« Paradis amer » – Tatamkhulu Africa

Paradis amerOubli ou puritanisme ?
Publié en Afrique du Sud peu de temps avant la mort de l’auteur Tatamkhulu Africa en 2002, ce livre est édité plus de 13 ans après en France… c’était peut être trop tôt pour aborder pendant 13 ans un sujet iconoclaste sans doute …l’homosexualité dans les camps de prisonniers de guerre. Les Presses de la Cité ont pris la pari….Bravo !

Tatamkhulu Africa, Tom dans le livre, reçoit une lettre et un colis provenant d’un copain qui vient de mourir, prisonnier de guerre comme lui, qu’il n’a pas vu depuis cinquante ans…Les souvenirs reviennent..Capturé en Lybie par les armées allemandes, qui le confièrent par la suite aux Italiens…il traversa le désert, l’Italie, et fut libéré et évacué de l’Allemagne vaincue vers l’Angleterre.

Des conditions de captivité éprouvantes, tout nous est décrit, la faim et la chaleur, la soif, les trafics de colis de la Croix Rouge, le théâtre aux armées, la dysenterie, les bagarres, les marches forcées avec les SS…

Heureusement il y a les copains qui sont toujours là, certains sont même un peu « pot de colle »…. Mais Tom n’est pas « un de ces pédés »…..D’origine sud Africaine il va croiser Danny, l’un de ces anglais qu’il hait et repousse. Progressivement il va éprouver pour lui ce besoin de le retrouver…. Scènes pleines de pudeur, plaisirs de se frôler, désirs et scènes de jalousie…d’autres prisonniers éprouvent des sentiments soit pour Dany soit pour Tom. Ils ne sont pas les seuls à éprouver pour d’autres ces sentiments qui permettent d’affronter la dureté de la vie des camps, de se soutenir……

Une façon pour Tom et Danny d’affronter leur passé….

Oui, des « bien pensants » rejetteront ce livre, d’autres recevront cette gifle…personne n’avait évoqué ce thème dans un livre, à ma connaissance…

Pas un roman, mais un livre largement autobiographique d’un auteur inconnu en France, primé dans son pays. Né en Egypte d’un père arabe et d’une mère turque, il émigra en 1923 en Afrique du Sud. Il se convertit à l’islam et créa un mouvement musulman contre l’apartheid dans les années 1980. Accusé de terrorisme il fut emprisonné et le pouvoir lui interdit d’écrire…

Oui, il fallait être courageux pour lutter contre l’apartheid en Afrique du Sud et pour écrire et publier au début des années 2000 : « Oui, j’ai aimé et désiré un homme alors que j’étais prisonnier de guerre! »

Merci de nous avoir fait connaître cet auteur, ce livre, ce petit bout de l’Histoire


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Extraits

  • Un gardien faisant sa ronde le long de la bordure du camp repère encore la dernier montre qui brille au poignet de quelque innocent, lui propose un bidon de plusieurs litres d’eau en échange de la montre, l’apporte tellement rempli à ras bord que le sable en est éclaboussé, prend la montre puis renverse le bidon en se tordant de rire tandis que, la plupart du temps, l’innocent fond en larmes comme un gosse qui a vu son univers disparaître prématurément. »(P. 47)
  • « Je pense qu’il aurait mieux valu qu’ils nous aient fusillés là-bas et enterrés, ou qu’ils nous aient laissé pourrir tant que nous possédions encore les derniers lambeaux d’une dignité que nous n’avons jamais méritée » (P. 47)
  • « Suffisant pour soutenir l’élan vital, mais pas le moral, c’est un régime qui encourage le corps à établir un nouvel équilibre entre la peau et les os, réduit la conversation à des divagations sur la nourriture, et le peu de force mentale qui nous reste nous est à faire preuve d’une intolérance exacerbée les uns envers les autres. « (P. 48)
  • « Dans ton rêve tu disais a ton père d’arrêter de te faire une chose que mon père avait l’habitude de me faire. Et, bien qu’il soit mort, tu le détestes parce qu’il t’a mis complètement ses dessus dessous à l’intérieur. Pas vrai? » (P. 90)
  • « Déjà mon esprit, rebelle, récalcitrant, a élaboré un certain nombre d’informulables questions telles que : Suis-je l’un d’eux? Suis-je amoureux d’un homme? Mais je repousse violemment ces interrogations avec le désespoir d’un assiégé, puis avec une vulgarité délibérée je me concentre sur la mécanique de la sexualité entre hommes. Ça ressort tout couvert de merde! Je pense, frissonnant, sincèrement dégoûté tout en étant désagréablement conscient que la question de l’amour reste en suspens et que je la lie à l’acte sexuel à la manière simpliste des adolescents salaces afin de rentrer, pris de panique dans la confortable camisole de force où j’ai été élevé depuis ma naissance » (P. 127)

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