
J’en sors assez décontenancé, assez troublé, mais surtout nullement indifférent.
Dans chacune de ces dix-sept nouvelles, d’une dizaine de pages, elle propose au lecteur de partager avec ses personnages un moment plus ou moins long de leur vie, un moment souvent insignifiant, anodins, des non-événements qui souvent ne vont pas modifier la vie de ces hommes et femmes. D’autres auteurs les passeraient sous silence tant ils sont banals, voire ennuyeux : un camion décharge du charbon dans une ferme, un couple cherche une chambre pour la nuit à Odessa, pendant qu’un maman va à un entretien d’embauche ses enfants font des avions en papier…..
Il se dégage de ces nouvelles une certaine forme de grisaille, de mélancolie, de tristesse. Vous n’y trouverez ni sourire, ni sensualité, ni amour fou…
La vie est faite de petits riens, que Judith Hermann sait mettre en valeur.
Les personnages sont tous des gens simples qu’on ne remarque pas, un couple qui veut adopter un enfant, des vieilles filles, des personnes âgées dont la vie se croise, des amis en psychanalyse…
Ces nouvelles se lisent rapidement, trop rapidement, laissant le lecteur sur sa faim…on ne saura jamais ce qui s’est passé avant ce moment, et on n’aura aucune indication quant à la suite. Chaque nouvelle pourrait se terminer par des points de suspension laissant à chacun la liberté d’imaginer la suite qui lui convient…C’est ce qui m’a assez décontenancé….Judith Hermann agit un peu comme le docteur Gupta, mentionné dans la nouvelle « Rêves » : « Il laisse à peu près toutes les questions sans réponse, il laisse à peu près toutes les questions ouvertes, comme s’il était d’avis qu’il n’y a de réponse valable à aucune question, ni d’explication pertinente pour aucune décision. »
Le livre est par contre très bien écrit, précis dans la description de sentiments, de ces petits riens qui font certains instants de la vie. C’est pour cela que ce livre ne m’a pas laissé indifférent.
Editeur : Albin Michel – Traduction Dominique Autrand – 2018 – 176 pages
Qui est Judith Hermann ?
Quelques lignes
« Le soleil monte vite au dessus de la rivière. Le garçon arrive aussi silencieusement que la veille. Il porte une cape de velours. Ses mouvements sont somnolents, d’une beauté fourbue, épuisée. Il ne sourit pas, mais il vient se mettre à côté de Stella dans l’escalier, et elle lève la main et lui touche la joue et les cheveux.Il dit on part.Elle le suit des yeux jusqu’à ce qu’il ait disparu entre les bouleaux, près de la maison. Les drapeaux tibétains claquent dans le vent. Personne d’autre en vue. » (P. 24)
- « Derrière elle, les portes coulissantes s’ouvrent et se referment, et Paul sort et dit, tu attends quoi en fait, Rose. L’indien appuie sur l’accélérateur avec une détermination qui frise le mépris. Rose fait un pas en avant, elle lève la main. Qu’est-ce qu’elle attend? » (P. 50)
- « Margo Rubinstein ressemblait aux personnages des livres que nous lisions, des vieilles filles tristes qui vivaient avec leur mère et attendaient la délivrance. » (P. 171)