« Le Garçon » – Marcus Malte

le-garconUn garçon de quatorze ans porte sa mère mourante sur le dos. Ensemble ils se retrouvent au bord de la mer que la mère peut admirer une dernière fois avant de fermer les yeux…..Ce n’était pas la mer…
« Il ignore tout du reste du reste du monde et cela est réciproque : la mère était la seule sur terre à connaître son existence et la mère est morte. »
Je ne vais commencer à vous raconter ce long voyage de ce garçon, un voyage de trente ans…un voyage dans le temps qu’on n’a pas envie d’interrompre.
Une fois qu’on entre dans ce livre on n’a pas envie d’en sortir.

Un garçon dont nous ne connaîtrons jamais le nom et le prénom originels, habitué à vivre seul, à se débrouiller, à vivre au jour le jour dans un monde qu’il découvre, jour après jour, un monde sans école. Un garçon solitaire, mutique. Une vie qu’il n’organisera pas, une vie faite de hasards de rencontres…des habitants d’un hameau, d’un lutteur de foire, d’un accident…hasards de rencontres qui vont décider de sa vie, qui ballotteront cette vie. Et notre garçon passera progressivement, année après année, rencontres après rencontres du petit animal qu’il était au héros, à l’homme.
Un garçon qui nous bouleversera souvent, que nous prendrons en affection….une jeune fille aussi l’aimera passionnément. Le grand amour de sa vie. L’unique. Un amour partagé.
Les chapitres passent, autant d’années qui avancent…inexorablement. Chacune se termine par un feu, une crémation qui efface toute trace, qui fait table rase du passé. La première guerre mondiale arrive. Nous n’en sommes qu’à la moitié du livre. Le lecteur s’interroge : comment va t’il passer cette épreuve ?
Jamais nous n’entendrons le garçon dire « Je », s’exprimer. C’est un regard extérieur que porte, à tout moment, l’auteur sur ce garçon et sur le monde qui le ballote. Un garçon qui prendra à bras le corps tout ce qui lui arrivera, bons et mauvais coups. Un garçon très volontaire, jamais passif, jamais salaud. 
Parallèlement au regard extérieur, narratif, alternant poésie, violence, description de paysages, de personnages et de scènes, l’auteur porte également un regard  « Coup de gueule » ou « Coup de cœur », un regard  philosophique sur le monde, voire ironique parfois, sur les événements, sur les personnes rencontrées ou impliquées dans toutes les situations vécues par notre garçon.
On ne peut qu’être bouleversé par la fureur des scènes de combat, par les bruits, les blessés de la Grande Guerre de 14-18,  et indigné par les paroles de grands généraux auxquels la victoire fut attribuée, indigné par l’attitude de l’arrière, par le sort réservé aux poilus à leur retour. Une guerre au cours de laquelle le garçon donnera toute son énergie. On aimera l’ogre, le caporal chef…
On sera ému par cet amour immense, l’érotisme des scènes d’amour n’est jamais vulgaire, l’auteur nous fait vivre cet amour avec Emma au plus près. On pleure pour eux.
On aimera les pages « Cette année là » et on sera surpris par certaines informations. 
Découverte d’un auteur et d’un livre alors qu’il n’avait pas encore obtenu un prix littéraire, dans le rayon « Nouveautés » de la Médiathèque. Quelques pages lues au hasard, et ce fut le coup de foudre pour cette écriture, pour cette poésie alternant avec cette violence, un coup de foudre qui se confirma au fil des pages.
On aimera, on détestera, on sera indigné, on apprendra, on vibrera, on pleurera, ou sourira….
Un livre émotion

Un livre superlatif


Quelques mots sur Marcus Malte


Quelques extraits
  • « Celui qui sert ici de monture a la stature d’un garçon de quatorze ans. Sec et dur. Les côtes, les muscles, les tendons saillent, à fleur de peau. Et par dessus de vagues morceaux de tissu, un assortiment de frusques vraisemblablement constitué sur le dos d’un épouvantail. Il va sans chaussures, les plantes de ses pieds ont la texture de l’écorce. Du chêne liège. Ses cheveux ruissellent sur les épaules et sur son front tel un bouquet d’algues. Il est en nage, il luit, émergeant tout juste, dirait-on de l’océan originel. La sueur lui sale les paupières au passage puis s’écoule en suivant le chemin des larmes. Une goutte se prend parfois dans la jeune pousse de duvet qui ourle la lèvre supérieure. Ses yeux sont noirs, plus noirs que le fond des âges, où palpite pourtant le souvenir de la prime étincelle.
    C’est l’enfant.
    Celle qui pèse sur ses reins n’a rien d’un chevalier sinon la figure triste. Une femme. Ce qui reste d’une femme. Les reliques. Sous les loques des bouts de bras qui dépassent, des bouts de jambe, la chair qui semble fuir du tas de hardes comme la paille d’une vieille poupée. Elle ne pèse pas lourd en vérité mais c’est un poids presque mort. Ballottant à chaque foulée. Son crâne repose entre les omoplates du garçon. ses paupières sont closes. Elle a le teint cireux, la peau flétrie des pommes sauvages tombées de l’arbre. On lui donne soixante ans. Elle n’en a pas trente.
    C’est la mère. » (P.14-5)
  • « Non seulement la beauté et l’harmonie ne durent ni ne s’emportent, mais aussi bref que fut le temps où elles nous sont apparues leur souvenir persiste, et leur absence ainsi mise en relief rend d’autant plus vertigineux le vide qu’elles nous laissent. » (P. 44)
  • « L’honneur, fiston, c’est comme les bretelles : aucun homme n’a envie de les perdre et de se retrouver le pantalon aux chevilles. » (P. 144)
  • « L’homme peut tout inventer. Il peut tout créer et il peut tout détruire. Au choix. C’est lui, c’est lui seul,qui a la boule d’argile au creux de la main. Que va-t-il en faire ? Faut voir….[….] Tout dépend en fait, de la sorte d’homme à qui appartient la main. Si c’est un savant. Si c’est un soldat. Et si c’est un poète ? Tu comprends bien que le résultat ne sera pas le même, selon. Et toi, qu’est ce que tu en ferais de cette argile? » (P. 150)
  • « Les généraux, les gouvernants. Ceux qui aboient le plus fort contre l’ennemi. Qui prônent le courage et le sacrifice pour l’amour de la patrie. Vont-ils se battre, ceux-là ? Certainement pas. Le courage des autres le sacrifice des autres : voilà qui leur suffit. Et je n’ai pas l’impression que leur conscience s’en porte plus mal. » (P. 333) 
  • Au nombre de morts, la religion, quelle qu’elle soit, est le pire fléau de l’humanité. Et j’ai dans l’idée que c’est loin d’être terminé » (P. 419)

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