« Sindbad ou la Nostalgie » – Gyula Krúdy

Sindbad ou la NostalgieSindbad est un séducteur hongrois, qui partage avec nous ses déceptions, ces amours de jeunesse, ou de vieillesse, ces actrices et danseuses, ces mondaines ou ménagères qu’il a connues….une série de portraits, de retours en arrière, arrivant pèle-mêle à son esprit, sans ordre chronologique…..c’est tantôt un lieu, tantôt un objet, une pantoufle,  un train, une veste qui lui rappellent telle dame, telle bourgeoise ou telle paysanne qu’il a aimé….des femmes qu’il sauvera du suicide et des femmes qui se suicideront à la suite de sa muflerie…Mort et amour rythment ces chapitres, amours trompées, noyées par dépit, mais aussi pleurées et regrettées

Il n’a vécu que pour les femmes, pour l’amour, il sera alternativement un bourgeois, un séducteur, un homme sans cœur, un chevalier servant, un romantique,  amoureux aussi bien de femmes aux bas de soie, mais aussi des petites paysannes en bas de laine : « Tout ce qu’il apprenait, tout ce qu’il lisait, tous ses voyages, c’était pour raconter aux femmes et pouvoir leur mentir » 
Des chapitres inégaux, certains sont noirs, d’autres plus gais voire cocasses et d’autres moins alertes, plus lourds et d’autres ont le charme désuet de ces vieilles choses, mais aussi des chapitres emplis de philosophie parfois et de poésie
Mes lectures doivent me transporter vers des mondes, des lieux, des époques….et j’avoue que ce voyage m’a un peu laissé sur ma faim…Une trentaine de chapitres tous indépendants, qui ne m’ont pas permis, autant que je l’aurais souhaité de me transporter vers cette Hongrie du début du XXème siècle, vers ses hommes, ses villes, ses métiers, sa culture.
Merci à Masse critique de Babélio et aux éditions  LaBaconnière qui m’ont permis de découvrir Gyula Krúdy, auteur hongrois méconnu décédé en 1933 qui aurait écrit près de 150 romans.

J’aimerais découvrir d’autres titres qui me permettraient de compléter mon voyage vers la Hongrie de son époque. 


Plus sur Gyula Krúdy


Extraits
  • « Sindbad, devant la fenêtre, regardait, distrait et pensif, la place du marché. Oui, c’est par là qu’il allait au collège, ses bottines avaient fait tinter les pavés usés, et dans le clocher où sonnait la cloche, il pourrait certainement retrouver son nom grave sur une poutre pourrie ou sur le plafond : « Sindbad la marin ». ….Il aurait presque eu envie de remonter dans le clocher » (P. 23)
  • « Voyez-vous, c’est pour cela que je voulais finalement vous voir. Je voulais entendre quelqu’un me parler de ce monde de rêve disparu. Dites-moi, que fait-on à Budapest ? Est-ce que quelqu’un pense encore à moi ? » (P. 46)
  • « Vous vous êtes fait attendre dix ans, Sindbad. Et pourtant, combien de fois vous ai-je vu dans mes rêves, combien de fois vous ai-je attendu, combien de fois ai-je espéré qu’une fois, une fois encore je vous reverrais. Quand nous allions à Budapest, c’est toujours vous que je cherchais au théâtre, dans les lieux de divertissement, dans les dîners…..Et jamais je ne vous ai vu ! Si vous aviez pense à moi, si vous aviez rêvé de moi, vous seriez venu…Vous étiez trompeur, Sindbad, comme toujours. » (P. 46)
  • « Sindbad confiait le navire de sa vie au destin et au hasard ; il pressentait obscurément que, maintenant encore, comme tant de fois, une jeune fille ou une femme allait se trouver sur son chemin ; elle lui insufflerait une nouvelle vie, elle verserait un sang frais dans ses veines, des pensées neuves dans sa cervelle brûlée. Il avait trente ans et depuis l’âge de quinze ans, il ne vivait que pour les femmes. »(P. 56)
  • « Chaque homme à son secret dont il ne parole jamais durant sa vie. Des choses qui se sont passées il y bien longtemps, des actions honteuses, des aventures, des peines de cœur et des humiliations. Rien ne serait plus intéressant que de lire ce que, sur son lit de mort, quelqu’un dirait franchement, en toute sincérité à propos ses secrets qu’il a tus au cours de son existence » (P. 63)
  • « Il voyait la mort comme un coup de gourdin qui l’atteindrait peut être dans les bras de sa bien aimée. A moins que ça ne lui arrive au bord d’un lac ou d’un fleuve profond où il pourrait aussitôt disparaître » ( P. 123)
  • « ..la sottise des hommes est si grande, qu’une bague à l’éclat de feu sur une main blanche, un porte-jarretelles rose attaché avec une humeur de fête, l’élévation soudaine d’un regard cloué au sol et le mouvement d’hétaïre d’un bras les hante dans leur solitude » (P. 132)
  • « Nous autres femmes, des plus intelligentes aux plus stupides,  nous sommes toutes pareilles, dès qu’il s’agit de coquetteries. Oh combien j’ai honte de m’être souciée des plumes de mon chapeau, alors que dans mon cœur, le bonheur de ma vie, ma jeunesse, ma féminité, mes aspirations, mes espoirs étaient près de disparaître ou de ressusciter lorsque je partis à ta recherche » (P. 150)
  • « J’aime les maisons anciennes : la nuit, dans les murs, les habitants décédés se mettent à parler, car leur voix est restée ici » (P. 157)
  • « Les hommes- les amoureux sont tous des enfants rêvant d’aventures héroïques. Par amour ils enfoncent des clous avec autant de solennité que s’ils luttaient avec un ours » (P. 157)
  • « Vous pourriez être le meilleur des hommes si vous renonciez a quelques unes de vos affreuses habitudes [ ] par exemple si vous étiez plus respectueux avec les femmes. Si vous ne les traitiez pas tous comme vos maîtresses… » (P. 165)
  • « Le bruit d’un marron tombant sur notre chapeau n’était rien à côté de celui que faisait notre cœur chaque fois que vous apparaissiez. Mais vous n’avez pas été digne. Vous vous êtes lancé à la poursuite de toute sorte de femmes malpropres que nous n’aurions même pas engagées comme domestiques » (P. 172)
  • « On me doit bien cela, se dit Sindbad, car j’ai assez souffert de mes mariages et de ceux des autres. Quelques bons conseils n’ont jamais fait de mal aux jeunes couples qui ne connaissent pas encore la vie conjugale. Il est de bon ton que nous, hommes d’expérience, nous soyons à leurs côtés » (P. 257)

 

4 réflexions sur “« Sindbad ou la Nostalgie » – Gyula Krúdy

  1. Merci pour cet article, j’adore Sindbad (je le lis en VO) ! Si c’est la littérature hongroise de cette époque qui vous intéresse, je ne peux que vous recommander Dezsö Kosztolányi, romans et nouvelles sont traduits, et l’extraordinaire « Voyage autour de mon crâne » de Frigyes Karinthy, traduit également.

    • Merci pour ce commentaire et merci aussi pour ces suggestions de lecture…déjà enregistrées dans la liste des livres à emprunter à ma médiathèque préférée…
      Je suis allé voir votre blog…..Binet…j’ai passé de bons moments un peu déjantés avec lui…que j’ai commentés sur mon blog
      Comment peut-on s’abonner à votre blog?
      A bientôt

      • Merci pour cette visite sur mon blog ! Je n’ai pas prévu pour l’instant qu’on s’y abonne, il est très modeste mais j’en parlerai à mon développeur. On reste en contact via Google+ si vous le voulez bien, en attendant !
        Bonne soirée et à bientôt !

  2. Bonjour, je découvre votre blog et vous remercie d’avoir écrit sur Krúdy, mon écrivain hongrois préféré qui était inédit lorsque j’ai commencé à le traduire et à l’éditer. Plusieurs de ses meilleurs romans sont disponibles en francais > « N.N. » (le favori de Márai qui le relisait tout au long de sa vie) et Le Compagnon de voyage (les 2 réédités à La Baconnière), puis « Courses d’automne » (Ombres), « Le Prix des Dames » (Albin Michel). Aujourd’hui, ce sont des écrivains français qui se passionnent pour lui. Un exemple : https://youtu.be/CWPAt3BTYkQ

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