« Je suis né un jour bleu » – Daniel Tammet

Je suis né un jour bleuBien des années après, j’ai eu besoin de relire ce livre, sans doute pour mieux comprendre le handicap…
Daniel Tammet est un génie, un génie des chiffres, un génie de la mémoire. Il nous apprend qu’il est capable de réciter pendant plusieurs heures 22 510 décimales du nombre pi, π, et qu’il a appris l’islandais ou le lituanien en une semaine. Il maitrise sept langues …
Bref, un homme « hors normes » atteint du syndrome d’Asperger, un trouble neurologique de la famille de l’autisme. Les personnes atteintes par ce syndrome éprouvent de grandes difficultés à se sociabiliser et à entrer en relation avec les autres. On ne sait pas guérir ce handicap.

Daniel Tammet se présente à nous en toute simplicité,  depuis l’enfance du gamin différent, éprouvant des difficultés pour se sociabiliser et des difficultés relationnelles avec les autres enfants, jusqu’à l’adulte, invité dorénavant des plateaux de télévision, capable de partir seul en Lituanie afin de donner des cours d’anglais à des enfants. Un long cheminement fait d’énormes efforts personnels. 
Ce livre nous permet de mieux comprendre sa différence, sa façon de penser, sa progression dans le temps, ses efforts constants pour s’adapter au monde. Il voit les chiffres en couleur et si sa mémoire des nombres est phénoménale c’est aussi parce que ces nombres correspondent à des formes qui le rassurent. Cette approche, sa synesthésie, à l’origine de ses capacités mémorielles, lui permet de se « détendre et gérer la situation, quelle qu’elle soit ». Tout ceci, il nous l’explique, dessins à l’appui. 
Passionnant.
Ses performances lui permirent de rencontrer un autre handicapé, un autre génie, Kim Peek, « un miracle », dont le cinéma tira le personnage de Rainman interprété par Dustin Hoffman. Un gamin « né  macrocéphale en raison d’une poche d’eau dans le crâne [….] capable de lire dès 16 mois et […]termina le lycée à 14 ans. » .
De Daniel Tammet ou de Kim Peek, chacun de nous dira qu’ils sont des « génies ». Nous réservons le mot handicapé pour ceux qui se sont pas capables d’atteindre nos capacités, notre niveau, ceux qui sont plus faibles… jamais cependant Daniel Tammet ne considèrera les autres, la grande majorité des hommes et femmes incapables d’atteindre son niveau de compétence, nous en fait, comme des handicapés. 
Et pourtant, on se sent tout petit, bien incapable et bien incompétent en comparaison avec lui. Bien handicapé.
C’est cette approche de l’Autre, des autres qu’il faut retenir de cette lecture. Cette approche devrait nous permettre de considérer différemment les « handicapés ». Il a pu le faire car lui est un un homme hypersensible, et surtout un homme humble et attachant….Un grand Monsieur qui nous permet de nous interroger quant à l’intégration des handicapés dans la société.
Faudrait-il qu’on se remette en question ?
Cette lecture et surtout une phrase de Kim Peek m’ont bouleversé : « Vous n’avez pas besoin d’être handicapé pour être différent, car nous sommes tous différents. » 
Un regard sur l’autre qu’il faut cultiver et encourager, comme Paul Valéry nous le suggérait : “Mettons en commun ce que nous avons de meilleur et enrichissons-nous de nos mutuelles différences.” et gardons à l’esprit la phrase de Tahar ben Jelloun : « La nature crée des différences, la société en fait des inégalités »

Éditions J’ai lu – Traduction : Nils C.Ahl – 2009 – 281 pages


Qui est Daniel Tammet


Quelques lignes

  • « En écrivant ce qui a été mon expérience de l’autisme, j’espère aider d’autres jeunes gens, comme mon frère Steven, à vivre leur autisme de haut niveau, à se sentir moins isolés et à avoir confiance, en sachant qu’il est possible d’avoir finalement une vie riche et heureuse. J’en suis la preuve vivante. » (P. 25)
  • « J’ai eu la chance miraculeuse de vivre à une époque de grands progrès médicaux, de sorte que mon expérience de l’épilepsie a été très différente de celle de mon grand-père. Après les crises et le diagnostic, mes parents redoutèrent que je sois désormais incapable de mener la vie « normale » qu’ils voulaient pour moi. Comme pour beaucoup de parents, être « normal », cela voulait dire être heureux et productif. » (P. 52)
  • « Simplement, c’était comme si je ne pouvais trouver ma place nulle part, comme si j’étais né dans un autre monde. Le sentiment de ne jamais être tout à fait à l’aise ou en sécurité, d’être toujours d’une certaine manière à part ou exclu, me pesait beaucoup. » (P. 100)
  • « Les autistes peuvent beaucoup apporter à une entreprise, ou à une association : ils sont fiables, honnêtes, très précis, considérablement attentifs aux détails et ont une bonne connaissance des résultats et des données. Les entreprises qui emploient des personnes atteintes d’autisme et/ou du syndrome d’Asperger contribuent à la conscience de la différence parmi les employés tandis que leurs dirigeants trouvent souvent qu’ils apprennent, à leur contact, à formuler un discours plus efficace auprès de leurs équipes en général. » (P. 188)
  • « J’avais récité 22 514 décimales de pi sans faire d’erreur, en cinq heures et neuf minutes, nouveau record d’Angleterre et d’Europe. Le public me fit un tonnerre d’applaudissements et Simon courut vers moi pour me prendre par surprise dans ses bras. Je remerciai les examinateurs d’avoir surveillé l’épreuve. On me demanda de venir dehors, de poser pour des photos supplémentaires et l’on m’offrit le premier verre de Champagne de ma vie. » (P. 233)

 

 

 

 

2 réflexions sur “« Je suis né un jour bleu » – Daniel Tammet

  1. Je ne connais pas ce livre mais dans une autre vie, celle de la vie professionnelle, je connaissais très bien le monde de la différence et des personnes en situation de handicap, versant jeunesse. On parle encore trop de handicap en pensant manque et altérité. En nous considérant tous avec nos différences, nous admettons un monde peuplé d’individus avec leurs avantages et leurs désavantages tous égaux qui à certains moments ont besoin de plus ou moins que d’autres. Tout ce qui permet de combattre la méconnaissance de l’autre donc les représentations négatives et la peur, nous ouvre à la compréhension de notre différence et celle des autres! Merci pour cette présentation !

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