« Le soleil des Scorta » – Laurent Gaudé

Le Soleil des ScortaUn vaurien, repris de justice,  revient au village après 15 ans de prison. Après avoir fait l’amour à une femme qui est venu retrouver, il meurt sous les pierres jetées par les habitants de Montepuccio village des Pouilles…De cette union naîtra Rocco…le début d’une famille, celle des Mascalzone, les Scorta
: « Une famille devait naître de ce jour de soleil brûlant parce que le destin avait envie de jouer avec les hommes, comme les chats le font parfois, du bout de la patte, avec des oiseaux blessés. »

Rocco, brigand lui aussi, aurait pu assurer grâce à sa fortune, le bien-être des siens pendant plusieurs générations… mais non, il préfère laisser l’intégralité de ses biens, bien mal acquis, à l’Église contre l’engagement du curé qu’ils seront enterrés lui, ainsi que tous ses descendants comme des princes.

Ses trois enfants qui auraient pu vivre riches devront donc faire leur vie.., quitter ensemble ce sud pauvre et tenter de l’aventure comme beaucoup d’italiens, dans cette Amérique si attirante…

Mais c’est sans compter avec le destin qui les ramènera dans leur village…un village qui ne les attend pas : « La relation qu’entretenait Montepuccio avec les Scorta était faite d’un mélange indémélable de mépris, de fierté et de crainte. »
Le cadre est posé et Laurent Gaudé nous fait partager la vie de cette famille unie, qui accueille comme un des leurs Raffaele qui aura su,un jour, les aider. Une vie de pauvreté, de travail, d’honneur, le code d’honneur pouvant aller jusqu’au crime…Une vie au cours de laquelle ils vont petit à petit s’élever ensemble, sans devenir riches, une vie faite de travail, de courage, d’amour, d’amitié, et surtout une vie au cours de laquelle les 2 frères, Carmela, leur sœur et Raffaele resteront toujours unis.
Une vie que Carmela nous confie au soir de sa vie
Jamais lassant, ni larmoyant, ce roman est le roman de ces gens simples, ceux qui ne courent pas après la fortune, mais juste après le mieux être, le roman du Sud pauvre de l’Italie, le roman profondément humain dans lequel beaucoup de familles se reconnaîtront souvent..le roman d’un bonheur simple, celui du travail.
« Nous avons essayé. C’est tout. De toutes nos forces, nous avons essayé. Chaque génération essaie. Construire quelque chose. Consolider ce que l’on possède. Ou l’agrandir. Prendre soin des siens. Chacun essaie de faire au mieux. Il n’y a rien à faire d’autre que d’essayer. Mais il ne faut rien attendre de la fin de la course. Tu sais ce qu’il y a, à la fin de la course ? La vieillesse. Rien d’autre. [ ]. Il faut profiter de la sueur. [ ] Car ce sont les plus beaux moments de la vie. Quand tu te bats pour quelque chose, quand tu travailles jour et nuit comme un damné et que tu n’as plus le temps de voir ta femme et tes enfants, quand tu sues pour construire ce que tu désires, tu vis les plus beaux moments de la vie. « 


Extraits
  • « Immacolata Biscotti tomba enceinte. La pauvre femme allait donner naissance à un fils. C’est ainsi que naquit la lignée des Mascalzone. D’une erreur. D’un malentendu. D’un père vaurien assassiné deux heures après son étreinte, et d’une vieille fille qui s’ouvrait à un homme pour la première fois. C’est ainsi que naquit la famille des Mascalzone. D’un homme qui s’était trompé. Et d’une femme qui avait consenti à ce mensonge parce que ce désirer lui faisait claquer les genoux. Une famille devait naître de ce jour de soleil brûlant parce que le destin avait envie de jouer avec les hommes, comme les chats le font parfois, du bout de la patte, avec des oiseaux blessés » (P. 30)
  • « Qu’il s’agisse d’un commerce, d’un champ, ou d’une barque, il existe un lien obscur entre l’homme et son outil, fait de respect et de haine. On en prend soin. On l’entoure de mille attentions et on l’insulte dans ses nuits. Il vous use. Il vous casse en deux. Il vous vole vos dimanches et votre vie de famille, mais pour rien au monde on ne s’en séparerait. Il en était ainsi du bureau de tabac et des Scorta. Ils le maudissaient et le vénéraient tout à la fois, comme on vénère qui vous fait manger et comme on maudit qui vous fait vieillir prématurément. » (P. 133)
  • « Il faut qu’il reste des mets en table, sinon, c’est que les invités n’ont pas eu assez » (P. 147)
  • « Vous le savez, tout le village nous appelle des taciturnes. On dit que nous sommes les enfants de La Muette et que notre bouche ne nous sert à rien d’autre qu’à manger, jamais à parler. Très bien. Soyons en fiers. Si cela peut éloigner les curieux et faire engager ces corneculs, va pour les taciturnes.  » (P. 148)
  • « Lorsque le soleil règne dans le ciel, à faire claquer les pierres, il n’y a rien à faire. Nous l’aimons trop cette terre. Elle n’offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d’entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia. Sa chaleur nous l’avons en nous. D’aussi loin que nos corps se souviennent, il était là, réchauffant nos peaux de nourrisssons. Et nous ne cessons de le manger, de le croquer à pleines dents. Il est là dans les fruits que nous mangeons. Les pêches. Les olives. Les oranges. C’est son parfum. Avec l’huile que nous buvons, il coule dans nos gorges. Il est en nous. Nous sommes les mangeurs de soleil »
  • « Le temps la mangeait doucement et il avait commencé son festin par la tête » (P. 250)
  • « Profite de la sueur » (P. 265)
  • « Beaucoup de gens d’Eglise ont ce défaut. Ils vendent à leurs ouailles le paradis ce qui les pousse à des discours niais de réconfort bon marché.  » (P. 276)

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