autres règles absurdes parfois sont imposées à ces gamins, souvent voire même toujours privés d’amour et de famille depuis leur naissance….Sinon ils ne seraient pas là !
Ces vexations, nées de l’inventivité des matons sont destinées à dresser ces gamins. Je n’emploie pas d’autre mot, à dessein on ne peut parler ni d’éducation ni de formation !
Ces punitions s’accompagnent de coups et souvent d’un isolement, pour un ou plusieurs jours, dans une cellule crasseuse, froide et humide . Ce sont les lieux qui l’imposent. Ils vivent en effet sur l’île de Belle-île dans un ancien bagne qui accueillit des délinquants adultes bien plus dangereux et mauvais qu’eux. Nombre de ces gamins ont, bien souvent dans leur passé, été privés d’amour parental.
Ces gamins internés dans ce fort sont privés de tout et contraints de vivre dans la froideur et l’humidité des lieux…ils sont sur une ile battue par les vents et sont à la merci de la violence, de la méchanceté et de la bêtise …, le mot connerie serait plus approprié… des surveillants.
Impossible de déroger aux règles absurdes qui ont été établies au fil des années.
Révoltant !
Les incidents se succèdent, mais ce soir de 1934, un incident qui aurait dû rester banal se produit : un gamin ne respecte pas l’ordre imposé..entre le soupe et le dessert…il a mangé son fromage avant sa soupe….coups des surveillants, les gamins se révoltent…le feu couvait depuis bien longtemps. Les gamins se révoltent, les coups pleuvent…et un semblant de calme revient, après des mises au cachot, des coups et des coups…..La seule chose que savent faire les surveillants : cogner, cogner !
Un semblant de calme revient, mais Jules Bonneau, dit La Teigne, un gamin qui n’est pas ménagé par les surveillants reste manquant.
Le méfait qu’il avait commis et pour lequel il était puni et gardé sur l’île est « grave » !!!! : il avait volé trois œufs en 1921 ! Il porte un amour immense à sa mère dont il ne conserve qu’un ruban qui ne le quitte pas. Une privation d’amour qui n’est sans doute pas étrangère à son comportement
Toutes les recherches pour le retrouver restent vaines….
C’est là le début de la partie romancée de l’Histoire. La réalité est plus sinistre : tous les gamins ont été repris.
C’est autour de Jules Bonneau, dit « La Teigne », personnage clé du roman, personnage inventé par l’auteur, le cinquante et unième gamin que le roman se construit. I
Je n’en dirai pas plus ! Un titre édifiant, lu d’une traite.
Ecoeurement garanti. La France des droits de l’homme avait encore bien du chemin à faire !
J’ai oublié de vous dire que l’Histoire avec un grand « H » a enregistré la capture effective des 50 gamins qui avaient « tenté la belle ! » Difficile de quitter une île même assez proche du continent ! Jacques Prévert en a parlé bien mieux que moi….un extrait de son ouvrage PAROLES:
« Loiseau avait repris sa place à l’atelier de couture, là où les caïds viennent choisir leur «petite femme»
« Les récifs, les courants, les tempêtes . On ne s’évade pas d’une île. On loge ses côtes à perte de vue en maudissant la mer. Même si certains ont tenté le coup. » (P. 23)
« Éducation correctionnelle comme ils disent. Ils veulent nous instruire, nous ramener au bien. Pour nous inculquer le sentiment de l’honneur ils nous redressent à coups de triques et de talons boueux. Ils nous insultent, ils nous maltraitent, ils nous punissent du cachot, une pièce noire, un placard étroit, une tombe. Ils nous menacent le jour et la nuit. » (P. 24)
« Pour survivre ici, il faut être en granit. Pas une plainte, pas une larme, pas un cri et aucun regret. Même lorsque tu as peur, même lorsque tu as faim, même lorsque tu as froid, même au seuil de la nuit cellulaire, lorsque l’obscurité dessine le souvenir de ta mère dans un recoin. » (P. 34)
« J’avais été condamné à deux jours de Bal, des Laudes jusqu’aux vêpres. À une journée de «pain sec sans pain» comme disait Le Goff, six jours de pain sec et six jours de cachot. J’ai pleuré tous les soirs, en secret , de colère et de douleur, le visage enfoui dans mes draps. Ils avaient voulu que j’avoue. J’ai nié jusqu’aux larmes. A aucun moment ils se sont dit qu’ils m’avaient peut-être fait courir pour rien, isolé pour rien, affamé pour rien. A part une dénonciation, ils n’avaient aucune preuve conter moi mais il leur fallait un coupable. Ert faire un exemple aussi. » (P. 63-4)
« Mais comme je ne pouvais pas être abandonné à la rue sous peine de vagabondage, la Justice a décidé de m’envoyer en maison de redressement, jusqu’à ma majorité. Ils appelaient ça une Colonie pénitentiaire. » (P. 80)
« Ce jour-là, j’aurais dû être à l’exercice, mais j’ai rejoint un puni. Lui était ligoté au grand mât depuis le matin. Une bagarre entre détenus dans l’atelier des tailleurs. Il avait frappé le surveillant qui avait tenté de s’interposer. L’année dernière, son petit frère en avait eu assez d’apprendre le nœud en huit, le nœud de chaise, le nœud de taquet. Il avait fabriqué un nœud coulant tout simple et s’était pendu à une poutre du réfectoire. » (P. 102)
«….nous qui étions dans l’antichambre des Maisons centrales, de Cayenne ou des bagnes d’Afrique. Les victimes comme Loiseau étaient la monstruosité de ce système » (P. 110)
« Tout devenait possible, alors que rien ne l’avait jamais été. Frapper ceux qui nous avaient battu. Casser les bancs qui blessaient nos chairs, briser les vitres mouchardes, renverser nos écuelles à chien, brûler nos paillasses, enfoncer nos pertes, défoncer les murs des douches que les caïds obligeaient leurs gitons à lécher. Nous n’avions pas pensé à demain. » (P. 131)
« Le Bon Dieu et tous ses saints n’avaient jamais mis le pied à la Colonie pénitentiaire. Pendant les coups de bâton, les tours de Bal, les humiliations, la faim, quand les petits étaient enfouis dans la braguette des grands sans que les gardiens bougent, il était où Jésus » (P. 169
« Pendant la guerre de 1870, les fantassins bretons réclamaient davantage de pain et de vin à leurs officiers pour mieux botter le cul aux Prussiens. Ces soldats ne parlaient pas français. Et c’est en breton qu’ils revendiquaient du bara frais et des pichets de Gwin. Ils scandaient Bara ! Gwin ! Bara ! Gwin ! Prêts à mettre le crosse en l’air. « (P. 253)
« Le maître d’école avait oublié de nous dire que les premiers prisonniers de notre colonie étaient des insurgés parisiens. » (P. 280)
Oui ! C’est un besoin important, primordial à mes yeux, mais négligeable aux yeux de tous nos dirigeants qui l’ont qu’un mot à la bouche : « La croissance » …la croissance pour le fric !
Il y avait tant d’autres mots clés tant d’autres phrases, coups de poing pouvant être mises en avant à la lecture de ce pavé…des phrases que j’ai notées consciencieusement comme d’habitude, comme je le fais depuis bien des années, depuis la création du blog.
Ces extraits saisis chronologiquement, au fil des pages du livre, me servent une fois le livre achevé à rédiger mes commentaires à partager….Le partage est une notion importante pour moi, et ceci depuis plus de 50 ans…lors de mon travail et toujours maintenant pendant ma retraite !
Ce qui n’est pas partagé ou donné est perdu !
Mais cette lecture ne fut pas du tout aisée pour moi…et rédiger un commentaire le fut encore moins.
Jules Renard a écrit…et je suis tombé par hasard sur ses mots : « C’est désespérant : tout lire, et ne rien retenir ! Car on ne retient rien. On a beau faire un effort : tout échappe. Çà et là, quelques lambeaux demeurent, encore fragiles, comme ces flocons de fumée indiquant qu’un train a passé. »
Je me suis totalement reconnu dans ces quelques mots …un sentiment et une attitude récents et complexes dans ma vie au quotidien.
Oui, je ne pensais pas que ce texte « le Cercle des héros anonymes » serait aussi complexe ! Le sujet l’est aussi. On ne sait pas par où commencer, pour tenter de guérir notre monde…et chacun des « Grands » de ce monde a son idée bien arrêtée ..ou ne voit pas l’intérêt du projet…La croissance reste leur leit-motiv! Une croissance pour le fric, le pouvoir…un point c’est tout ! Climat, et pollution …..aux oubliettes !
État passager de fatigue, ou plus grave encore.. aucun toubib n’a mis un mot sur mon état et aucun n’a prononcé les mots que j’appréhende….
Je n’étais pas en mesure de me souvenir au mieux des personnages, de leurs liens, des actions, ou interactions, des scènes, des situations malgré mes notes.
Impossible de faire le lien entre les actions, de mémoriser les personnages…de mémoriser la chronologie des situations ou actions, et donc la complexité du sujet ! Malgré mes notes. Tout se mélangeait !
Et pourtant, je l’ai lu consciencieusement, en prenant encore plus de notes
A mes yeux, le problème est là : nos dirigeants sont infoutus de se mettre d’accord. Chacun y allant de son diagnostic…
L’essentiel étant pour eux de ne pas négliger le fric, la croissance…on connaît ces mots
En ce qui me concerne d’autres préoccupation me prennent la tête ne me permettant pas la sérénité imposée par ce pavé….« C’’est grave docteur ? » Je le saurai bientôt.
État de fatigue plus ou moins passager ou plus grave, je l’ignore..
Merci en tout cas merci à Babelio, et à l’éditeur et à l’auteur de m’avoir transmis ce livre.
Merci à Pedro Correa pour sa dédicace, sa confiance et surtout son travail imposant qui doit être lu dans le calme et la sérénité…une confiance que j’ai sans doute bien involontairement trahie…impossible de mettre de côté mes interrogations et soucis personnels…..le télescopage de deux priorités
Je vais attendre un peu pour tenter de le relire…et le commenter, quand j’irai mieux. Si je vais mieux un jour. Je tremble !
« Si les inégalités se creusaient…c’était justement parce que cette société était conçue, façonnée, dirigée et maintenue par ces personnes-là, des personnes qui n’entretenaient aucun lien avec le sens de la vie ni le vivant. Rien qui ne soit une construction profitable. » (P. 71)
« …j’ai pu observer en première ligne les pillages aux quatre coins du monde, qui se sont révélés n’être que les prémices d’une convoitise avide et téméraire sur toutes les ressources de la planète. J’ai rapidement été scandalisé, au point de décider de consacrer ma vie à essayer d’inverser cette tendance. Mais je me suis aussi rendu compte que seul je n’arriverais à rien. Il me fallait une armée.» (P. 72)
« Allons droit au but. Nous faisons en effet tous partie de ce que nous appelons le «système ». C’est d’ailleurs sa force principale, le fait que nous n’ayons pas envie de nous attaquer à nous-mêmes , à nos failles et faiblesse. Mais il y a un point faible qui, comme souvent , est à l’origine de sa force.[ ] si le système ne se regarde pas, il serait en théorie facile que son ennemi s’immisce dans l’engrenage.[ (P. 89)
« Un contact infiltré jusqu’au cœur de la Banque nationale au point d’avoir les accès nécessaires pour compiler l’annuaire de noms et des numéros de compte. Un kamikaze réunissant deux profils impensables car antinomiques dans les empires financiers : être brillant, ambitieux, loyal et carriériste, et en même temps capable, du jour au lendemain, de faire sauter tout ce pour quoi il avait travaillé pendant des années. Sans en retirer les avantages pour lesquels les autres ont sacrifié leur vie. Car l’avantage que cet homme avait recherché depuis le début était simplement de tout voir brûler. » (P 100)
« Si la vie pouvait seulement s’écrire comme un livre, si ce n’était pas la principale malédiction de tous les mortels que de vivre chaque jour comme un brouillon impossible à effacer, rien que l’on puisse passer au propre, corriger, rembobiner, améliorer ou anticiper, une feuille que l’on écrit sans pause à l’encre indélébile. » (P. 113)
« .. le monde n’a que faire de ma douceur. Le monde broie la douceur, il s’en abreuve. Mes voisins louent des chambres à des réfugiés, il les entassent dans des lieux insalubres et les font travailler pour des salaires de misère contre leur silence, car ils n’ont pas de papiers. Des fillettes se prostituent dans le Raval tandis que mes camarades de classe ne rêvent que de vendre des trucs plus ou moins inutiles construits à l’autre bout du monde et qui finiront dans l’océan ou dans des décharges à ciel ouvert en Afrique. » (P. 178)
« L’humanité ne peut plus s‘inscrire dans une société ancrée dans la violence et la compétition, qui ne cesse de nous confronter les uns aux autres comme des hyènes affamées. Le monde à venir reniera ces modèles. Nous commençons à réaliser que cette société de la concurrence féroce ne compense en rien la douleur de ces déchirements. C’est exactement pour cela que le monde est aujourd’hui en train de changer. » (P. 297)
« Le nombre des lanceurs d’alerte ne cesse d’augmenter. Il y a quelques années il n’y en avait pas. Et aujourd’hui, le Parlement va même jusqu’à voter des lois contre ces lanceurs d’alerte! Cela veut bien dire que quelque chose est en train de changer, et que certains ont peur ! » (P. 307)
« C’est une maison perdue au cœur des plaines de l’Allier, un étonnant capharnaüm entouré de chenils »…et les mentions sur le bandeau du livre ou la 4ème de couverture : «Allier », , « Maison aux chiens », « Premier roman», « Prix Jean Anglade » autant de mots qui ont suscité mon intérêt….
…Ces quelques mots sur la couverture ou le bandeau ont été suffisants pour me remémorer une partie de ma jeunesse auvergnate, ma rencontre avec Jean Anglade qui était venu nous parler, dans la « prépa Ecole de Commerce » que je fréquentais alors, de la conception de la vie, et de la simplicité qui manquait à certains,….
Il avait quitté pour un après-midi le lycée Blaise Pascal où il enseignait, parce qu’il avait été invité par un camarade de classe qui le connaissait et l’avait apprécié…Il l’avait eu comme enseignant. Jean Anglade avait évoqué sa conception de la vie, des livres, de l’Auvergne, d’une vie simple…bref de ce qui faisait de lui un homme passionnant.
Toutes choses qui n’étaient pas dans l’ADN de nombreux étudiants, ADN de naissance pour certains ou qu’on tentait de nous inculquer pour d’autres … notamment le peu d’intérêts qu’ils portaient aux animaux
Cette rencontre est toujours présente à mon esprit. Ce fut un après-midi de simplicité, de ruralité, un après-midi bien dépaysant et très utile dans une classe où nombreux étaient ceux dont les dents « rayaient les parquets » …une simplicité bien éloignée de l’esprit et des valeurs de certains…
Pour es besoins du concours, la « performance » était passée au deuxième plan pour un après-midi. Oh combien utile, puisque je m’en souviens encore plus de 50 ans après. !
Oui, grâce à ce titre j’ai fait un peu plus connaissance avec Jean Anglade, ses idées, ses valeurs. Des valeurs que je portait également
Grâce à son nom et à la vie d’une famille mise en avant tout au cours du titre, j’ai retrouvé sa sagesse, sa simplicité, son amour des gens simples et son érudition.
L’auteure nous présente une famille simple et ouverte, des personnes qui assument leur amour des animaux au cœur de la vie en commun. Parce que le mot « famille » est porteur de nombreuses valeurs. Ses personnages adorent les animaux et vivent également une vie à la disposition des autres…une disposition naturelle dans cette famille d’accueil de gamins en déroute, sur la mauvaise pente ou malades…Des gamins qui découvrent l’amour des plus grands et les règles de vie
Bref, une famille de plus en plus rare dans notre monde, une famille de valeurs, d’amour, de solidarité, d’ouverture d’esprit et de cœur… Il en a fait des personnages attachants, menant une vie de simplicité..
Même si le drame est proche.
« Les hommes qui fréquentaient le café, eux, sentaient comme Francis : la transpiration, l’animal, le tabac, sur fond d’alcool rance, senteur qui ne s’estompait jamais vraiment, même quand ils n’avaient pas bu, et se diffusait dans leur sueur de polyester, collait au coin des lèvres qu’ils essuyaient dans la manche et stagnait dans leurs cheveux, qu’ils ne lavaient que partiellement d’un coup de gant de toilette le matin, rarement sous la douche. » (P. 81)
Merci à Caroline Hussar que je n’aurais sans doute pas approchée si la mention « Jean Anglade » n’avait été portée sur le bandeau de couverture.. Je fais confiance à la simplicité de cet homme que j’ai approché.
J’espère en reparler si jamais elle écrit un autre titre. Merci à elle..
« Mon chien a droit au canapé, je préfère les animaux vivants et libres plutôt qu’étalés sur un tableau de chasse, et je suis fille unique. (P. 12 – Préface)
« C’était des chiens de chasse, des bêtes athlétiques, musculeuses. » (P. 18/8)
« La vie de la famille s’organisait autour des chiens de Francis. Il y avait les siens, et ceux qu’il hébergeait pour d’autres chasseurs qui n’avaient pas le temps de s’en occuper. » (P. 31)
« Car il restaient des enfants, trop préoccupés par leurs problèmes familiaux pour faire preuve d’empathie à l’égard de celle qui les accueillait de bon cœur. Et après tout, ils ne lui avaient rien demandé. » (P. 48)
« Ils se chicanaient au sujet de Chirac qui venait d’être élu président. Marcelle le soutenait, parce qu’elle le trouvait plus sympathique que Jospin, visiblement ignorant de l’impact que pouvait avoir un verre de vin rouge à la terrasse d’un café sur la santé démocratique du pays. » (P. 79)
« Les hommes qui fréquentaient le café, eux, sentaient comme Francis : la transpiration, l’animal, le tabac, sur fond d’alcool rance, senteur qui ne s’estompait jamais vraiment, même quand ils n’avaient pas bu, et se diffusait dans leur sueur de polyester, collait au coin des lèves qu’ils essuyaient dans la manche et stagnait dans leurs cheveux, qu’ils ne lavaient que partiellement d’un coup de gant de toilette le matin, rarement sous la douche. » (P. 81)
« Quelques enfants se lancèrent dans une partie de cache-cache, profitant de la sieste de l’instituteur et de la distraction générale de leurs aînés , occupés à téter un café trop dilué dans des tasses en plastique qui leur coupaient les lèvres. » (P. 88)
« Sur leurs peaux bronzées, caramel, or, cuivre, les gouttes d’eau ruisselaient, hérissant parfois la cuisse d’une chair de poule saisissante, que les garçons présents rêvaient de caresser de leurs doigts nerveux sans si risquer. Alors on préférait se pousser à l’eau, se retenir, se peloter incidemment dans les profondeurs veloutées et silencieuses, et puis, si jamais l’on était repoussé, on pourrait toujours arguer d’une maladresse due au plongeon, c’était si facile. » (P. 106-7)
« Lorsqu’on se promenait dans les parages en période de chasse, on évitait les bois et les près trop éloignés de la route, on s’habillait de couleurs voyantes et c’était tout. Ces précautions ne suffisaient pas à empêcher que, de temps à autre, un balle perdue vienne estropier l’un des participants. L’éthylisme de certains d’entre nous n’y était pas étranger. » (P. 119)
« Roman n’allait pas bien. Tout le monde le constatait, mais personne n’en parlait. Il était de ces enfants qui préfèrent détruire des liens qui auraient pu leur apporter un peu de bonheur.[..]Il avait trop souffert pour croire que ce qu’on lui offrait dans cette famille, on ne le lui retirerait pas un jour ou l’autre. » (P. 145)
« Est-ce le signe de la décrépitude, ce curieux réflexe se s’asseoir à la fenêtre pour regarder la vie qui suit son cours au-dehors ? (P. 173)
« Sa vie s’était étriquée depuis l’accident, mail il ne se posait pas vraiment de questions, il continuait à la vivre telle qu’elle se présentait à lui. Il n’aurait pas su quoi répondre si on lui avait demandé s’il était malheureux. C’était ainsi, c’est tout. » (P. 201)
« Tout disparaîtrait. Le pire comme le meilleur. Que resterait-il de Geneviève et de Francis ? Finalement, les leçons de vie qu’ils avaient dispensées ici avaient aidé à faire de leurs gamins des adultes à peu près fonctionnels. Ils s’étaient égaillés depuis longtemps, vaille que vaille, sur le grand terrain de chasse de la vie. Ils étaient un peu boiteux, chacun à leur manière, mais tous, forts de chaque partie de pêche, de chaque cueillette de champignons, de chaque promenade en forêt, avaient pris racine à peu près sainement. Plus aucun enfant ne bénéficierait de cet enseignement et, au fond, c’était sans doute une bonne chose. » (P. 227)