« La Servante écarlate » – Margaret Atwood

La Servante écarlateUne claque effrayante!
Defred est une jeune femme, une servante recluse dans sa chambre. Defred n’est pas son nom de naissance, mais un nom qui lui a été donné par le régime. Elle ne peut sortir en ville qu’accompagnée de Deglen, une autre femme, vivant dans les mêmes conditions qu’elle. Toutes deux doivent s’espionner mutuellement, et quand elles partent en ville, leurs pas les portent vers le mur des pendus où restent accrochés plusieurs jours les hommes et femmes exécutés. Elles ne possèdent rien et tout a été pensé afin qu’elles ne puissent pas envisager le suicide.

Elles portent des robes écarlates, des coiffes qui leur cachent le visage et les yeux…seul leur utérus présente un intérêt pour la République de Gilaed, où elles vivent. Elles sont servantes écarlates que parce qu’elles ont déjà eu un enfant en bonne santé, dont elles n’ont aucune nouvelle. La couleur de leur robe permet de les distinguer des autres classes sociales, chaque caste, chaque classe étant facilement identifiable par  une tenue et des couleurs imposées. 
Le régime attend d’elles qu’elles donnent un bel enfant à la femme stérile d’un Commandant, (avec un grand C). 
Alors régulièrement et mécaniquement le Commandant vient la besogner, sans amour, sans caresse, pendant que son épouse tient les bras de Defred…
En effet, du fait d’évènements que nous connaitrons plus tard, la natalité a fortement baissé, les fausses couches sont nombreuses, des enfants naissent atteints de malformations, de nombreuses femmes sont devenues stériles….
Avant d’être réduite à ce rôle, la jeune femme a eu une fille, elle a connu le bonheur avec son mari Luke…ils n’ont pas pu fuir vers le Canada quand ce régime s’est installé…..aux États-Unis à la suite de la disparition d’un autre régime. Je n’en dirai pas plus.
Le droit à l’avortement n’était pas généralisé, loin de là en 1984, (tiens, un chiffre qui  me dit quelque chose !), date à laquelle Margaret Atwood écrivit ce roman, cette nouvelle dystopie semble-t-il.  Dans de nombreux pays, y compris en Europe, les femmes étaient encore des citoyens de second ordre n’ayant pas liberté de ne pas garder un embryon non désiré, des voix intégristes se faisaient encore entendre pour revenir sur la libéralisation de l’avortement, sur les libéralités gagnées de haute lutte contre les églises, contre l’Église. Les femmes étaient encore rares à occuper des postes de direction. 
Certes le trait peut sembler être poussé à l’extrême. Mais….
Mais un peu plus de trente ans après la parution du livre, le monde découvre avec inquiétude et une horreur dont les limites sont régulièrement repoussées, les exactions commises par les islamistes, les femmes voilées, lapidées, les hommes exécutés pour adultère, les pendaisons pour de prétendus crimes sexuels….et en Europe et en Occident des voix se font toujours entendre pour que le ventre des femmes appartienne aux hommes.
Une claque parce que j’ai lu ce livre avec bonheur. J’ai été pris, capturé par le scénario. 

Mais aussi « Effrayante », car comme le dit Margaret Atwood dans la postface du livre :

  • « Je m’étais fixé une règle: je n’inclurais rien que l’humanité n’ai pas déjà fait ailleurs ou à une autre époque, ou pour lequel la technologie n’existerait pas déjà. Je ne voulais pas me voir accusée de sombres inventions tordues, ou d’exagérer l’aptitude humaine à se comporter de façon déplorable. Les pendaisons en groupe, les victimes déchiquetées par la foule, les tenues propres à chaque caste et à chaque classe, les enfants volés par des régimes et remis à des officiels de haut rang; l’interdiction de l’apprentissage de la lecture, le déni du droit à la propriété : tout cela a des précédents, et une bonne partie se rencontre non pas dans d’autres cultures ou religions, mais au sein même de la tradition « Chrétienne ». »
Éditeur : Robert Laffont – Traduction : Sylviane Rué – 2012 – Première parution : 1985 – 522 pages

Qui est Margaret Atwood


Quelques lignes
  • « J’essaie de ne pas trop penser. Comme d’autres choses maintenant, la pensée doit être rationnée. Il y a beaucoup de choses auxquelles il n’est pas supportable de penser. Penser peut nuire à nos chances, et j’ai l’intention de durer »(P. 20)
  • « La République de Gilead, disait Tante Lydia, ne connaît pas de frontières. Gilead est en vous. Ici vivaient jadis des médecins, des avocats, des professeurs d’université. Il n’y a plus d’avocats, et l’université est fermée. »(P. 47)
  • « Que ce qu’ils ont fait fût légal, à l’époque, n’est pas une excuse : leurs crimes sont rétroactifs. Ils ont commis des atrocités, et doivent devenir des exemples, pour les autres. Pourtant cela n’est guère nécessaire. Aucune femme dans son bon sens, aujourd’hui, ne chercherait à prévenir une naissance, à supposer qu’elle ait la chance de concevoir. » (P. 63)

  • « Je sais où je suis, qui je suis, et le jour que nous sommes : tels sont les tests, et je suis saine d’esprit. La santé mentale est un bien précieux. Je l’économise comme les gens économisaient jadis de l’argent, pour en avoir suffisamment, le moment venu. » (P. 184)
  • « C’est pourquoi je ne suis pas autorisée à avoir un couteau. » (P. 382) 
  • « Les hommes haut placés du régime pouvaient ainsi faire leur choix parmi des femmes qui avaient donné la preuve de leur aptitude à la reproduction en ayant produit un ou plusieurs enfants sains, caractéristique recherchée à une époque de chute importante du taux des naissances caucasiennes, phénomène observable non seulement à Gilead mais dans la majorité des sociétés caucasiennes septentrionales de l’époque. » (P. 497)

2 réflexions sur “« La Servante écarlate » – Margaret Atwood

  1. Je ne lis pas de romans d’anticipation, d’habitude. J’ai lu La servante écarlate il y a peu de temps, moi aussi. J’ai été secouée… bouleversée… L’écriture, factuelle, est faite pour réveiller l’esprit de révolte face à ce qui pourrait arriver. Merci pour ton analyse !

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