
C’est devenu un lieu-commun que de parler de la poudrière du Moyen-Orient
On n’y comprend souvent plus rien.
France-Inter me fit découvrir ce livre en juin 2017, à l’occasion d’une matinale dominicale.
Les deux auteurs rappellent que par des accords conclus en 1916 -accords Sykes-Picot, du nom des deux diplomates qui les élaborèrent- la France et le Royaume-Uni ont décidé de partager l’Empire ottoman et ont défini arbitrairement leurs zones respectives d’influence, en traçant des frontières artificielles leur convenant, frontières faisant fi du tracé des frontières existantes, partageant et part et d’autre des populations, kurdes, arméniennes ou palestiniennes qui furent marginalisées et oubliées par la suite. Des pays ont été arbitrairement créés : Syrie, Irak, Liban, Jordanie, sans l’avis des populations concernées. La création d’un état juif, Israël rajoutera, plus tard, de la confusion et des tensions. 

Mais ces facteurs ne sont pas uniques, à ces clivages artificiels s’ajouteront des tensions internes préexistantes, souvent d’origine tribales ou communautaires…clivages et tensions instrumentalisés parfois par les puissances occidentales
Cette confusion s’ajoutera aux ressentiments des populations dirigées par la suite par des chefs d’État autoritaires, chefs de clans opprimant certaines populations et cherchant un enrichissement personnel. Ils ont fait l’actualité, certains la font toujours. Bien sûr, Russes et Américains ne pouvaient rester à l’écart. A leur ingérence, s’ajoute dorénavant celles de la Turquie, de l’Iran, de l’Arabie saoudite.
Livre fouillé, documenté, illustré de cartes présentant notamment des évolutions dans le temps. Un livre utile pour tenter de mieux comprendre. Pas toujours facile toutefois tant la situation est complexe.
Démoralisant aussi, car aucune solution ne semble se dessiner
Éditions Autrement – 2017 -146 pages
Qui sont Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud
Quelques lignes
- « Guerre civile en Syrie et en Irak, mort du processus de paix israélo-palestinien, instabilité libanaise, guerre indirecte entre l’Arabie saoudite et l’Iran, hyper-militarisation de la région, fabrique essentielle du djihadisme, succession de crimes de guerre. La liste est longue des dérives qui affectent le Moyen-Orient. » (P.5)
- « Si le diplomate conclut un accord alors qu’il ne peut rien maîtriser du rapport des forces sur le terrain, ce ne sera qu’un chiffon de papier vite emporté par le fracas des armes. Et si, à l’inverse, le soldat conquiert par la force un territoire déterminé, il lui faudra le soutien du diplomate pour tenter d’inscrire son action dans le droit, faute de quoi elle ne saurait avoir la moindre légitimité. » (P. 11)
- « …les Britanniques ont bricolé un État dont ils espéraient pour longtemps l’allégeance…. » (P. 79)
- « …avec un prise d’angle historique se dégagent surtout deux types déterminants : les acteurs lointains – États Unis et Russie – qui projettent souvent leurs rapports conflictuels dans la région et les acteurs régionaux – Iran et Arabie saoudite – qui y exportent eux-aussi leur volonté de puissance. On pourrait ajouter aussi des acteurs au cœur de la régions – Israël et la Syrie – responsables d’amputations territoriales et/ou de déstabilisation chez leurs voisins » (P. 120)
- « La France et la Grande-Bretagne furent à n’en pas douter des puissances déstabilisatrices du Moyen-Orient mais, après les indépendances, leur capacité d’intervention s’est fortement atténuée. » (P. 120)