« La route » – Cormac McCarthy

La routePère et fils partent vers un monde meilleur, tentent de s’échapper de cette cendre, de ce froid, de cette nuit qui a envahi la terre depuis des années. On a l’impression qu’ils souhaitent atteindre la mer.Que s’est-il passé? On ne le saura pas, cataclysme terrestre, explosion de volcan, attaque nucléaire, toutes les suppositions sont permises. Peu importe la cause, seuls les effets comptent.
Dans ce monde inhumain, où plus rien ne pousse, les arbres, l’herbe, le maisons, tout est brûlé, réduit en cendres, seuls tentent de subsister quelques hommes, des gentils comme eux et des hordes de méchants, pillant, volant, cannibales traquant les gentils pour les dépecer et les manger…des méchants qu’ils doivent à tout prix éviter.
Père et fils poussent un caddie qui contient toute leur fortune, quelques couvertures, quelques boites de conserves, un peu d’eau, du pétrole, des bâches plastique…glanées ça et là dans des maisons abandonnées. Ils ont conservé contrairement à beaucoup toute leur humanité, le respect des autres, des biens d’autrui. On ne saura pas ce qu’était leur vie auparavant, comment est décédée la maman, l’âge du petit, à chacun de se créer ses images.
Malgré toutes ces épreuves, ils ont conservé l’espoir, l’espoir, le feu intérieur, cette quête de vie et d’un monde meilleur qui les pousse à avancer, tout en se cachant afin de préserver leur vie….
Je n’en dirai pas plus.
Ce livre couronné par le prix Pulitzer est dépouillé à l’extrême ….phrases courtes, monotones, lancinantes. On ne peut pas décrire avec poésie ce monde fini, dans lequel tout ce qui fait le bonheur, manger à sa faim, boire de l’eau pure devient de plus en plus impossible. Des phrases lancinantes, comme cette faim et cette peur qui les tenaillent.

« On n’est pas des survivants. On est des morts vivants dans un film d’horreur »
Les conversations entre père et fils sont également faites de phrases courtes, un fils d’une maigreur extrême dont on ne connaîtra pas l’âge, un gamin d’une grande maturité et humanité, qui s’interroge sur le bien, le mal…un gamin qui conserve une lumière intérieure, et l’espoir d’une autre vie…et qui parfois est un peu la petite voix qui bouscule et fait avancer le père.
L’auteur s’est défendu d’avoir voulu écrire un roman de science fiction…J’espère seulement que ce n’est pas le roman qui décrit l’avenir de notre terre..En tout cas, c’est un roman qui nous interroge en permanence et ne nous laisse pas tranquille, une fois refermé…Roman écologiste pourquoi pas. Roman en partie philosophique, certainement, le bien, le mal, la foi, le sens de la vie, l’espoir, l’amour des autres, la violence, la vanité de la possession de biens..autant de thèmes évoqués et dérangeants…
Dérangeant…c’est certain


Qui est Cormac McCarthy


Quelques extraits

  • ‌ »Une heure plus tard ils étaient sur la route. Il poussait le caddie et tous les deux, le petit et lui, ils portaient des sacs à dos. Dans les sacs à dos il y avait le strict nécessaire. Au cas où il serai et contraints d’abandonner le caddie et de prendre la fuite. Accroché à la barre de poussée du caddie il y  avait un rétroviseur et motocyclette chromé dont il se servait pour surveiller la route derrière eux. (P. 11) 
  • « Rappelle-toi que les choses que tu te mets dans la tête y sont pour toujours, dit-il. Il faudra peut-être que tu y penses. 
    – Il y a des choses qu’on oublie, non? 
    – Oui. On oublie ce qu’on a besoin de se rappeler et on se souvient de ce qu’il faut oublier.  » (P. -7)
  • « Dans les premières années les routes étaient peuplées de fugitifs disparaissant sous leurs habits. Portant des masques et des lunettes de plongée, en guenilles, assis au bord de la route comme des aéronautes en détresse leurs brouettes encombrées de tout un un bric-à-brac. Remorquant des charrettes ou des caddies. Leurs yeux luisant dans leurs crânes. Coquilles sans foi de créatures marchant en titubant sur les levées le long des marais tels des vagabonds sur une terre en délire. La fragilité de tout enfin révélée. D’anciennes et troublantes questions se dissolvant dans le néant et dans la nuit. L’ultime expression d’une chose emporte avec elle la catégorie. Étaient la lumière et disparaît. Regarde autour de toi. C’est long jamais. Mais le petit savait ce que qu’il savait. Que jamais c’est à peine un instant. » (P. 30)
  • « Il sortit dans la lumière grise et s’arrêta et il vit l’espace d’un bref instant l’absolue vérité du monde.  Le froid tournoyant sans répit autour de la terre intestat. L’implacable obscurité. Les chiens aveugles du soleil dans leur cours. L’accablant vide noir de l’univers. Et quelque part, deux animaux traqués tremblant comme des renards dans leur refuge. Du temps en sursis et un monde en sursis et des yeux en sursis pour le pleurer. » (P. 115)
  • « Peut-être qu’on devrait toujours garder l’œil ouvert. Si les ennuis arrivent au moment où on s’y attend le moins sans doute que la meilleure chose à faire c’est de toujours s’y attendre. 
    – Tu t’y attends toujours ? Papa ?
    – Oui, mais quelques fois je pourrais oublier de garder l’œil ouvert. » (P. 132)
  • « Les gens passaient leur temps à faire des préparatifs pour le lendemain. Moi je n’ai jamais cru à ça. Le lendemain ne faisait pas de préparatifs pour eux. Le lendemain ne savait même pas qu’ils existaient. » (P. 146)
  • « Elle est bleue ?
    La mer ? J’en sais rien. Elle l’était. » (P. 158)
  • « Il n’aurait pas cru que la valeur de la moindre petite chose pût dépendre d’un monde à venir. » (P. 162)
  • « Il faut que tu portes le feu.
    Je ne sais pas comment faire.
    Si, tu sais.
    Il existe pour de vrai ?  Le feu ?
    Oui, pour de vrai.
    Où est-il ? Je ne sais pas où il est. 
    Si, tu le sais. Il est au fond de toi. Il y a toujours été. Je le vois. 
    Emmène-moi avec toi. S’il te plait
    Je ne peux pas. » (P. 238)
  • « Autrefois il y avait des truites de torrent dans les montagnes. On pouvait les voir immobiles dressées dans le courant couleur d’ambre où les bordures blanches de leurs nageoires ondulaient doucement au fil de l’eau. Elles avaient un parfum de mousse quand on les prenait dans la main. Lisses et musclées et élastiques. Sur leur dos il y avait des dessins en pointillé qui étaient des cartes du monde en son devenir. Des cartes et des labyrinthes. D’une chose qu’on ne pourrait pas refaire. Ni réparer. Dans les vals profonds qu’elles habitaient toutes les choses étaient plus anciennes que l’homme et leur murmure était de mystère. » (dernière phrase du livre)

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