« 10 jours dans un asile » – Nellie Bly

10 jours dans un asileNellie Bly jeune journaliste de 23 ans a pour patron Joseph Pulitzer, dont le nom  est mondialement connu de nos jours. Un nom associé aux prix Pulitzer, dont le plus convoité est décerné dans la catégorie journalisme. Un patron de presse incontestablement exigeant.
Il demande à Nellie Bly, jeune journaliste de 23 ans de se faire passer pour folle afin d’être hospitalisée en hôpital psychiatrique. Son reportage doit permettre de dénoncer les conditions de traitement des malades. Les prémices du journalisme d’investigation.
Elle s’installe dans une pension de famille, reste éveillée, les yeux hagards toute la nuit et au petit matin simule la folie : elle ne sait pas où elle a mis les troncs d’arbre qu’elle avait emportés !

C’est donc suite à une décision judiciaire, appuyée par des constations médicales qu’elle sera hospitalisée dans un établissement situé sur une île de la baie de New-York. A partir de ce jour, elle écrira : « dès mon entrée dans l’asile de l’île, je me suis départie de mon rôle de démente. Je parlais et me comportais en tout point comme d’ordinaire. Mais chose étrange, plus je parlais et me comportais normalement, plus les médecins étaient convaincus de ma folie, à l’exception d’un homme, dont la bonté d’âme et la courtoisie restent gravés dans mon souvenir. »
Rien n’y fait, considérée comme folle lors de son hospitalisation  elle sera toujours considérée comme démente par presque tout le personnel pendant 10 jours. Pendant ces dix jours elle supportera les mêmes « soins » que les autres patients, douches froides, bains dans des baignoires non vidées et non nettoyées entre deux patients, coups, injections de drogues, brimades en tout genre, réveil à 5h30 presque deux heures avant l’ouverture du réfectoire, et j’en passe.
Elle a pu en sortir et publier son reportage, mais toutes celles qui étaient avec elles, avec lesquelles elle sympathisa, ont sans doute dû y finir leurs jours.
Journaliste infiltrée, Nellie Bly met en évidence les conditions de diagnostic et de travail des personnels, les conditions d’accompagnement et de vie, les brimades que subissaient les malades. On ne peut pas parler de soins. Entrées là, parfois à la suite d’erreurs de diagnostic, elles étaient condamnées à y finir leurs jours, sous les coups, les privations, les douches froides…. Comment ne devenir fou quand on passe toutes ses journées assis sur un banc, sans lecture, sans activité, sans ouverture au monde.
C’était il y a plus d’un siècle. 
Son reportage qui a levé le voile sur ces conditions d’hospitalisation épouvantables, sur l’absence de soins réels, sur les méthodes du personnel, bouleversera les autorités de la ville et imposa une réorganisation du système de soins psychiatriques. Des fonds importants furent débloqués.
Il préfigure en grande partie les reportages dans lesquels des journalistes s’impliquent personnellement, s’infiltrent au sein d’organisations afin de dénoncer des faits, des comportements ou des personnes.

Des reportages qui seront  parfois primés par les prix Pulitzer.


Quelques mots au sujet de Nellie Bly


Quelques lignes pour avoir une idée
  • « Mais il était question d’une femme que l’on privait de sa liberté pour la jeter à l’asile, sans lui avoir donné la possibilité de se défendre ni lui avoir expliqué dans sa langue les raisons de cette sentence. Comparez sa situation à celle d’un criminel qui a toujours la possibilité de plaider son innocence. » (P. 56)
  • « Ce sont en fait les internées elles-même qui sont en charge de la propreté des lieux – jusqu’aux chambres et au linge des infirmières. » (P. 71)
  • « Estropiée, aveugle, jeune décrépite ou laide ou belle  le plus absurde des échantillons humains, le plus ignoble des destins. » (P. 74)
  • « Si une patiente osait se plaindre, on lui répondait qu’elle ne serait pas mieux chez elle et que c’était toujours assez bon pour des femmes vivant de la charité. » (P. 77)
  • Urena devint hystérique, et les infirmières se jetèrent sur elle, la giflèrent, lui donnèrent des coups répétés sur la tête. A ce stade, la pauvre créature était dans tous ses états ; elles n’hésitèrent alors pas à l’étrangler. Oui, vous avez bien lu. Elles la traînèrent ensuite jusque dans un placard, d’où nous parvenaient ses gémissements étouffés. Au bout de plusieurs heures d’enfermement, Urena retourna au salon, son cou portant encore les marques de doigts de ses assaillantes  » (P. 81-2)
  • « J’ai rencontré des patientes aux lèvres scellées, condamnées au silence pour l’éternité. Elles vivent, respirent, mangent ; l’enveloppe humaine demeure, mais ce quelque chose dont le corps peut se passer mais sans lequel il ne peut exister est absent. Je me suis souvent demandé si ces lèvres dissimulaient des rêves secrets ou un vide abyssal. » (P. 91)

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