« Crimes » – Ferdinand Von Schirach

crimesOnze nouvelles, écrites par un grand avocat allemand…
Nouvelles nées de l’imagination d’un juriste ou nouvelles écrites à partir de cas qu’il eut à connaitre au sein de son cabinet ? …il ne le précisera pas, mais qu’importe…
Elles semblent toutes réelles. Toutes sont glaçantes, et mettent en scène une forme de déraillement de l’âme humaine..Toutes ces nouvelles ne relatent pas des crimes de sang. Certains ont tué par amour, par vengeance, pour se défendre. Un autre est, au contraire, subitement devenus fou au point de casser au moment de la retraite, la statue qu’il a surveillé toute sa vie. D’autres ont volé.

Aucun des cas évoqués ne met en scène un tueur psychopathe, un tueur en série. Non, ce sont parfois des personnes comme tout le monde, sans profil psychologique pervers, ce qui rend les nouvelles encore plus terribles….des gens comme vous  et moi, qui déraillent à un moment ou dans des circonstances données.
Tous sont certes coupables, mais combien sont réellement condamnables ?
Jamais l’auteur n’accumulera les détails sordides. Non, il constate tout simplement, il relate les faits. Il n’est pas là non plus pour défendre ou accuser les personnages de ses nouvelles. Le lecteur, troublé quant à lui, s’interroge immanquablement devant l’atrocité de certaines nouvelles, qui côtoie les meilleurs sentiments humains d’autres nouvelles.  
Il laisse en grand partie, à chaque lecteur, la liberté de s’interroger, de douter, et de juger l’auteur des faits, de constater ses fautes, sa démence, de faire la part entre hasard et préméditation, légitime défense et acte volontaire…et de prendre conscience de la difficulté parfois pour la justice de juger et de condamner un homme et pour l’avocat de défendre son client en trouvant les bons arguments, et mettant de coté tout affect .

Des textes qui interpellent le lecteur


Qui est  Ferdinand Von Schirach


Quelques extraits
  • « Au début, les enfants avaient peur de leur père, puis ils le haïrent. Pour finir, son monde leur était devenu si étranger qu’ils n’avaient plus rien à se dire. » (P. 51)
  • « Chacun des huit frères de Karim avait un casier judiciaire dont la lecture publique lors d’un procès prenait jusqu’à une demi-heure. » (P. 66)
  • « Que l’avocat croie à l’innocence de son client ne joue aucun rôle. Son devoir est de défendre son client. Ni plus ni moins. » (P. 111)
  • « Les avocats en revanche cherchent une faiblesse dans l’édifice de preuves monté par l’accusation. Le hasard est leur allié, leur devoir est d’empêcher toute conclusion hâtive reposant sur une apparente vérité. Un fonctionnaire de police a dit un jour à un juge de la Cour fédérale de justice que les défenseurs n’étaient que les freins du char sans frein de la justice. Le juge répondit qu’un char sans frein n’est bon à rien. Un procès ne fonctionne qu’à l’intérieur de ce jeu de forces. » (P. 117)
  • « Les histoires le plus absurdes peuvent être vraies, et les plus crédibles inventées de toutes pièces. » (P. 133)
  • « Suivez l’odeur de l’argent ou les traces du sperme. De la sorte, on élucide chaque meurtre. » (P. 133)
  • « Au Moyen-Age, c’était plus simple, on ne punissait qu’en fonction du délit ou du crime : on coupait la main d’un voleur sans exception. Qu’importe qu’il eût volé par cupidité ou pour ne pas mourir de faim. Jadis, punir était une sorte de mathématique à chaque action correspondait une peine clairement définie au préalable. Notre droit pénal d’aujourd’hui est plus intelligent, il appréhende la vie avec plus de justice mais il est aussi plus compliqué. » (P. 214)
  • « Depuis longtemps, il était d’avis qu’avocats et experts-comptables n’étaient bons qu’à créer des problèmes, pas à les résoudre. Peut-être ferait-il mieux de tout vendre et d’aller à la pêche. »
  • « Les discours grandiloquents font partie des siècles passés. Les Allemands n’aiment plus le pathos; tout bonnement parce qu’il y en a eu beaucoup trop. »
  • « Aujourd’hui, les plaidoyers ne sont plus décisifs au cours d’un procès. Le Parquet et la défense ne s’adressent pas aux jurés mais aux juges et à ses assesseurs. Chaque fausse note, chaque effet de manche et chaque formulation alambiquée est insupportable. Les discours grandiloquents font partie des siècles passés. »

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