
Un roman fort, sur le sud noir des Etats Unis, sur la pauvreté, la famille, le clan. Un petit air de Steinbeck ou de Faulkner.
Une fois ouvert, je n’ai pas pu le lâcher
Pas étonnant que l’auteure, Jesmyn Ward, auteur noire du Mississipi ait reçu Le National Book Award, récompense littéraire américaine majeure et méritée, pour cet ouvrage.
Qui est Jesmyn Ward
Quelques extraits
» Après que maman est morte, papa disait : « Mais qu’est-ce t’as à pleurer ? Arrête. C’est pas parce que tu pleures que ça va changer quelque chose ». On n’a jamais arrêté. On a fait plus doucement. On s’est cachés, c’est tout. J’ai appris à pleurer sans faire couler les larmes, ou juste une, des fois, j’ai appris à avaler, ça a un goût d’eau tiède, salées, elles me tombent au fon de la gorge. C’est tout ce qu’on pouvait faire. Alors j’avale, je regarde au travers et je cours. «
« C’est rien comparé à ce qu’à souffert maman en accouchant de Junior. Comme nous, il a vu le jour dans la chambre des parents, au milieu de la clairière que son père a créée de ses mains avant de nous construire notre maison. On l’appelle maintenant la Fosse. J’avais huit ans, je suis la seule fille de la famille et j’avais rien pu faire. Papa dit que maman voulait pas qu’on l’aide, que Randall et moi étions sortis vite, sous l’ampoule nue au-dessus du lit, alors elle pensait que ça serait pareil avec Junior, mais elle se trompait «
« On est restés dans le grenier ouvert jusqu’à ce que le vent vrombisse plus comme des avions de chasse, qu’il tousse juste un peu moins. On est restés dans le grenier ouvert jusqu’à ce que le ciel, couleur d’orange pourrie, passe à un gris moins sale. On est restés dans le grenier ouvert jusqu’à ce que l’eau arrête de bouillir comme une soupe et qu’elle recule lentement, centimètre par centimètre, vers la forêt. On est restés dans le grenier ouvert jusqu’à ce que la pluie de transforme en petites gouttes. On est restés dans le grenier ouvert jusqu’à ce qu’on ait très froid et qu’il reste assez de vent pour nous geler sur place. Blottis les uns contre les autres, on a essayé de se frotter pour se redonner chaud, mais c’était impossible. On était comme des branches mouillées, entassées, rien que des débris humains au milieu de tout le reste »